Écrire, un plaisir sans cesse renouvelé (texte déconseillé aux coincés du sexe)
Si le « plaisir d’amour » ne dure qu’un moment, comme le souligne la célèbre romance de Florian et Martini, le « plaisir d’écrire » dure en général toute la vie. Rédacteur amateur, écrivain professionnel, romancier, nouvelliste, chroniqueur, chacun peut le confirmer : lorsque le virus nous atteint, il nous contamine durablement. Pour la plupart d’entre nous, il nous titillera même la souris (modernité oblige !) jusqu’au moment où la camarde se présentera devant nous, armée de sa faux…
Des écrits d’où l’amour et le sexe ne sont d’ailleurs pas absents, notamment sous la plume des romancières contemporaines dont la crudité ferait rougir les libertins du 18e siècle. Et c’est tant mieux : il n’y a pas que la politique, l’économie, la santé, l’immigration et le sport dans la vie.
Des écrits d’une infinie variété : romans, pièces de théâtre, nouvelles, poèmes, essais, scénarios, articles, toutes les formes d’écriture sont respectables. Et toutes peuvent se prêter à l’expression des sentiments que l’on éprouve ou des messages que l’on veut délivrer, quels qu’en soient les sujets, des plus triviaux aux plus érudits.
Encore vaut-il mieux connaître ses limites et écouter le conseil avisé de Willy, le compagnon de la grande Colette : « Il ne faut pas poéter plus haut que son luth ! ». Certes, mais il ne faut pas craindre pour autant de s’en servir, de ce luth, pour peu que l’on se sente en veine d’inspiration, au risque de susciter quelques sourires condescendants ou, pire, les compliments narquois des bons amis ; pas craindre non plus de jouer avec la langue, de la façonner à sa guise, de lui donner des couleurs originales, d’explorer de nouvelles voies. Après tout, la vie est brève, et demain il sera trop tard…
Á ce propos, pourquoi ne pas, de temps à autre, délaisser la prose pour écrire en vers ? L’exercice est plaisant et, régulièrement pratiqué, se trouve être à l’esprit ce qu’est la gymnastique aux deltoïdes : une hygiène des neurones. Et puis la versification permet tant de choses, de la création pure au pastiche de nos grands dramaturges, à l’instar de cette irrespectueuse tirade de Don Diègue qui remonte aux années où, adolescent, je me morfondais entre les hauts murs d’une austère institution religieuse :
O rage, ô désespoir, ô faiblesse ennemie !
N'ai-je donc tant bandé que pour cette infamie ?
Que pour voir tout à coup, sous mon œil horrifié,
Au moment de conclure, mon pénis retomber ?
Ce zob qu'avec envie toutes les femmes admirent,
Ce zob qui tant de fois leur tira des soupirs,
Tant de fois suscita le plaisir et l'émoi,
Trahit donc mon désir et ne fait rien pour moi ?
Notez bien que l’on n’est pas obligé de faire dans le grivois, on peut également s’inspirer de la politique du moment pour vider son sac comme l’illustre ce pastiche de Corneille emprunté à un article publié en 2019 :
O rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie !
Me suis-je autant usé que pour cette infamie ?
Que pour voir tout à coup, sous mon œil horrifié,
Au moment de partir, ma pension s’effondrer ?
Ce chef qu’avec respect toute LaREM admire
Ce chef qui tant de fois lui a vendu le pire,
Tant de fois juché sur le trône de son Moi,
Trahit donc les Français, et ne fait rien pour moi ?
Ô cruel souvenir des acquis du passé !
Œuvre de tant de jours, soudain si menacée !
Nouvelle indignité, fatale à mon bonheur !
Précipice élevé d’où tombe cette horreur !
Faut-il du patronat voir triompher les comptes,
Et mourir sans ressources, ou vivre dans la honte ?
Peuple, à l’Élysée porte à présent la peur,
Ce Président des riches désormais sans honneur,
Par ta seule volonté, face à l’affront insigne,
Fais plier Jupiter, pour tous ses choix indignes.
Peuple, sois de cette lutte le glorieux instrument,
Balaie donc l’Assemblée, inutile ornement,
Et à tous ces valets, complices de cette offense
Demande donc des comptes en une juste défense.
Va donc, il est grand temps de guider les Humains
Pour bannir les Banquiers, et reprendre la main !
Mais bon, remettons les pieds sur terre, le temps n’est plus guère à la versification, aussi riches soient les rimes, mais à la prose, le plus souvent triviale. Ou pire, au langage SMS dont la prolifération des « smartphone® » et des « iphone® » de la « génération geeks » a rendu l’usage omniprésent chez les jeunes : « Koi 2 9 N zo ? C T ki la tas P d Al 1 ? A + » (Quoi de neuf, Enzo ? C’était qui la pétasse d’Alain ? Á plus tard !).
