Dupond-Moretti : accusé « d’entre-soi » et relaxé « d’entre-soi »
Quelle surprise !!! La Cour de justice de la République (CJR) a relaxé, mercredi 29 novembre 2023, le ministre de la justice, qui était poursuivi pour « prises illégales d’intérêts ». Si c’est ça l’État de droit que l’on nous vente à tout va, merci ! je n’en veux pas.
Mais, chacun sait que les lois sont faites par les puissants et exclusivement dédiées à leur profit et à leur reproduction sociale. Un point c’est tout ! Circulez, il n’y a rien à voir ! Chacun chez soi, avec ses amis, et les moutons seront bien gardés !!!
Que des points d’exclamation dans ces quelques lignes ! Avouez quand-même qu’il y a de quoi…
Je m’explique : le ministre de la justice a été jugé par ses paires et par ceux qui ont été nommés par son ami le président de la « République » qui l’a nommé à ce poste également. Que vouliez-vous qu’ils décident ? Leur renvoi pour mauvaise conduite et irrespect à l’égard du grand chef ?
C’est la même histoire qui se répète depuis des millénaires : On reste entre gens de bonne famille. On ne va quand-même pas se mélanger avec la plèbe !
Rappelons les faits : Eric Dupond-Moretti, garde des sceaux, était accusé pour une affaire de « prises illégales d’intérêts ». Il lui était reproché d’avoir profité de sa position de ministre pour régler des comptes avec des magistrats avec lesquels il avait eu des différends lorsqu’il était avocat. Non mais, de quel droit ces gueux se sont mêlés des affaires du grand avocat ? De quel droit ont-ils osé embêter le grand avocat et futur ministre ? Ils pouvaient attendre et ils verraient ; c’est fait !
« A l’annonce de cette décision, les réactions n’ont pas tardé ; au-delà du fond, celle-ci redonne du souffle à un débat vieux de plus de trente ans sur le bien-fondé à disposer d’une juridiction spéciale pour juger les ministres. Une grande majorité des juristes, des universitaires et même des politiques plaident soit pour une suppression pure et simple de la CJR, soit pour une refonte en profondeur de cette dernière », nous dit Le Monde[1].
Quand des politiques jugent des politiques on reste entre soi. La CJR est composée de trois juges professionnels, issus de la Cour de cassation, et douze juges parlementaires (six députés, six sénateurs). Si le ministre était effectivement condamné, les trois juges savaient d’avance ce qui leur arriverait. De même, les 12 politiques, même ceux de l’opposition, pouvaient craindre pour leur futur dans ce nid de guêpes qu’est devenue la politique à force de compromis et de compromissions. Une justice faite pour et par les politiques. Des politiques qui jugent des politiques – leurs amis – qu’ils côtoient tous les jours, une « justice » d’amis et sans partie civile.
Dans son article cité plus haut, le quotidien Le Monde poursuit : « Le problème de l’impartialité existe également du côté des magistrats professionnels. Issus de la Cour de cassation, ils sont présents à toutes les étapes de la procédure devant la CJR. Et les décisions de cette dernière sont susceptibles de recours… devant la Cour de cassation. Mis bout à bout, tous ces éléments font que les universitaires se montrent également très critiques envers la CJR. Ils sont nombreux à opter pour un alignement sur le droit commun avec un système de filtrage, pour éviter les procédures abusives. »
Emmanuel Macron avait promis de supprimer la Cour de justice de la République mais il ne l’a pas fait, pas plus que François Hollande, qui avait pris le même engagement. Mais au vu de l’ampleur de la crise civique, il y a sans doute urgence à remplacer la CJR par une instance juridique composée différemment et politiquement neutre. Mais ça, c’est une autre histoire. Cela peut se passer sous des régimes réellement démocratiques où, par exemple, le peuple peut révoquer les élus s’ils ne tiennent pas leurs promesses et où les élus ont la sensibilité de démissionner quand leur honneur est mis en cause de manière flagrante…
[1] Le Monde daté du 1er décembre 2023.
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