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Accueil du site > Tribune Libre > Ecologie : L’élitisme par le faire

Ecologie : L’élitisme par le faire

Une société ne peut pas se passer d'un sacré, peut-on raisonnablement penser que l'on puisse rêver de tartines de Nutella à profusion, d'un 4x4 de plus de 2 tonnes, d'un travail de sous-robot ? Ne reste plus que l'écologie pour se substituer aux dieux et à leurs avatars païens.

Un bateau battu par les flots doit être manoeuvré avec vivacité pour ne pas sombrer. Cependant, il doit se rapprocher du port le plus proche même s’il dévie un peu du plus court chemin. Les dirigeants les yeux rivés sur les sondages et les cours financiers ne savent plus où aller. Ils instrumentalisent les humeurs pour éviter le pire mais ils ne l’éviteront pas. La Démocratie est maintenant sous la coupe des plus agités et se réduit à des joutes oratoires stériles. Il manque un sacré avec lequel on ne peut pas transiger, à aucun moment, le seul possible relève de l’écologie.

Comme c'est presque toujours le cas, un projet d'idéal ne vaut que par la façon de l'atteindre. La Nature ne peut pas être suivie à cause de sa seule vertu, il est par contre possible de respecter ses principes : le hasard et la nécessité qui engendrent les différences et bannissent l'homogénéité, les peuplades d'identiques, le conformisme des tous-pareils.

Un Sacré n'a rien à voir avec le monde politique et encore moins avec ceux qui le servent. Quiconque souhaite asservir les autres au nom de principes ou d'idéologies se comportera de la même façon quelle que soit la nature de ces principes ou de ces idéologies. Diriger implique la soumission d'autres et les règles pour ce faire sont constantes depuis la nuit des temps : la coercition et la construction d'un monde imaginaire ou virtuel dans lequel les simples peuvent rêver. La teneur des discours peut varier considérablement au cours du temps ou des aléas du moment, mais toujours les dominants souhaiteront conforter leur domination à l’aide des technologies les plus performantes de l’heure.

Les racines du mal se révèlent dès les premiers temps : " Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu." Le Verbe n'est plus là pour décrire modestement et avec précaution la réalité mais pour fournir un dogme auquel on est prié d'adhérer sous peine d'être ostracisé. Le Verbe est fait pour convaincre et soumettre bien plus que pour éduquer. Les scientifiques, les chercheurs qui contribuent concrètement aux découvertes, aux avancées technologiques et dans une certaine mesue au progrès, utilisent très marginalement leur parole pour exposer leurs travaux. Ceux-ci sont rédigés, contrôlés (la plupart du temps) extrêmement rigoureusement par des pairs puis publiés dans un cadre restreint qui ne contient que des sachants. Généralement longtemps après, des effluves de la nouveauté touchent les non-spécialistes puis quelquefois mais rarement l’humanité toute entière lorsque des retombées concrètes et monnayables sont possibles. En d'autres termes, les processus multiples de domination sont profondément estompés, et un comportement non conforme aux us et coutumes de la communauté conduit à une éviction souvent définitive. Chacun est jugé sur son travail et non pas sur sa fonction, son aspect : les médailles, les titres, les honneurs, bien que souvent nécessaires pour récupérer des crédits, n'entrent que marginalement en compte pour déterminer le degré de fiabilité d'un chercheur. Le milieu scientifique constitue un microsystème dans lequel les instincts élémentaires de domination sont confinés afin que les talents puissent s'épanouir (avec évidemment quelques exceptions). Il est possible de se débarrasser de la dictature du Verbe pour ne se fier qu'au talent de faire. La communauté scientifique regroupe en fait un grand nombre de sous-unités beaucoup plus réduites : les Chimistes sont distincts des Physiciens, les Chimistes organiciens diffèrent de leurs collègues de la chimie minérale, les spécialistes des pérovskites n'ont que peu de contacts avec ceux travaillant sur les boranes... Si tous ont en commun de travailler sur la description et la compréhension d'un réel non faussé par des élucubrations, l’instance d’évaluation qui examine la véracité et la nouveauté d'un travail particulier est extrêmement réduite, la plupart du temps quelques centaines d'individus.

L'Ecologie ne peut évidemment pas se limiter aux Sciences exactes, mais elle peut se passer comme elles des diseurs de bonne aventure et des innombrables faiseurs de mots destinés à ébaubir le commun des mortels. L'Ecologie ne peut être que le monde des Artisans, des personnes qui, par un travail manuel ou concret, retirent assez de considération pour pouvoir vivre de leur travail. A l'oeuvre on connaît l'artisan. L’Ecologie ne peut relever que de l’artisanat.

En d'autres termes, et plus prosaïquement, il s'agit de privilégier le faire sur le faire-faire. Attendre d'une commission, de traités, de règles, de normes qu'ils prônent une politique écologique pour la planète toute entière relève d'un rêve qui pourrait être innocent si il ne se révélait pas également mortifère en imposant une multiplicité d'identiques. Dominer des institutions pour reléguer la domination au second plan est tout simplement un non-sens. Ecologie se fait, se pratique, se met en oeuvre et c'est par le seul exemple qu'elle peut s'étendre. Quelle arme ? La non-consommation, le refus d'utiliser ou de consommer tout ce qui n'est pas conforme aux usages définis par les artisans eux mêmes. Les réseaux dits sociaux pourraient pour une fois servir à un autre dessein que de nuire à la plupart.

Mais le sacré est toute autre chose qu'un code de bonne conduite, il concerne tous les instants, tous les moments, toutes les activités ou inactivités de chacun et de chacune. Un sacré ne tient pas dans des normes, il réside dans le plus intime de la pensée et de l'agir. Il est intransigeant, ne souffre aucune exception et est prêt à tout supporter pour ne pas l'enfreindre. Mais par pitié que l'on nous épargne les postures médiatiques pour alerter l'opinion de son bien-fondé. Il s'agit d'agir sur la racine du mal et non pas de ses conséquences.

Le Monde ne suivra évidemment pas dans un élan sans égal une voie qui propose de travailler dans le réel, il préférera de continuer son chemin vers les androïdes tenus en férule par des automates devenus plus talentueux qu’eux mêmes. Reste à faire sécession !


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