Pas vraiment ma tasse de thé, et cela d’autant moins que la simple lecture du texte SMS d’un lycéen peut, chez les gens de mon âge, tourner à la prise de tête, pire que la tentative de résolution d’une grille de sudoku force 10. Or l’écriture, c’est bien évidemment le contraire de cela : elle doit être dynamique et fluide, servir le message, l’amener sans heurts dans l’esprit du lecteur pour y créer des images ou y induire la réflexion. Comme par exemple avec ce bref extrait d’un roman que j’ai commis naguère :
Une productrice y accueillait de jeunes espoirs de la musique et de la chanson.
─ J’aime beaucoup la flûte, avait-elle dit au vicomte, avant d’ajouter sur un ton proche de l’attentat à la pudeur : j’en joue moi-même avec une certaine dextérité. Bien pris en main, cet instrument prend rapidement du volume sans rien perdre de sa douceur. Naturellement cela demande de la technique. En fait, tout est dans le doigté et le jeu des lèvres. Surtout les lèvres : ce sont elles qui modulent, elles qui permettent à l’instrument d’exprimer toute sa puissance. Pour peu que les doigts soient habiles sur le corps de l’objet, celui-ci s’anime, vibre et finalement donne sa pleine mesure pour le plus grand bonheur d’un virtuose inondé de plaisir !... Mais j’aurai très vite l’occasion de vous faire apprécier la qualité de ma technique, mon jeune ami...
Cela dit, on peut également s’affranchir des règles classiques, laisser aller son imagination et, inventant une nouvelle langue, créer une ambiance particulière et inédite. En écrivant ceci par exemple :
J’avais bien tactilé dans l’encaquement de l’urbatrain que mon coquin s’était armaturé la machinerie façon Bouygues. Forcément, ça m’avait chaviré les circuits et encanaillé le tréfonds. Á peine encasbahutés dans notre achélem, je lui déverrouille le carter à roubignolles et, d’une palpeuse fébrile, je lui dégage le derrick. En bonne native de La Turlurette (Nièvre), je lui pompe le loukoum d’une becteuse gourmande. Soudain l’or blanc jaillit, aromatisé chouchen et coco. Tandis que je gastronome l’éjaculat, mon coquin me brancarde dans la galipetterie, m’horizontale sur la cramouillo-berlue et entreprend de me déconditionner. Dès que je suis apoilée, il me manocajole la laiterie, me patamodèle les amortisseurs et me bascopelote l’intérieur des bielles d’un expert paluchat. Puis il se penche sur mon atelier clandestin, avionrenifle dans le maquis et, d’une râpeuse avide, me gargamelle la commande centralisée. Je surtensionne. J’inondationne mes infrastructures. Je béante mes écoutilles. Mon coquin, l’obélisque abou-simbelisée un max, se porte alors sur ma grotte. Là, il m’agace la brèche, me titille l’érecto-jouisseur, puis me boustérise l’engin dans la fosse. Le Michel-Ange du radada existe, je l’ai rencontré !
Bref, tout ou presque est possible. Dès lors pourquoi se limiter ? Pourquoi se priver d’un petit plaisir, fût-il solitaire ? Après tout, au diable les critiques ! Á bas les contempteurs et les censeurs ! L’écriture est fille de la langue, et c’est à mon avis ainsi qu’il convient de voir cette dernière :
La langue est une coquette, il faut la courtiser,
La vêtir de dentelles, et la parer d’émaux,
Lui faire des enfants, l’engrosser de mar… mots
L’enivrer de nectars, la couvrir de baisers ;
L’emmener en voyage, la bousculer beaucoup,
Lui faire découvrir de nouvelles saveurs,
La convaincre toujours de ne pas avoir peur
L’amener à aimer tant le sage que le fou.
Mais voilà qu’une série de doutes, soudain, m’assaille : par mes propos égrillards, n’ai-je pas dans cet opus heurté la pudeur des usagers de la toile ? Choqué les habitués de ce site ? Offensé la morale de celui-ci ? Attenté à la pudeur de celle-là ? Et surtout, ne me suis-je pas un tantinet poussé du col ? Autrement dit, n’ai-je pas précisément « poété plus haut que mon luth » en rédigeant ce papier ? Peut-être… Mais que m’importe au fond ? Après tout, on ne vit qu’une fois !
Et merde à Willy !
115 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON