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Élections Canada 2015 : Victoire de Justin Trudeau, Canada is back !

L’électorat canadien vient d’agir de manière informée. Après une longue campagne électorale marquée par une succession de débats courtois, la population a effectué un choix motivé dans le cadre d’un mode de scrutin britannique de suffrage uninominal à un seul tour. C’est le signe d’une bonne santé démocratique (69% de participation) pour le Canada. 

La victoire éclatante aux élections fédérales à Ottawa de Justin Trudeau, fils de l'ancien Premier Ministre Pierre Trudeau, propulse à la tête du Canada la jeune dynastie Trudeau comme antidote à la vieille dynastie Bush des États-Unis.

C’est le retour du purgatoire de la nordique tradition shakespearienne lucide en démocratie parlementaire face aux fans de la série Dallas gavée au pétrole qui veulent imposer le frère Jeb à Washington. Le fils Justin, pour le meilleur, contre le frère Jeb, pour le pire.

Canada is back !

Les implications de ce changement sur le plan mondial seront importants. La position du Canada dans les débats écologiques va certainement le révéler rapidement à Paris en décembre 2015 au cours de la COP21 de l’ONU.

Les sondages avaient préparé l'opinion internationale à la victoire du Parti Libéral du Canada (PLC). Le vote du lundi 20 octobre a transformé la possible gouverne fédérale minoritaire en une vague majoritaire aussi surprenante qu'incontestable.

Premier effet de nettoyage politique salutaire : la démission annoncée de Stephen Harper, usé par dix ans de pouvoir retors, avec la perspective de le voir remplacé sous peu par un chef de taille à assurer la direction forte d’une Opposition officielle vigoureuse. Le nom du Québécois Jean Charest apparait à certains comme celui d’un successeur crédible. Le Québec serait alors à la tête de tous les grands partis fédéraux à Ottawa.

Avec Justin Trudeau à la place de Stephen Harper, dès cette fin 2015, Barack Obama va trouver un allié de poids pour bloquer le retour de la famille Bush au pouvoir. Qui s’en plaindrait, à part Tony Blair.

L’importance majeure du retour du PLC au pouvoir à Ottawa n’échappe plus à personne sur le plan diplomatique. L’effacement canadien sous le gouvernement Harper a presque fait oublier qu’Ottawa avait autrefois joué un rôle crucial dans la diplomatie mondiale. 

Le retour diplomatique du Canada sur la scène mondiale

Outre le rôle crucial du Canada dans la formation de l’ONU (rédaction de sa Charte), et ensuite de sa volonté de voir s’y maintenir la langue française au moment où Paris était encore sous la botte allemande, Ottawa, alors capitale de l’État central dans la production aéronautique mondiale (le siège de l’OACI à Montréal témoigne encore de cette période), sous la direction du PLC, se lançait dans les projets les plus ambitieux. La fabrique des satellites de communication, par exemple. Justin Trudeau va certainement renouer avec cette tradition et faire oublier l'échec récent de la candidature canadienne au Conseil de Sécurité de l'ONU.

Apôtre de la décolonisation dès les années 60/70, le Canada rivalisait avec Londres, en troquant l’Union Jack sur son drapeau pour la feuille d’érable, et surtout se démarquait de la Washington impériale en maintenant des liens diplomatiques solides avec le Cuba de Fidel Castro.

Ce Canada moderne et volontariste, sous la direction de Pierre Trudeau, Jean Marchand et Gérard Pelletier (« Les trois colombes »), entrait dans la cour des Grands en faisant partie du G7 en 1975.

Cette course à la puissance n’a jamais cessé depuis. Surtout en économie. Elle s’est ralentie à partir de 2006 avec Stephen Harper pour se figer ensuite. À son actif cependant, le fait d’avoir fait passer le Canada sans grand dommage à travers la crise majeure de 2007-2008. À son passif, de mauvais choix industriels à partir de 2012.

Le contrôle d’Ottawa sur la monnaie canadienne, son dollar national, le huard en québécois, a été le gage d'une politique économique efficace depuis toujours. Cette réussite a permis au Canada de propulser son banquier modèle, Mark Carney, à la tête de la Banque d’Angleterre pour y assainir des pratiques douteuses.

