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Accueil du site > Tribune Libre > Early warning : à la recherche des crises

Early warning : à la recherche des crises

Concernant les crises, les anglo-saxons (pour être plus exact, la langue de Shakespeare pratiquée au sein des organisations internationales) ont cette expression sibylline : Earl warning, Soit, prévention précoce, du genre « quelque chose se trame ? », ou « Attention ! Les choses ont l’air de se gâter », ou encore « ne m’obligez pas de souligner que je vous l’avais bien dit »… Peu importe, cet early warning est devenu aujourd’hui une science, il y a de colloques là dessus, des conférences internationales, des spécialistes, des pros des signes avant coureurs. Cela concerne aussi bien les conflits, la criminalisation du politique, que la violence des cités ou les embouteillages.

Hélas, question finances, nous en manquons.

En fait, ce métier, si je comprends bien, consiste surtout à pratiquer une sorte de filtre pour isoler les dangers qui pointent là où c’est important, et laisser-faire ailleurs. Pour être plus clair, définir ce qui nous intéresse et ce qui devrait nous laisser indifférents. En effet, question signes inquiétants, nous en sommes débordés. Quelques exemples, de ceux qui, dans ce jargon de la sélection, coulent comme une larme dans la pluie : 18% de la population colombienne est aujourd’hui déplacée. Quatre millions officiellement, six en réalité. Par an, il y a plus de morts violentes aux favélas brésiliennes ou aux quartiers salvadoriens que dans la bande de Gaza (et j’inclus les moments de guerre récents). Au Mexique (Cité Juarez ou Tijuana par exemple), la guerre des narcos fait en moyenne trente morts par jour. Au Congo, nous sommes à quatre millions de morts…

Voyons maintenant de quoi parle la presse : de l’attentat à Peshawar, des inondations aux Philippines, des un peu moins de trente morts après les pluies diluviennes en Sicile, de la mort de deux soldats (ou quatre, ou huit, peu importe) en Afghanistan ou en Iraq. On parle aussi d’une pandémie virale (H1N1) qui fait moins de morts que la grippe classique chaque année. 

C’est donc là que se place le métier du prévoyant précoce : dix pour cent de déplacés en Colombie, on n’a rien à faire (pour ne pas dire en s’en balance les couilles), car, il s’agit d’une situation gérée (sic), quant aux morts congolais ou les victimes mexicaines, il s’agit d’une culture de la violence, c’est comme, d’après les earlywarnistes, les penchants à la tequila ou le fatalisme africain. En conséquence, ne nous inquiétons pas.

Un cynique pourrait dire que c’est le contraire : Comme on ne s’inquiète pas, ce n’est pas important.

Cependant, ces spécialistes voyants ont des solides excuses : ce sont des experts, et leur boulot c’est de trouver des signes avant coureurs de risques et de dangers potentiels là où on leur demande de le faire. Ils sont payés pour ça. En conséquence, notre inquiétude devient aléatoire, et notre savoir fragmenté, subjectif, une goutte d’eau dans l’océan des désordres mondiaux. Normal. On est incapable d’assécher cette foutue goutte, on va s’inquiéter des océans ?

Il existe cependant des earlywarnistes sérieux qui ont modélisé leur savoir, mis en place des protocoles, structuré la pensée sur les signes précoces. Sauf que le monde dit globalisé a tendance à ne pas répondre d’une seule voix, reste plus éclaté et divers que jamais. A mon avis, le jour où on remplacera ces spécialistes de la prévention par des entomologistes patients, on se portera mieux, en tous cas, on saura mieux. 


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5 réactions à cet article    


  • zelectron zelectron 12 octobre 2009 11:27

    C’est plutôt le « late warning » qui est le lot quotidien y compris et surtout le fait des hommes et des femmes politiques en particulier, quand aux « experts », ce serait un excellent titre pour un diplôme qui leur serait délivré sans qu’ils aient à le passer.


    • stephanemot stephanemot 12 octobre 2009 12:10

      capter des signaux faibles et de leur donner du sens, anticiper des ruptures dans un environnement, alerter, mettre en perspective... tout cela rejoint la « veille »

      le terme francais renvoie souvent a un niveau basique, sur le mode reactif, generalement associee a la seule veille concurrentielle, mais en Anglais le terme de strategic intelligence reflete mieux la portee et la valeur ajoutee pour la communaute.

      c’est une composante essentielle de la strategie, de la prospective, et le meilleur moyen de transformer des risques en opportunites.

      bon la je preche pour ma paroisse, ou plutot mon job dans une vie anterieure


      • Annie 12 octobre 2009 13:09

        J’ai bien aimé votre article que je rapprocherai du débat sur les nouvelles techniques de gestion qui privilégient le quantifiable. Dans un monde obnubilé par la culture du résultat, tout ce qui fait appel au jugement individuel, qui implique des raisonnements nuancés et donc des résultats nécessitant une interprétation ainsi qu’une mise en contexte, tout cela est abandonné au profit d’une catégorisation simpliste des problèmes et donc des solutions. L’importance des crises est ordonnée selon leur capacité à être gérée. Si vous travaillez comme consultant à l’ONU, vous devez être à la première place.
        Un petit apparté : L’early warning system pour les phénoménes climatiques aux Philippines n’a pas fonctionné parce qu’il avait été endommagé par .....un cyclone !


        • zelectron zelectron 12 octobre 2009 14:07

          En Français le terme « early warning » peut se traduire par le concept « je vous l’avais bien dit » !
          L’observation d’une boule de cristal ou d’un peu de marc de café sont des succédané de l’EW" et dans certains cas meilleurs systèmes prédictifs


          • jltisserand 12 octobre 2009 23:52

            Les « pratiquants la langue Anglaise » sont les spécialistes de l’ouverture du robinet d’eau chaude. La qualification la plus rationnelle est : bullshiteurs et désinformateurs. Tant en politique qu’en business.

             Et bien sûr cette image de « spécialiste » qu’ils endossent souvent c’est pour faire du fric.

            Hélas je crois savoir qu’en France ça commence aussi. Menteurs de surcroit et avec un aplomb désarmant.

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