Egalité ou identité ? un ministère du temps présent
La campagne présidentielle s’accélère. C’est l’instant privilégié du débat républicain. Celui où il est possible de défier la pensée établie. Pourquoi pas celle des « Français à part entière », pas ceux du 4 juin 1958, ceux d’aujourd’hui qui sont nés ici, pour les uns, ou ceux, pour les autres, qui ont choisi librement la France comme pays, comme destin pour échapper à leur destinée, mais aussi ces Français nés ailleurs et dont les enfants naissent ici. Tous ces Français qui ne sentent pas encore chez eux ici et plus du pays où ils sont nés. Les religions peuvent évoluer, les pratiques religieuses changer, régresser, les cultures qui leur sont associées appartiennent durablement aux peuples qui les ont développées. L’intégration est en France aujourd’hui plus qu’une nécessité, une urgence. C’est sur le temps que les politiques divergent, et non sur l’objectif. Laisser le temps au temps n’est pas de mise, le moment de la real politik est venu. Ne pas reconnaître et accepter les différences, c’est ignorer l’histoire, la mettre en danger.
Il n’y aurait donc en France que des Français ayant les mêmes droits, les mêmes devoirs, des Français égaux. C’est vrai, c’est la fierté de la nation et de tout citoyen, écrite sur le fronton de nos mairies : égalité.
Mais c’est aussi une arithmétique simpliste et commode, dévoyée, dispensant d’affronter la réalité en face. N’est-il point fallacieux de faire croire aux Français, depuis de longues années, que puisqu’ils sont égaux, ils seraient "républicainement" identiques et que si d’aventure certains d’entre eux pensent autrement, c’est qu’ils sont fascistes ou surtout, en période électorale c’est utile, en passe de le devenir.
Le principe républicain ne saurait occulter les réalités. L’égalité, c’est aussi le même droit, celui à la différence, parmi d’autres.
Ceux qui cultivent ce droit dans certains domaines l’interdisent dans d’autres. Il est vrai qu’ils se sont arrogé le droit le plus divin : ils disent le bien et le mal tout en se déclarant les défenseurs de la liberté de penser.
Les Français ont des différences dont notre système politique ne tient pas compte parce que nous n’avons pas une réelle expérience, la culture, de cette vie nouvelle qui est porteuse d’espoir pour les uns et d’apprentissages délicats ou conflictuels pour les autres : le métissage, celui des origines et des cultures, celui aussi de nos propres visions de l’avenir façonnées par des temps différents.
Parmi ces différences, la plus importante est celle que fuient le plus souvent nos hommes politiques : la religion des uns et celles des autres, non pas que la théologie de l’une dérangerait celles des autres, non, les différences sont ailleurs, dans des aspects plus ordinaires, moins savants pour ceux qui les vivent, celui des cultures qui leur sont associées, du mode de vie qu’elles supposent et véhiculent.
Nous l’avons vécu avec le voile islamique. Le contenant efface le contenu.
La vision de l’autre pose problème. Le nier prépare mal l’avenir. Il n’y a pas d’impasse possible. Il va falloir lutter pour nous accepter. Apprendre à nous connaître, à nous reconnaître. La loi devra nous accompagner, la nature des choses ne nous pousse pas dans la bonne direction, ni les uns, ni les autres. Dire que nous allons régler tous nos problèmes parce que la France est une terre d’asile relève une fois de plus de la facilité, du manque de courage, d’une dangereuse complaisance envers ceux qui souhaitent travestir l’histoire.
La France a une longue expérience de l’immigration, disent les défenseurs d’une politique généreuse, dont on discerne mal les limites ; l’utopie en a-t-elle ?
C’est vrai, prenez l’annuaire des communes de nos départements frontaliers, ceux du Sud particulièrement. Les noms sont là pour témoigner, attester cette intégration réussie, noms et qualités le prouvent, pour peu que l’oubli des insultes et des comportements d’un autre temps ait envahi nos mémoires.
Mais on ne peut ignorer, le taire, que le premier facteur, le vecteur essentiel, le support majeur d’intégration de ces Italiens, Espagnols, Portugais fut la religion catholique. Que la messe en latin, que l’on ne comprenait pas, était le lieu d’une union qui dépassait les frontières comme elles sont à nouveau dépassées aujourd’hui par d’autres religions.
C’est dans nos églises, alors pleines à craquer, les femmes la tête couverte (!) d’un côté, les hommes de l’autre, la femme venant d’accoucher y étant interdite ou dans le meilleur des cas acceptée vêtue de noir, que se sont sentis à l’aise, reçus, acceptés ces immigrés du Sud de l’Europe. C’est là, à l’heure de l’anticléricalisme le plus virulent, qu’ils sont devenus Français. Comme ils le sont devenus en écoutant le soir leurs enfants lire et compter, leur réciter les cours d’instruction civique dispensés par des maîtres, ceux du Congrès de Tours, fiers de transmettre, peu soucieux de recevoir, garants de l’authenticité de l’école républicaine, celle de Jules Ferry. Car en ce temps-là, Pepone et Don Camillo parlaient le même langage aux enfants.
Ce qui fit de la France une autre nation à travers cette puissante composante de son identité culturelle, l’immigration, l’entraîne aujourd’hui vers d’autres horizons. Incertains.
Voir la différence, la découvrir, l’apprendre, l’accepter, tel est l’enjeu qui dépasse tous les autres parce qu’il les précède. Ce défi qu’a choisi la France doit être relevé, l’intégration des uns et des autres réussie, sans délai, alors que tout porte à croire à l’instant qu’il faudra plusieurs générations pour y parvenir.
Où irait le temps qui passe si nous ne décidions pas de prendre en mains notre destin ?
Nous devons vivre en France ensemble alors que nos racines sont profondément ancrées ici ou là. Et le resteront. L’intégration concerne tous les Français, sans exception, ceux qui accueillent, qui tendent la main, ceux qui la prennent, ceux qui ont peur de la saisir.
Mais aussi ceux qui ont peur de la donner.
Nicolas Sarkozy propose de changer l’approche du problème, de mettre la loi là où elle fait défaut, de mettre en place un ministère ad hoc, c’est-à-dire d’accompagner l’intention de faire de moyens : ressources humaines et budgétaires, meilleure lisibilité de la politique suivie, contrôle du Parlement.
Espérons comme lui que nous finirons ainsi par poser en matière d’immigration et d’identité nationale les bonnes questions, avant de formuler des réponses que certains voudraient renouveler pour prolonger des politiques qui ont pour l’instant conduit notre pays au bord du désastre civil.
Si comme moi vous n’avez pas oublié, si comme moi vous avez eu peur lors du drame des banlieues, c’est-à-dire peur du choc des communautés, peur pour la France, alors osez affronter le changement.
Gerald Jampovsky, psychiatre américain, disait : " Nous ne pouvons pas toujours changer le monde, mais nous pouvons changer d’idée."
Et en changeant d’idée, alors pourrons-nous peut-être commencer à changer notre pays.
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