J’ai écrit dans une précédente chronique (cf. « Refonder le politique sur les droits de l’Homme ») que les experts dans le domaine des droits de l’Homme qui mènent, tant au niveau international que national, une réflexion poussée sur cette question étaient méprisés par les gouvernements. Ce propos peut être illustrée ces dernières semaines par la triste situation de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH).
La CNCDH est une institution trop méconnue par le public. Indépendante et composée d’experts, d’ONG et de personnalités qualifiées, «
elle assure, selon son mandat,
auprès du Gouvernement, un rôle de conseil et de proposition dans le domaine des droits de l’Homme et de l’action humanitaire. Elle assiste le Premier ministre et les ministres intéressés de ses avis sur toutes les questions de portée générale relevant de son champ de compétence ». Elle publie chaque année un
rapport sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie et publie très régulièrement des avis sur la politique française en matière de droits de l’Homme (cf.
http://www.cncdh.fr/ ; son dernier avis porte sur le projet de loi pénitentiaire).
Force est de constater que ses travaux intéressent bien peu le gouvernement actuel. Si la tendance était depuis plusieurs années à une baisse du nombre de saisine pour avis, la CNCDH n’a pas été saisie une seule fois depuis que le Président Sarkozy a été élu. Elle dispose d’une faculté d’auto-saisine mais ses avis ne reçoivent ni réponse ni attention de l’administration. Les discours de campagne du candidat à la Présidence - et aujourd’hui les discours du chef d’Etat - font pourtant très fréquemment référence aux droits de l’Homme. Cette rhétorique ne permet peut-être que de masquer l’indigence, voire la gravité, du bilan présidentiel dans ce domaine.
Cette attitude est d’autant plus à déplorer que le statut de la CNCDH a été renforcé en 2007. La loi devait garantir une plus grande indépendance et améliorer le fonctionnement de cette institution créée par René Cassin, un des pères de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Or, le gouvernement souhaite maintenant reprendre d’une main ce qu’il a cédé de l’autre. En effet, alors que ses membres devaient être renouvelés à la fin de l’année 2008, la question de sa composition est toujours pendante. Le gouvernement tenterait-il de s’assurer que la nouvelle CNCDH ne soit pas trop critique à son égard ? Certains le pensent.
Cette situation est d’autant plus gênante que l’affaire commence à faire du bruit au niveau international. En effet, la CNCDH est une institution pionnière qui a inspiré la création de nombreux organes similaires de par le monde, ainsi que les principes, dits « de Paris », qui régissent le statut de celles-ci (notons au passage que le statut de la CNCDH avait été modifié car celui-ci ne répondait pas à ces principes !).
Or, une réunion importante des représentants de ces institutions, dans laquelle la CNCDH devait jouer un rôle de premier plan, doit se tenir dans quelques jours à l’ONU. La situation actuelle de notre institution nationale empêche d’envisager qu’elle remplisse ses fonctions. Cette difficulté ne fait que confirmer le mépris que porte le gouvernement à la question des droits de l’Homme. La France n’est décidément plus un exemple.
Les droits de l’Homme ne sont pas qu’un slogan. Ce sont aussi des règles de droit positif et une matière riche, fruit d’expériences et de réflexions qui ne peuvent être balayées d’un revers de main présidentielle. Ce sont aussi nos libertés et notre dignité qui sont en jeu. L’opinion publique s’inquiète bien trop peu des dérives actuelles, amenées progressivement. Celles-ci sont pourtant porteuses de graves régressions.