Elle a changé d’sexe, tout est arrangé (ce qui est très parisien)
Le titre est une citation de Boris Vian.
Le sujet : « Je fais partie de cette génération misérable qui adore la différence entre hommes et femmes » a dit Fabrice Lucchini à propos d’un film « Un homme heureux » dans lequel il joue, sorti en février.
Synopsis de ce film : dans une commune du nord sans histoire, la femme du maire réac-conservateur décide de faire ce qui s’appelle une transition de genre, de devenir un homme, parce qu’elle a toujours eu le sentiment d’être un homme, déjà dans son enfance.
La question que la critique pose par rapport à ce film est de savoir s’il est réactionnaire ou non. Dans ce type de sujet, on s’attend à des discours militants forts, clairement positifs : on voit mal quelqu’un être tellement opposé à ce phénomène qu’elle ou il en ferait un film à charge. On voit mal des gens produire un film à charge. La tendance penche, avec un peu d’étonnement et de réticence, du côté d’une fable tranquille, d’une comédie du samedi soir : tous les personnages sont respectés, ils sont relativement gentils entre eux, le film ne se moque pas des trans, des LGBT… il y a même dans le film une petite leçon sur tous ces nouvelles personnes, et nouveaux comportements sexuels… les avis cinématographiques suivent cette pente : ceux qui voient un film convenable lui trouvent des qualités cinématographiques et réciproquement, ceux qui voient un film insupportablement réactionnaire trouvent que l’absence de qualités cinématographiques ajoute à leur jugement politique (c’est plutôt l’inverse).
Personnellement, je vois dans ce film une oeuvre de propagande subtile envers cette idée qu’on maitriserait le sexe, et que les humains ont un esprit qui ne doit rien au corps. On peut être un esprit masculin dans un corps féminin et vice-versa ; il y a une rupture radicale entre corps et psyché et cette séparation peut aller jusqu’à une opposition, une incompatibilité, qui nécessite de rectifier le corps pour le mettre en conformité avec l’esprit. Ce dualisme me semblait dépassé philosophiquement de façon assurée, puisqu’on a, depuis assez longtemps, une biochimie qui intervient sur nos états mentaux (les premiers antidépresseurs datent de 1956). Ce film ran plan plan banalise cette création sociétale d’individus avec une personnalité qui n’est pas conforme à leur apparence physique, ce qui revient à dire que leur psyché n’est pas contenue dans leur ADN, ou leur corps, ou ils ont l’ADN discrète et timide.
À l’occasion de ce sujet, on n’évoque jamais l’immense et performante médecine, tant du côté de la chimie que du côté de la chirurgie. Cette capacité très nouvelle de la médecine à changer l’apparence sexuée des corps contribue, par un effet de rétroaction, à valider cette double détermination sexuelle d’avoir un corps d’un sexe et un esprit de l’autre sexe. Le nombre de déclaration concernant une inadaptation du sexe du corps avec le sexe de l’âme a explosé ces dernières années, dans les pays riches, pas partout dans le monde. C’est censé aller de soi. La médecine est tue comme si elle était naturelle, on n’en parle pas plus que s’il en avait été toujours comme ça, que les médecins pratiquaient des procédures sans durée, ni dangers, ni erreurs, ni aléas, ni souffrances. On n’en parle pas plus que si c’était un acte immédiat, bénin et anodin, comme appuyer sur un bouton pour avoir ce qu’on veut, pour appeler un ascenseur par exemple. On en parle comme s’il n’y avait pas de différence entre le désir de changer de sexe et la mise en œuvre de ce désir. Je le veux, c’est fait.
Personnellement, je vois que notre être au monde, notre être d'humains, commence à notre ADN, alors que nous le faisons commencer à notre conscience depuis des siècles.
Et même, dans l’idéologie actuelle, l’être humain comme à sa conscience sociale : nous serions modelés par la société comme de la terre façonnée par un potier : les bébés n'auraient aucune forme, aucun personnalité, "on" en ferait ce qu’« on » veut. Mais, heureusement, il y a en nous quelque chose qui veille et vient nous dire, même en un âge mûr, « change de sexe, donne à ton corps l’apparence de ton esprit différemment sexué » ( et non « fais donner par les médecins à ton corps l’apparence de l’autre sexe » qui est plus près de ce qu’il se passe vraiment).
Ce commencement de l'être à la conscience (sociétale) sert bien souvent à évacuer la responsabilité personnelle.
Peu de gens ose voir cette nature première, la nature étant ce qui ne dépend pas de nous. Distinguer ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous date de la vieille philosophie grecque. Il y a des femmes, il y a des hommes, il y a des gros, des maigres, des jeunes, des vieux, des individus qui courent vite et d'autres qui sautent haut, des individus qui aiment le violon et d'autres la trompette... qui aiment le rock ou l'opéra... On n'y peut rien, il faut aimer cette constitution, c'est une constitution, collective et singulière, personnelle… Collective parce que la trompette ou le jeu d’échec étaient là dans la culture bien avant moi et personnelle parce que ma passion pour ces choses m’appartient en propre. Il faut que celle ou celui qui aime le jeu d’échec s'aime aimant les échecs et que celle ou celui qui aime l'alpinisme s'aime aimant l’alpinisme.
D'abord, l'ADN, ensuite, un traitement humain, sociétal, historique de ce donné, "donné" ne signifie pas que l'ADN ait été donné par quelqu'un, cela signifie que c'est là, sans qu'on puisse agir dessus, tout comme si cela avait été donné par quelqu’un. Ensuite vient la culture, le traitement particulier de ces éléments indomptables.
Cette idée que l’homme peut tout est celle qui lui fait tuer sa planète (comme les virus mortels qui pillent jusqu’à la mort le corps qu’ils ont colonisés et meurent avec). Cette toute-puissance magique parait à certains extrêmement enviable et réelle, il convient de ne pas se priver d’en profiter !
La plupart de mes contemporains scindent cette structure et lui donnent des significations contraires selon les domaines.
Donc, ils perçoivent que le sexe est à disposition et qu’on peut en changer sans voir la similitude de ce mécanisme avec la sur-exploitation de la planète.
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