Ebola l’incontrôlable
Nous ne sommes spécialistes, ni des épidémies, ni des virus. Nous voudrions seulement résumer ici en quelques phrases et en quelques questions une situation qui nous concerne ou qui devrait nous concerner tous.
Jean-Paul Baquiast 29/08/2014
Quelques faits
La maladie à virus Ébola est l’une des maladies virales les plus graves connues chez l’homme. Le taux de létalité (mortalité) peut atteindre 90%. Les flambées de fièvre hémorragique provoquées par le virus Ebola surviennent principalement en Afrique. Il en est de même de la fièvre hémorragique dite de Marburg, très proche.
Le virus Ébola se transmet à l’homme à partir des animaux sauvages (primates, chauve-souris frugivores, que l'on trouve par milliers dans les villages à la frontière de la forêt et que les populations chassent pour se nourrir de leur viande. Il se propage ensuite par transmission interhumaine : par contact direct avec le sang, les liquides biologiques ou les tissus des sujets et animaux infectés. Il n’existe aucun traitement ni vaccin et la prise en charge repose généralement sur un traitement symptomatique.
L'épidémie n'est pas nouvelle. Elle a commencé à sévir en Afrique dès 1976, où elle a entrainé de nombreux morts. Mais, pour des raisons peu comprises (atténuation spontanée du virus ?) elle avait disparu apparemment des premiers pays touchés, pour reparaitre ailleurs. A ce jour, aucune diminution de virulence du virus n'est observée. Les virologues ont découvert plus de 300 mutations génétiques qui pourraient distinguer cette épidémie des précédentes. Des mutations spécifiques pourraient être liées à la gravité de l'épidémie actuelle. De nouvelles mutations ne risquent-elles pas d'apparaître, alors que la population de virus s'étend considérablement. Elles pourraient soit diminuer soit augmenter sa virulence.
Il n'existe ni vaccin ni sérum permettant de lutter contre l'infection. Cependant, certains médicaments et vaccins sont actuellement en cours d’évaluation ou au stade des essais. Le 12 août 2014, un comité d’experts nommé par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS http://www.who.int/fr/) a jugé éthique leur utilisation exceptionnelle dans le contexte de l’épidémie en cours. Deux médecins américains atteints en Afrique puis rapatriés aux Etats-Unis ont été soignés avec succès de cette façon. Après les espoirs du sérum Zmapp, des essais de vaccins codéveloppés par GlaxoSmithKline (GSK) vont être menés de manière accélérée à partir du mois de septembre et pourraient être administrés à des volontaires sains au Royaume-Uni, en Gambie et au Mali, a annoncé jeudi l'association britannique caritative Wellcome Trust.
Dans l'immédiat, l'épidémie Ebola continue de progresser de « manière accélérée », selon l'OMS. Le dernier bilan de l'institution, publié jeudi 28 août, dénombre 1 552 morts pour 3 069 cas. Huit jours plus tôt, les chiffres faisaient état de 2 615 cas dont 1 427 morts. Pour l'OMS, le nombre total de cas pourrait à terme dépasser 20 000. L'OMS précise que « plus de 40 % du nombre total des cas sont survenus au cours de trois dernières semaines » . La majeure partie est concentrée « dans quelques localités » de la Guinée, la Sierra Leone et du Liberia. Mais de nouvelles victimes apparaissent au Nigéria et en République démocratique du Congo.
Le directeur des opérations de l'organisation Médecins sans frontières (voir MSF Francehttp://msf.fr/activites/fievres-hemorragiques) , le docteur Bart Janssens, ne cache pas son inquiétude. L'organisation est en première ligne sur le terrain de la lutte. Elle a enregistré plusieurs morts parmi ses volontaires. Selon Bart Janssens, les grands Etats et les organisations internationales, dont en premier lieu l'OMS, trop bureaucratique, n'ont pas pris la mesure du danger et ne mobilisent pas les moyens appropriés. Pour sa part, le Dr Mergo Terzian, président de MSF-France, est encore plus sévère. Invité de France Inter le 29 août, il a rappelé que MSF avait dès le 24 juin annoncé que l'épidémie était hors de contrôle. La communauté internationale n’a pas pris au sérieux cet avertissement. Selon lui, les mesures actuellement mises en oeuvre sont désordonnées, non réfléchies à fond et non coordonnées. L'épidémie ne pourra dans ces conditions que progresser, en touchant un nombre croissant de pays.
Quelques questions.
