Éloge de l’ivresse
Toute génération, parvenue à l'âge mûr, ne peut que sombrer dans l'approbation consensuelle des grandes lignes du monde qu'elle a participé à créer. Il ne reste alors aux survivants de ce monde mort, car vidé de tout changement, qu'à fignoler avec une hargneuse ténacité les détails du grand œuvre des élus.
C'est pourquoi, la jeunesse est le principe régénérateur, et donc créateur, de toute société. Elle seule peut briser les murs épais du conformisme.
Ainsi la jeunesse est-elle toujours romantique : passionnée, tourmentée, et exaltée.
La jeunesse boit trop, nous dit un « on » bourgeois ou embourgeoisé.
Est-ce un simple jeu ?
Est-ce une maladie incurable ?
Un passage obligé vers les dédales de l'âge de la moralité et des convenances ?
Une dette qui vient irriter les bourses de l'assurance maladie ?
Quel est ce troupeau de pourceaux dénué d'une once de civile discipline qui poignarde si souvent la doctrine d’Épicure ?
Puritains de tous les pays, unissez-vous contre ce Dionysos qui règne en maître sur nos cités luxurieuses ! Lois, taxes, et piloris médiatiques, l'artillerie politique canarde la fontaine de jouvence pour en réduire le vicié débit.
Mais qu'est ce que l'ivresse ?
Boire jusqu'à l'ivresse c'est pratiquer l'excès.
La pratique de l'excès n'est rien d'autre qu'un rituel purgatoire et autodestructeur, un défi à ses limites mortelles, une régénération.
Ainsi, le saint week-end, les masses se rassemblent pour célébrer l'eucharistie universel des fêtards, et dans le calice alcoolisé, communient au nom du seul Dieu qui existe encore sur cette Terre : le plaisir de vivre en ayant du plaisir.
Sacrifier sur cet autel quelque part de son esprit et de son corps, voilà qui est bien sûr braver la Loi de l'ordre des médecins.
Mais que vaut le courroux sanitaire face à l'émancipation de l'âme ?
L'ivresse c'est aussi le ridicule certes, et, comme le ridicule, elle ne tue pas, la plupart du temps. Se rouler dans la fange, ou se traîner nu parmi ses contemporains, voilà ce qui attend parfois le disciple par trop imprudent, ou par trop jouteur. Mais c'est le jeu auquel le joueur s'adonne, et dont il connaît les règles.
Transgression, déviance, désinhibition, exhibition, les maux de l'ivresse ne sont toutefois que les mots du poète. Ils brillent intensément, illuminent une nuit, voire deux, puis disparaissent dans une nouvelle voie lactée.
C'est pourquoi, nous avons tant besoin des poètes.
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