Dupont-Aignan, combien de divisions ?
On se perd en conjectures sur les raisons du pacte entre Dupont Aignan et le Front National. Coup médiatique de Le Pen ? Ralliement « financier » d’un « Gaulliste » aux abois ou bien tout simplement reniements politiques des deux, juste pour pouvoir exister après la défaite de la présidentielle ?
La surprise Dupont Aignan
Il n’a pas été avare dans le passé, jusqu’à il y a peu, de critiques féroces contre Marine Le Pen et le voilà qui trône sur une estrade avec son ancienne ennemie dans une salle digne des apparats du Kremlin pour dire tout le bien qu’il pense d’elle et de son programme.
Poignées de mains, grands sourires, accord conclu. De belles photos pour les médias et un coup médiatique réussi pour un « Gaulliste » qui s’allie avec l’extrême droite. De gaulle qui est habitué à se retourner dans sa tombe face aux errements de ses successeurs de LR doit actuellement hésiter à faire un tour supplémentaire devant tant de bassesse et d’imbécilité.
Du côté du parti « débout la France », ce passage à l’extrême droite commence déjà à se faire sentir et les défections dans l’équipe dirigeante ou les élus de terrains s’accumulent, ce qui laisse peu de doute sur l’avenir, compromis, de ce parti.
Quel avantage pour Le Pen ?
C’est la dédiabolisation qui continue selon les éditorialistes en oubliant de souligner qu’avec des amis comme Dupont, son futur premier ministre - ce qui a du faire grincer bien des dents au sein du FN - elle n’a pas besoin d’ennemis.
Que lui apporte Dupont, sinon quelques revirements de programmes sur l’euro ou l’Europe, auxquels nous sommes habitués depuis le début de la campagne au risque de transformer son programme présidentiel en programme municipal de Robert Ménard avec armement des polices municipales ?
On peut penser que les duettistes sont en train de jouer le coup d’après, c’est-à-dire les législatives, puisque les choses semblent être pliées pour la présidentielle. Il s’agit sans doute avant tout d’un accord pour pouvoir créer un futur groupe politique commun à l’Assemblée Nationale. Ce n’est pas gagné non plus.
En fait, rien à glaner pour Le Pen, sauf créer un évènement fort opportun pour tenter de masquer les casseroles du FN entre saillies homophobes du père, révisionnisme de l’ex futur Président du parti censé remplacer la fille élue Présidente, la sous-estimation du patrimoine d’icelle, les emplois fictifs du Parlement européen ou bien encore le financement des précédentes campagnes par le micro parti Jeanne.
Dupont Aignan est donc l’écran de fumée dont rêvent tous les candidats qui trimbalent des casseroles. Mais attention, la prestation de NDA a un coût, sans doute un deal intéressant pour son parti « debout la France » qui n’a pas obtenu les 5 % de voix nécessaires pour être remboursé de ses frais de campagne. Marine au secours financier de la petite entreprise, c’est bien dans son programme ! Une promesse tenue, donc.
Et en terme électoraux ?
Deux mots sur les sondages avant de développer quelques éléments d’une enquête du Cevipof réalisée en partenariat avec Le Monde et IPSOS les 16 et 17 avril : il était de bon ton pendant la campagne du premier tour de critiquer les instituts de sondages et leurs méthodes. Depuis le 23 avril au soir, on s’est aperçu que les résultats étaient très proches de ce que leurs enquêtes avaient indiqué. Terminées donc, les élucubrations sur le vote caché de Fillon, les presque 30 % du Front National ou bien encore les illuminés qui se voyaient au second tour et qui n’ont fait que 1 %.
Que dit l’enquête citée plus haut ? Qu’en cas de second tour Macron/Le Pen, les électeurs des battus du premier tour savent globalement (sauf évènement de campagne particulier) pour qui ils voteront au second tour dans des proportions situées entre 60 et 70 %, à l’exception de l’électorat du Dupont Aignan qui se répartit déjà à 34 % pour Macron et à 46 % pour le Pen. Reste donc seulement 20% d’indécis dans ce parti, soit 330 000 électeurs dont on ne sait pas pour qui ils voteront s’ils ne s’abstiennent pas, ce qui n’est pas susceptible de faire pencher la balance en faveur de Le Pen. Et encore, on ne connait pas l’impact négatif que le ralliement de NDA pourrait avoir sur cette partie de l’électorat.
Les indécis sont 27 % chez Fillon (1,90 Millions d’électeurs), 37 % chez Mélenchon (2.54 Millions) et 27 % chez Hamon (0.6 Million). Quand bien même l’alliance Le Pen/NDA séduirait une partie des indécis de chez Fillon, l’effet inverse provoqué en faveur de Macron chez les partisans de Mélenchon et Hamon, effacerait vraisemblablement le gain pour Le Pen.
A quoi sert le deal Le Pen/NDA ?
Pas à grand-chose à court terme sur un éventuel bénéfice électoral pour Le Pen, mais en terme d’animation de campagne, nous allons être servis. Les médias vont nous tenir en haleine pendant les derniers jours de la campagne et tous les politiques et bien-pensants de gauche et de droite qui n’ont rien fait pendant 30 ans pour juguler le poids de l’extrême droite vont venir nous agiter son spectre sous le nez en culpabilisant bien fort ceux qui ne veulent pas répondre à l’injonction du vote Macron, devenu quasi obligatoire.
Ils vont se succéder dans les médias, ceux qui comme Hollande, digne successeur de Mitterrand qui a su si bien jouer avec l’extrême droite pour contrecarrer la droite républicaine et garder le pouvoir à gauche jusqu’au fiasco de 2002, n’auront rien fait pour répondre à des questions essentielles sur les populations et territoires déclassés, ou bien auront laissé pourrir le débat sur la laïcité, quand ce n’est pas proposer la déchéance de nationalité.
Oui, tous ceux, comme Hollande (encore) qui aura fait finalement ami-ami avec la finance et oublié de renégocier les traités européens, ou comme Sarkozy, qui n’aura pas fait mieux et au contraire avec sa ligne Buisson n’aura pas cessé de draguer l’électorat du FN avec des propositions et des débats démagogiques ou enfin (mais la liste n’est pas close) Fillon qui s’est perdu du côté de l’électorat catho tradi prêt à oublier l’emploi de Pénélope pourvu que les homosexuels ne puissent plus avoir le droit de se marier.
Le degré zéro de la citoyenneté
Voilà le niveau de débat auquel nous sommes parvenus. Le Pen nous propose d’aller encore plus loin en nous proposant son attelage improbable avec Dupont Aignan.
Les autres, beaucoup d’autres, relayent ce débat hystérisé en nous demandant d’aller voter en masse pour Macron, un vote contre Le Pen, un vote par défaut, pas une adhésion, dont se glorifiera le vainqueur et qui le rendra légitime pour mettre en œuvre son programme libéral, avec surtout une chambre des députés à sa botte.
Ils sont peu nombreux ceux qui nous proposent d’autres voies. Ils mériteraient cependant qu’on leur donne la parole plus souvent. Cela nous ferait des vacances.
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