Comment éviter que les populations africaines vivant dans des villages de brousse isolés ne se contaminent pas elles-mêmes jusqu'à disparaître entièrement, compte tenu de leurs pratiques notamment en matière d'inhumation et de l'absence quasi totale de moyens de prévention disponibles sur place. Pas de réponse claire.
Comment éviter que d'un pays touché à un pays non touché, des voyageurs ou des objets ne circulent et ne diffusent le virus à une large échelle, compte tenu de la quasi impossibilité de contrôler des frontières d'ailleurs en général inexistantes. Pas de réponse claire.
Comment éviter que le virus ne se propage au sein des villes fortement peuplées, en Afrique d'abord, dans le reste du monde ensuite, s'il y est introduit. Ceci compte tenu des multiples et inévitables contacts existant entre individus ? Pas de réponse claire.
Les Etats et les compagnies aériennes doivent-elles continuer à suspendre la desserte des pays contaminés, comme c'est le cas actuellement ? L'on comprend très bien que de plus en plus de compagnies ferment certaines lignes. D'ailleurs les équipages, directement menacés, commencent à menacer de démissionner si ce n'était pas le cas. Mais le faire comporte un message géopolitique effrayant, qu'un médecin a pu traduire de la façon suivante : « laisser l'Afrique crever, en espérant que le virus ne s'en échappera pas ». On comprend que ceci soit inacceptable. Pas de réponse claire.
Les mesures de détection du virus à l'embarquement, prises par les aéroports et compagnies restant en service, sont-elles suffisantes ? En principe oui, car la contagiosité ne s'installe pas avant les premiers symptômes. Mais qu'en sera-t-il des personnes asymptomatiques qui se révèleraient malades après l'embarquement ? Quid des personnes qui présenteraient un symptôme tel que la fièvre, qui ne seraient pas malades et qui seraient refoulées parmi de vrais malades ? En fait, il sera inévitable que des voyageurs ou objets porteurs de virus échappent aux détections et parviennent dans les pays non encore atteints. Pas de réponse claire.
Verra-t-on les grands Etats dits développés se mobiliser enfin sérieusement pour étudier le virus, rechercher des moyens de prévention et de traitement, fabriquer et diffuser en très grandes séries les équipements de protection, mettre en place des centres de soins sécurisés ? Quels budgets publics les gouvernements déploieront-ils pour ce faire, étant entendu que l'initiative privée se refusera à investir sans perspective de retours immédiats ? Pas de réponse claire.
Si l'OMS et en arrière plan l'ONU ne paraissaient pas mettre en oeuvre de moyens suffisants pour lutter efficacement contre l'épidémie, que devrait faire la « communauté internationale » pour remédier à ces déficiences ? Faudrait-il mettre en place un nouvel organisme spécialisé doté des moyens d'interventions, d'étude, de coordination et de police manquant actuellement ? Qui fournira les budgets nécessaires ? Pas de réponse claire.
Note.
Notre ami Maurice Ronai nous écrit
1) L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a estimé que plus de 430 millions de dollars seraient nécessaires pour contrôler la propagation du virus,
Ce montant s’ajoute, entre autres, aux 200 millions de dollars promis par la Banque mondiale ou aux 11,9 millions d’euros débloqués par l’Union européenne.
J'ai l'impression que les moyens arrivent … mais tardivement.
2) J'ai écrit ceci à propos d'Ebola.
http://www.proximamobile.fr/article/technologies-mobiles-et-big-data-au-service-de-la-lutte-contre-l%E2%80%99epidemie-ebola
Parmi les enseignements qu'il faudra tirer de cette épidémie, quand elle sera résorbée, je vois
- la mise enoeuvre d'une couverture cartographique de l'Afrique, y compris les régions reculées : on ne peut pas organiser les secours qand on ne sait pas localiser les villages et les dispensaires
- l'équipement en terminaux mobiles des personnels de santé
- un accord avec les opérateurs mobiles pour accéder aux données mobiles (anonymisées, cela va de soi). Dans des pays "faillis" et sans système statistique, mais avec une population qui utilise couramment les mobiles, y compris comme banque et comme moyen de paiement, l'exploitation des données issues des téléphones est seul moyen de savoir ce qui se passe (évolution des revenus, déplacements des populations). C'est l'objet du programme Global Pulse et Digital Smoke Signals.
http://www.proximamobile.fr/article/le-mobile-outil-de-prevention-des-crises-humanitaires
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