Eloge de la paresse
Il n’est point de problème qu’une inaction prolongée ne puisse résoudre ».
Les Shadocks
Le 25 Mars était la journée mondiale de la procrastination. Plus qu’un éloge de la paresse et du refus de faire, c’est un style de vie, voire même une action engagée.
Pour François Weyergans (http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Weyergans ), la procrastination est une défense immunitaire face à une société extrêmement rude, un moyen de se défendre des assauts du monde contemporain.
J’irai plus loin, la paresse et le « rien faire » sont les derniers espaces de liberté d’une société à l’agonie. Dans une société où « l’on doit faire » pour que l’économie fonctionne (1), « ne pas faire » devient un acte de rébellion.
La paresse représente le dernier bastion de lutte contre le capitalisme.
1) De l’exploitation des masses
« Le capitalisme, c’est l’exploitation de l’homme par l’homme, le communisme c’est l’inverse ». Cette célèbre phrase de Coluche nous rappelle qu’il est bon de disposer de main d’œuvre pour faire fonctionner le système. De quoi se gaveraient tous les copains du CAC40 s’ils n’avaient un système que nos représentants ont permis de déréguler (la fameuse mondialisation que l’on ne peut éviter soit disant et qui a pourtant était construite par ceux-là même qui aujourd’hui jouent les hypocrites), des enfants chinois, et des générations d’ouvrier qui triment pour essayer de transmettre un peu de capital et une vie meilleure à leur descendance pourtant déjà condamnée (je rappelle que la proportion de jeunes issus de milieux populaires dans l’élite sociale est en chute libre depuis 50 ans (2)) ?
En plus de cette main d’œuvre docile, car vivant du mythe de l’accession sociale et abreuvé de « peoplerie » par une presse aux ordres, il est nécessaire de faire croire à un idéal, accessible de préférence. Mais à quel prix ? Le désormais célèbre leitmotiv de Sarko « Travailler plus pour gagner plus » a fait long feu, car la supercherie est maintenant avérée. Il nous faut désormais « Travailler plus pour travailler plus », tel un hamster courant dans une roue. Si les grands patrons s’inquiètent de la perte de sens de leurs employés, et essayent de les remobiliser à coups de grandes phrases et de séminaire sur la vision de l’entreprise, c’est bien qu’il est urgent de remobiliser les troupes. Sinon, non seulement la machine s’essouffle, mais en plus, le travailleur fatigué n’a même plus envie de dépenser l’argent qu’il a durement gagné …
Dans ce contexte, prendre un livre à la bibliothèque du coin et se poser dans l’herbe pour ne rien faire que lire et s’instruire est un acte courageux.
Dans ce contexte, le simple fait de penser est un acte révolutionnaire.
2) De l’inaction comme arme
Ayant passé plusieurs années dans un grand groupe du CAC40, je peux témoigner de la simplicité d’avoir l’air occupé, en ayant finalement pas grand-chose à foutre. Mais ceci n’est que l’étape 1, car vous vous faites alors complice d’une conspiration de la médiocrité qui ne sert qu’à reproduire le système. Le mieux est donc de ne rien foutre, en ayant l’air de rien foutre. C’est là la grande nouveauté.
Si le sourire est communicatif, la subversion l’est encore plus, et la paresse, n’en parlons pas ! D’ailleurs faites un test : baillez, et vous verrez le résultat !
Assez vite, les gens autour de vous feront pareil et le système commencera à se gripper, tout doucement, … jusqu’à l’arrêt complet. Soyez le grain de sable !
Cerise sur le gâteau : en ne faisant rien, vous détecterez les suppôts du capitalisme qui veulent absolument que le système perdure. Pour sauver les meubles, ils reprendront votre charge de travail, et seront fatigués beaucoup plus vite. L’équation sera alors simple : les paresseux heureux vivront plus longtemps, les capitalistes besogneux verront leur espérance de vie chuter !
Je vous invite donc tous à faire comme moi :
- Vous détendre
- Partir ostensiblement tôt de votre travail (si vous le pouvez bien sûr) et rompre le pacte social qui voudrait qu’un bon collaborateur est celui qui part tard (ou du moins après le patron), c’est ce qu’on appelle en Mathématiques la loi de barré-tôt (Ó JLT)
- Ne pas avoir l’air harassé derrière votre ordinateur, mais au contraire respirer la joie de vivre (vous verrez, c’est même communicatif)
- Passer du temps à la machine à café
- Arrêtez d’écouter Alain Minc à la radio
- Dès que l’occasion se présente, NE PAS dépenser d’argent
- Donner de votre temps à des associations, à vos amis, à votre famille, actes anti-capitalistes de base car non comptabilisés dans le PIB
- Vous marier éventuellement à votre femme de ménage pour la même raison
- Etre heureux, car c’est avant tout un état d’esprit, les choses n’ayant guère plus d’importance que celle que vous voulez bien leur accorder
Et surtout, dès que vous le pouvez : ne FAITES RIEN de productif, respirez, regardez, appréciez. Et si vraiment vous voulez faire quelque chose, lisez ceci : http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Droit_%C3%A0_la_paresse_%281880%29
En attendant, j’me ferais bien une petite sieste moi…
« Paressons en toutes choses, hormis en aimant et en buvant, hormis en paressant. » Lessing.
(1) dixit C. Lagarde qui nous dit de dépenser plus pour relancer l’économie, http://www.challenges.fr/20070710.CHA7465/le_discours_de_christine_lagarde.html
Une nouvelle philosophe ? Je dépense donc je suis !
(2) « Le recrutement social de l’élite scolaire en France. Evolution des inégalités de 1950 à 1990 », Michel Euriat, Claude Thélot, Revue française de sociologie, 1995.
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