Early warning : à la recherche des crises

Hélas, question finances, nous en manquons.
En fait, ce métier, si je comprends bien, consiste surtout à pratiquer une sorte de filtre pour isoler les dangers qui pointent là où c’est important, et laisser-faire ailleurs. Pour être plus clair, définir ce qui nous intéresse et ce qui devrait nous laisser indifférents. En effet, question signes inquiétants, nous en sommes débordés. Quelques exemples, de ceux qui, dans ce jargon de la sélection, coulent comme une larme dans la pluie : 18% de la population colombienne est aujourd’hui déplacée. Quatre millions officiellement, six en réalité. Par an, il y a plus de morts violentes aux favélas brésiliennes ou aux quartiers salvadoriens que dans la bande de Gaza (et j’inclus les moments de guerre récents). Au Mexique (Cité Juarez ou Tijuana par exemple), la guerre des narcos fait en moyenne trente morts par jour. Au Congo, nous sommes à quatre millions de morts…
Voyons maintenant de quoi parle la presse : de l’attentat à Peshawar, des inondations aux Philippines, des un peu moins de trente morts après les pluies diluviennes en Sicile, de la mort de deux soldats (ou quatre, ou huit, peu importe) en Afghanistan ou en Iraq. On parle aussi d’une pandémie virale (H1N1) qui fait moins de morts que la grippe classique chaque année.
C’est donc là que se place le métier du prévoyant précoce : dix pour cent de déplacés en Colombie, on n’a rien à faire (pour ne pas dire en s’en balance les couilles), car, il s’agit d’une situation gérée (sic), quant aux morts congolais ou les victimes mexicaines, il s’agit d’une culture de la violence, c’est comme, d’après les earlywarnistes, les penchants à la tequila ou le fatalisme africain. En conséquence, ne nous inquiétons pas.
Un cynique pourrait dire que c’est le contraire : Comme on ne s’inquiète pas, ce n’est pas important.
Cependant, ces spécialistes voyants ont des solides excuses : ce sont des experts, et leur boulot c’est de trouver des signes avant coureurs de risques et de dangers potentiels là où on leur demande de le faire. Ils sont payés pour ça. En conséquence, notre inquiétude devient aléatoire, et notre savoir fragmenté, subjectif, une goutte d’eau dans l’océan des désordres mondiaux. Normal. On est incapable d’assécher cette foutue goutte, on va s’inquiéter des océans ?
Il existe cependant des earlywarnistes sérieux qui ont modélisé leur savoir, mis en place des protocoles, structuré la pensée sur les signes précoces. Sauf que le monde dit globalisé a tendance à ne pas répondre d’une seule voix, reste plus éclaté et divers que jamais. A mon avis, le jour où on remplacera ces spécialistes de la prévention par des entomologistes patients, on se portera mieux, en tous cas, on saura mieux.
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