Eloge du printemps
Il possède tous les atouts et les tient fermement dans sa main verte, le printemps. Un poker d'as qui stigmatise ses concurrents : lumières, couleurs, parfums, abondance. Quelles cartes peuvent abattre les autres saisons face à lui ? C'est d'ailleurs d'or qu'il se couronne dès les premières semaines, l'or des jonquilles qui vient parsemer les jardins et les prairies, celui des forsythias qui forme des haies d'honneur au sommet des talus et explose en grappes serrées le long des chemins et des routes, avant que le blanc des cerisiers et des aubépiniers ne devance de peu le tendre rose des pommiers. Quel éclat, quelles fragrances se diffusent alentour, on ne sait plus où tourner le regard tant il est sollicité par les quenouilles des marronniers, les soyeux pétales des camélias qui se déclinent dans une multitude de teintes et forment des corolles en étoiles ourlées délicatement ou par les amphores sublimes des magnolias tulipiers qui offrent au soleil leur transparence nacrée ; oui, le printemps sort chaque année son grand jeu et nous n'y résistons pas. Et pourquoi y résisterions-nous ?
Après la stricte observance de l'hiver qui, revenant aux fondamentaux comme diraient nos journaliste au sujet des lois, c'est-à-dire à la simple ordonnance de l'architecture végétale, certes belle en soi dans son dépouillement, le printemps exulte et se livre aux délices de l'imagination, s'enivre de couleurs, de formes, d'audace, de luxuriance. Rien n'est trop beau, il faut user sans réserve, sans discrétion excessive, des ressources de la nature qui paraissent inépuisables. Il faut également affirmer haut et fort que rien ne meurt, que tout se transforme, que rien ne passe, que tout revient, que le silence, le linceul des neige, les grands vents n'étaient qu'une étape obligée, un accident de la vie et du temps ... un oubli d'éternité.
Désormais, il fait bon flâner dans ce bien-être retrouvé, s'attarder sur un banc, contempler les déclinaisons savantes de la lumière qui s'attardent volontiers, s'épanchent, posent un film délicat de transparence sur les nuages et les frondaisons, goûter les salades croquantes, bientôt les premières cerises, cueillir les fleurs sauvages, les boutons d'or, les pâquerettes, les violettes timides, les coucous qui annonçent Pâques et ses carillons, surprendre le chant mélodieux des grives musiciennes, des merles et des rouges-gorges, observer la pie en train de fignoler son nid sur la plus haute branche d'une futaie, en un mot comme en dix se laisser gagner par l'allégresse. Quelque chose dans l'air s'est euphorisé, notre quotidien nous semble plus léger à porter, voilà que l'on se plaît à fredonner, que les champs retrouvent leur animation, que les agneaux, les veaux se regroupent sous les ombrages pastoraux, que l'eau a repris un débit primesautier ; oui, que le monde est beau mes amis, que le monde est beau !
Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
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