Pas mal pour une ancienne colonie encore sous la tutelle formelle de sa très gracieuse majesté Élisabeth II malgré un rapatriement constitutionnel en 1983, de Londres à Ottawa, concocté par Pierre Trudeau mais toujours refusé, à ce jour encore, par l’Assemblée Nationale du Québec, de manière quasi-unanime. Un jour (lointain), ce débat sera remis au premier plan avec une réforme consensuelle de la distribution des prérogatives entre Ottawa, les provinces anglophones, le Nouveau-Brunswick et le Québec.

En attendant, ces grandes manoeuvres délicates, à Ottawa, Canada is back !

Un gouvernement libéral majoritaire et paritaire

Avec 184 députés (39,5% du vote, la plus importante participation en 18 ans) sur 338, dont 40 au Québec, le PLC de Justin Trudeau obtient une large victoire en partant d’un groupe de 34 députés seulement issus des élections de 2011. Les derniers sondages le donnaient gagnant mais en dessous de la majorité absolue des sièges et alors à la merci d’une coalition par principe fragile. 

De plus, et c'est une première en Amérique, le gouvernement de Justin Trudeau sera paritaire avec, à l'exemple de François Hollande, avec autant d'hommes que de femmes.

Le PLC s'est toujours caractérisé par des innovations sur le plan des comportements sociaux. À l'opposé des pratiques rurales de Stephen Harper.

Avec ces perspectives, l’électorat canadien, surtout au Québec, est venu au secours de sa victoire appréhendée par les sondages. Alliée à celle de l’Ontario, sa volonté majoritairement agressive de chasser Stephen Harper et son Parti Conservateur (PCC) a été enfin assouvie. Le PCC est donc passé de 166 à 99 députés (31,9% du vote).

L'étrange effondrement du NPD de Thomas Mulcair

Le tiers parti qu’est redevenu le Nouveau Parti Démocratique (NPD), jamais parvenu au pouvoir à Ottawa (depuis les années 30), a subi les conséquences électorales des inepties hésitantes de son chef, Thomas Mulcair, ancien avocat plus doué pour les arguties juridiques que pour le combat politique.

Donné pourtant gagnant dans les sondages au mois d’août 2015, il a volontairement accumulé une série de bêtises qui lui ont surtout aliéné son électorat du Québec, celui qui décide au final. Partant de 59 députés québécois, il n’en a conservé que 11 sur un total de 44 (19,7% du vote) au Canada.

Cette députation exceptionnelle provenait de l’action remarquable de son prédécesseur en 2011, Jack Layton, dont il n’a pas été en mesure de conserver l’héritage politique après son cruel décès.

Le NPD, dont Thomas Mulcair avait gommé toute référence au socialisme (le NPD est membre de l’Internationale socialiste), est redevenu une formation désemparée. Son seul point d’appui gouvernemental est Première ministre provinciale Notley du NPD provincial d'Alberta. C'est paradoxalement cette province conservatrice de l’Alberta, celle de Stephen Harper, qui se caractérise par une volonté farouche d’exploiter le pétrole le plus polluant, celui des sables bitumineux. Celui dont Barack Obama ne veut pas.

De ce fait, au Québec, Thomas Mulcair est apparu comme un conservateur de gauche aux paroles douteuses. À moins de le remplacer rapidement après un tel échec, il est probable qu’ainsi trompés les cadres québécois du NPD vont se répartir dans les autres formations politiques compatibles, comme le PLC de Justin Trudeau, par attrait du pouvoir dynamique, et vers le Bloc Québécois, par nostalgie souverainiste. Question d'âge.

La fabrication d'un nouveau leader mondial : Justin Trudeau

La personnalité charismatique du fils Justin de Pierre Trudeau va donner un atout maître au Canada sur la scène mondiale. Il s’inscrit dans la filiation de Barack Obama en Amérique du Nord pour qui sa présence va devenir une source de réconfort de voisinage. Le Canada est, sur tous les plans, le principal partenaire des États-Unis.

Inévitablement, le jeune Justin Trudeau, pour se donner une stature, doit se confronter à l'adversaire actuel de Barack Obama, le virulent Poutine. Ne serait-ce que pour défendre les intérêts du Canada en Arctique. Cette confrontation à venir ne pourra engendrer qu'un désir de coopération dynamique.

Au sein de la francophonie, la comparaison entre Justin Trudeau et François Hollande va se révéler peu à peu douloureuse pour ce dernier.

La plus grande présence de ministres libéraux québécois de qualité à Ottawa va relancer Montréal sur le plan des infrastructures car tous les paliers de gouvernement (municipal, provincial et maintenant fédéral) sont du même côté au Québec, celui des libéraux. Montréal va redevenir une métropole attractive sur le plan mondial du fait de son plus important réseau universitaire dans une seule ville en Amérique du Nord.

L’option indépendantiste retrouve un petit groupe parlementaire consistant (10 députés) à Ottawa, le Bloc Québécois, dont le chef, Gilles Duceppe, n’a cependant pas été élu député, mais qui permet au Parti Québécois provincial de se doter d’une aile fédérale toujours utile. Dans le futur, une résurgence du Parti Québécois ne pourrait que profiter à Justin Trudeau, redevenant aux yeux des anglophones, le seul recours face au danger séparatiste. Ce schéma classique a fait ses preuves.

Finalement, les magazines internationaux, qui font et défont la mode, vont s'emparer de Justin Trudeau, et de son couple idéal, pour en faire une icône du chic décontracté et volontariste. Le Canada dispose d'un appareil médiatique mondialisé apte à mettre en scène son nouveau leader. 

Les échéances diplomatiques commencent demain

Sur le plan médiatique, le Royaume-Uni et les États-Unis ont suivi de très près cette élection. Il en a été de même, sur un mode aussi marginal qu’intéressé, en Israël et en Ukraine, deux États qui considéraient Stephen Harper comme leur principal allié sur le plan diplomatique.

Le PLC va refroidir ces ardeurs marginales car il a toujours été un intermédiaire diplomatique proactif entre Washington et Moscou, en particulier avec l’ancien Premier Ministre Jean Chrétien.

Le sommet du G20 en Turquie à la mi-novembre sera probablement l’occasion pour Justin Trudeau de mettre fin aux opérations militaires de son pays au Moyen-Orient, de proposer un renouveau du dialogue entre la Russie et ce qu’on appelle l’Occident et, avec son plan de développement canadien des infrastructures, de mettre fin, par son exemple, aux politiques européennes absurdes d’entretien de l’austérité.

Le Canada a besoin de l’Union européenne pour équilibrer la domination écrasante de son voisin du Sud et ne peut se satisfaire de son effacement actuel sur le plan économique. Sur le plan des matières premières, la pression de la Chine doit aussi être équilibrée par une demande européenne actuellement atonique.

La ratification des traités de libre-échange entre le Canada et l’Europe ainsi que celui concernant certains pays de la zone Pacifiques sera certainement repoussée. Enfin, dans la rivalité mondiale entre Ottawa et Londres sur le Commonwealth, il y a fort à parier que David Cameron aura en face de lui un adversaire à sa mesure.

Canada is back, comme on dit dans l’entourage de Justin Trudeau. À l’interne, la mise au point d’une ambitieuse politique de recherche et développement scientifique et technique va engendrer une forte immigration de ressources qualifiées vers un Canada actuellement plombé par la volonté de Stephen Harper de ne se reposer que sur l'exportation de ses ressources naturelles et sur une industrie automobile en déclin.

Cette élection va contribuer à faire revenir Ottawa au centre des efforts de résolution des conflits qui sèment la désolation dans le monde actuel. Et c'est tant mieux.

 


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4 réactions à cet article    


  • colere48 colere48 20 octobre 2015 19:33

    Il va encore y avoir beaucoup de « cocus » suite à cette belle élection !
    Me semble être un beau tartuffe, mais bon, à suivre....


    • César Castique César Castique 20 octobre 2015 20:31

      @colere48




      « Il va encore y avoir beaucoup de « cocus » suite à cette belle élection ! »


      Rien que la comparaison avec Obama - déjà promu, par ses compatriotes plus calamiteux des présidents US depuis 1945 - ne laisse rien présager de bon pour le Canadien moyen, et moins encore pour le Canayen moyen, s’agissant d’un Trudeau.




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