Ecole et société : débat ou « rituel » ?
Intéressante à plus d’un titre cette émission Riposte du dimanche 21 octobre. D’abord parce qu’on y trouvait un plateau de choix, invités prestigieux parmi lesquels le ministre Xavier Darcos, le théoricien de la pédagogie Philippe Meirieu ou encore le philosophe Alain Finkielkraut, pour ne citer que les plus connus. Ensuite pour l’intitulé de l’émission : "Ecole, peut mieux faire ?" qui pointe donc du doigt cet élève moyen, l’Education nationale, dont les résultats ne semblent pas à la hauteur des espérances. Enfin parce que l’école, tout simplement, nous concerne tous.
Les débats étaient passionnés, les propos de qualité, le rythme de l’émission était enlevé : tant de choses à dire en si peu de temps : le niveau baisse-t-il ; l’école remplit-elle sa fonction démocratique égalitaire, transmet-elle toujours bien les fondements de notre culture humaniste, faut-il privilégier les savoirs traditionnels ou l’ouverture, quelle place pour l’ordinateur et les nouvelles technologies, etc. autant de questions - de faits - essentielles ont été abordées.
C’est sûr : l’école a des misssions à remplir et elle doit savoir s’adapter aux évolutions qui se font jour. Il y a donc des "mieux faire" à trouver. Cependant il y avait bien quelque chose de "déphasé"dans cette assemblée. Demander à l’école d’amener "à niveau" l’ensemble des élèves, d’être donc égalitaire dans une société où les écarts ne cessent de s’accroître entre les riches et les pauvres ; demander à l’école d’apporter à tous cette culture humaniste dont les médias de masse se détournent tout simplement*, demander à l’école de fonder l’esprit civique dans une société toujours plus individualiste, d’être morale et solidaire dans un monde affairiste, demander à l’école de la zep de sortir les élèves en difficulté du ghetto où la ville les enferme, etc., etc. Avec un tel cahier des charges, comment l’école pourrait-elle ne pas faillir à ses missions ?
Nos jeunes "véhiculés" n’ont plus assez d’activités physiques : allons-y pour une heure de sport en plus. Ils n’ont plus le sens des valeurs ? Allons-y pour un coup de Guy Môquet ! La liste est longue des demandes que la société, incapable d’assumer, reporte sur l’école en lui faisant le reproche de ses lacunes. L’école, fourre-tout de la République. Le bateau prend l’eau ; l’école écope. Elle le fait, souvent courageusement, dans des conditions difficiles. Le monde marchand feint d’ignorer ce qu’il doit véritablement au monde éducatif, social et associatif, sans qui la société entière ne manquerait pas de se déliter. Il serait temps qu’il remette en question ses propres valeurs, même si, sur ce sujet, nous ne nous faisons guère d’illusions...
Le titre de l’émission était clair, la cible désignée : "Ecole, peut mieux faire". La société est-elle malade de l’école ? N’est-ce pas plutôt l’école qui est malade de la société ? Que penserait-on de parents qui demandent à leur enfant de ne surtout pas faire comme eux ? L’équation est la suivante : comment l’école peut-elle faire ce que la société s’emploie à défaire ? Il y avait quelque chose de "poignant" dans cette conviction partagée par tous ces spécialistes penchés sur son chevet, selon qui l’école "peut" et "doit". Un parfum de naïveté autiste ou, comme en un rituel, la banalisation du discours dominant ? Quelque chose, en tout cas, de l’ordre du déni de réalité. Il manquait peut-être un enfant ce soir-là, sur le plateau de Riposte, pour dire tout simplement : "Regardez, le Roi est nu !"
* Se souvenir des propos de Patrick Le Lay, PDG de TF1 : "Ce que nous vendons à Coca-cola, c’est du temps de cerveau humain disponible." Les enfants passent plus de deux heures par jour en moyenne devant la télé.
4 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON