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Elections en toute confusion

La métaphore léopardienne pourrait parfaitement s’appliquer à l’Italie de ce mois de février 2013. Et pas seulement parce que Joseph Ratzinger, l’Evêque de la Ville éternelle, a consacré par l’éclat de son geste ce que Paul VI avait prophétisé au début des années septante, à savoir que la mission de l’Eglise deviendrait toujours plus incertain dans une société consumériste qui finirait par l’avaler. À la veille d’élections législatives d’une extrême importance dans un contexte social dramatique, frappé par de nouveaux scandales financiers mettant à mal sa crédibilité internationale (Monte dei Paschi, mais pas uniquement), le pays semble en effet totalement désemparé. 

Dans Il Tramonto della luna, Le coucher de la lune, Giacomo Leopardi décrit un moment totalement dépourvu de lumière. Le soleil ne s’est pas encore levé. La lune, au couchant, ne transmet plus aucune lumière. Les étoiles, pour une raison propre à ce moment particulier, ont cessé de scintiller. C’est une heure d'obscurité totale. Ni jour ni nuit. Un entre-deux presqu’irréel. Une interruption dans l’attente de quelque chose d’autre, d’une aurore nouvelle. 

La métaphore léopardienne pourrait parfaitement s’appliquer à l’Italie de ce mois de février 2013. Et pas seulement parce que Joseph Ratzinger, l’Evêque de la Ville éternelle, a consacré par l’éclat de son geste ce que Paul VI avait prophétisé au début des années septante, à savoir que la mission de l’Eglise deviendrait toujours plus incertain dans une société consumériste qui finirait par l’avaler. À la veille d’élections législatives d’une extrême importance dans un contexte social dramatique, frappé par de nouveaux scandales financiers mettant à mal sa crédibilité internationale (Monte dei Paschi, mais pas uniquement), le pays semble en effet totalement désemparé.

Appelé au pouvoir dans des conditions économiques difficiles, le Président du Conseil sortant, Mario Monti, avait promis de faire contribuer au redressement du pays ceux qui, jusque là, avaient été épargnés par l’austérité. L’instauration de vingt-six milliards de recettes fiscales complémentaires au détriment d’une relance de la consommation, l’abandon d’une réforme des coûts de la politique et d’une imposition sur les patrimoines financiers ont cependant donné aux Italiens un sentiment de grande iniquité dans l’action du gouvernement.

Mario Monti s’était également engagé à initier un véritable renouvellement des cadres en lançant son Mouvement civique. Mais, une fois encore, la décision n’a pas été suivie d’effet puisque le Professeur a fini par constituer un cartel électoral avec deux des plus anciens dinosaures de la classe politique italienne : Gianfranco Fini, ex-dauphin désigné de Silvio Berlusconi, au côté duquel il milita de 1994 à 2010, et Pier Ferdinando Casini, ancien apparatchik de la défunte Démocratie chrétienne et allié du Cavaliere jusqu’en 2008.

Dans ces conditions, l’actuel chef de l’exécutif, nouveau chantre des conceptions élitistes de l’exercice politique et dont la popularité en Italie est inversement proportionnelle à celle dont il jouit dans les chancelleries occidentales – les derniers sondages le créditent d’un score variant entre 10 et 15 % des intentions de vote –, ne joue ni plus ni moins que sa survie dans le paysage politique transalpin.

De son côté, le Centre-gauche, malgré des circonstances objectives favorables – discrédit berlusconien, impopularité montienne, vent favorable de l’alternance – peine à élargir la palette de ses électeurs. Disposant il y a encore quelques mois d’une avance de près de quinze points sur la coalition de centre-droit, les dernières estimations la placent, en moyenne, à sept points de son adversaire. Après avoir voté une réforme des pensions d’une extrême rigueur, appuyé l’instauration de vingt-six milliards complémentaires de recettes fiscales, fait inscrire la règle d’or dans la Constitution et s’être engagé à respecter, dans un éventuel futur gouvernement, un plan de rigueur estimé à quarante-cinq milliard annuels, ses engagements électoraux en faveur des classes les plus défavorisées semblent manquer cruellement de cohérence.

En outre, en cas de victoire ces 24 et 25 février, le Parti de M. Bersani devra témoigner de sa capacité à concilier sa politique de rigueur très social-démocrate avec les exigences sociales de son indispensable allié de gauche, le mouvement de Nichi Vendola. À défaut, et sans même évoquer la possibilité d’une coalition à trois, potentiellement explosive, avec le même Nichi Vendola et Mario Monti, il s’agirait d’une victoire à la Pyrrhus, ou à la Romano Prodi, c’est comme l’on voudra.
Dans ce contexte, les deux seuls compétiteurs pouvant d’ores et déjà crier victoire sont Beppe Grillo et Silvio Berlusconi. Surfant avec talent sur le mécontentement et l’indignation grandissante des électeurs à l’égard de leurs représentants, le comique génois a parfaitement intégré le déclin de la démocratie représentative, ainsi que la nécessité d’impliquer davantage le citoyen dans l’exercice de la gestion politique. Ses dénonciations répétées, et en grande partie justifiées, de la corruption et de l’inefficacité de la classe politique italienne ont fait du Mouvement Cinq Etoiles troisième parti transalpin. Il s’agit, pour un parti n’ayant pas vocation à gouverner, d’un résultat au-delà de toutes les espérances.

L’autre vainqueur du scrutin est incontestablement Silvio Berlusconi, dont on va finir par croire que, comme Vespasien, il est à même de redresser les boiteux. Chassé du pouvoir il y a quinze mois, raillé par la terre entière pour ses fresques érotiques, répudié par le Vatican et le monde des affaires, lâché par ses alliés, affublé d’un bilan gouvernemental catastrophique, le voici en passe de réaliser un véritable miracle électoral. Les probabilités d’une victoire finale sont certes peu élevées, notamment en raison de la nature de la loi électorale. Mais fort d’une campagne électorale percutante, à défaut d’être crédible, le pari berlusconien est d’ores et déjà réussi. Avec un score qui devrait se situer aux alentours de trente pour cent, il a éloigné le spectre d’une victoire relative de Mario Monti, son véritable adversaire, et probablement réussi à mobiliser en sa faveur une partie importante des indécis. L’élection du futur Président de la République (une cooptation), et donc la promulgation des prochaines réformes des paysages politique et judiciaire du pays, passeront inévitablement par le suffrage de siens. Il ne faut pas se préoccuper de la renommée de ses vices, prévenait Machiavel, c’est le meilleur moyen de s’assurer le pouvoir. CQFD.


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1 réactions à cet article    


  • hans 15 février 2013 17:21

    Bonjour, et merci . J’ai bien peur que cela ne devienne la généralité, ne pouvant annuler les élections, le système les brouille et les rend incompréhensibles. Le but : augmenter l’absention, jusqu’au jour ou...

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