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Employer la langue française, certes

Le 25 avril 2013, le Premier Ministre a signé une circulaire qui porte « sur l’emploi de la langue française ». Louable initiative !

Cette missive est adressée aux ministres et ne concerne que les pouvoirs publics. Certes utile à l'heure du globish triomphant, elle présente néanmoins un certain nombre d'incongruités langagières qui la décrédibilisent. 

 

1) le vocabulaire est parsemé d'impropriétés.

Soit cette proposition : « mieux mettre en évidence la dimension par nature interministérielle de la politique du français ». Le Premier Ministre rappelle qu’il incombe à chaque ministre d’appliquer les lois et règlements qui régissent l’emploi du français. A « chaque » ministre, donc cette dimension n’est pas « interministérielle ». Elle concerne tous les ministres et elle est plutôt « omni-ministérielle. » 

Nous lisons : « dès lors qu’une interprétation dans notre langue est disponible », « lorsque le statut de notre langue le permet, exiger cette interprétation, afin d’avoir l’assurance d’être compris ». Certes, ce mot a eu le sens, entre autres, de « traduction » à la Renaissance. Aujourd'hui on dit « interprétariat. » et le mot interprétation a de tout autres significations.

Il faut « veiller au respect des textes qui encadrent l’emploi de notre langue ». Il ne s’agit pas de « respecter » ces textes, mais de les appliquer. On peut d'ailleurs dire « veiller au respect de l'application des textes ». 

On nous dit : « en privilégiant systématiquement l’emploi de la langue française dans les différents outils de communication dont elles disposent ». Mais l’emploi du verbe privilégier est impropre. On ne privilégie pas l’emploi de la langue française, on le favorise. On    

Il est proposé de « s’exprimer dans la langue maternelle de leur interlocuteur dans un souci de valorisation ». Le mot souci est impropre. Il s'agit d'une « volonté » (ou d'un « but ») de valorisation.

 

2) la grammaire se laisse aller à des imprécisions ou des redondances.

 Quand on écrit « placer la langue française au cœur de la politique de modernisation de l’Etat, en développant et valorisant ses ressources », de quelles ressources parle-t-on ? Celles de l’Etat ou celles de la langue ? 

Il est inutile d’écrire « les orientations ou les mesures que chacune ou chacun d’entre vous », sauf à soumettre la langue au délire grammatical féministe. Au sujet de chacun, les lexicographes indiquent que ce pronom désigne « des hommes ou des femmes ». On écrira donc « les mesures que chacun d'entre vous ».

 

3) Le style est brutalisé. Par charité, on ne donnera qu'un seul exemple.

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué : « notre pays s’est construit dans un rapport étroit à la langue française ».

 

4) Plus grave, des contre-sens ou même des non-sens ponctuent le texte.

Dans « vos administrations contribuent à l’épanouissement de la relation de confiance entre la langue et le citoyen », on nous parle d'une relation de confiance qui est, par définition, réciproque.. Or on peut comprendre que le citoyen a confiance dans la langue de son pays, mais qu’est-ce que réciproquement la confiance de la langue dans le citoyen ? 

Dans une phrase déjà mise en cause ci-dessus, on trouve « s’exprimer dans la langue maternelle de leur interlocuteur dans un souci de valorisation de la diversité linguistique ». Or il s'agit tout bonnement d'une affaire de courtoisie ou de savoir-vivre et non de diversité linguistique.

Que peut vouloir dire qu'il faut faire de la langue française « un outil de l’ouverture au monde ». Il faut comprendre l'inverse à savoir qu' il faut ouvrir le monde à la langue française.  

 

5) Et puis bien sûr, on ne peut échapper au politiquement correct.

Voilà donc les inévitables « principes républicains touchant à la fonction première de l'usage du français ». Rappelons que c'est un roi, François 1er, qui fit de la langue française la langue officielle du royaume en 1539. L'utilisation à tort et à travers des concepts de « République » et de « républicain » atteint des sommets d'inculture.

Il y avait les droits de l'homme, de la femme, de l'enfant, des consommateurs, des travailleurs, des animaux, de Gaia... Il est donc logique qu'il y ait un droit à la langue, en l'occurence française : « cadre législatif et réglementaire qui crée les conditions d'exercice du droit au français ». Sans autre commentaire.

 


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5 réactions à cet article    


  • credohumanisme credohumanisme 11 mars 2014 12:26

    J’adore, merci !
    On peut ajouter la méconnaissance de domaines qui devraient être pourtant connus des politiques.
    Combien de fois a-t-on entendu un élu (ou un journaliste) confondre joyeusement crime, homicide, meurtre, assassinat ; amende et dommages et intérêts ?


    • ZenZoe ZenZoe 11 mars 2014 14:38

      Ah, ils parlent français les politiques ? Je croyais qu’ils utilisaient la langue de bois.


      • credohumanisme credohumanisme 11 mars 2014 14:45

        Une anecdote amusante. La « première » fois que Hollande a parlé de la courbe du chômage il a utilisé le mot « inflexion » (changement de pente ou de signe de la fonction dérivée) : « Il y aura une inflexion de la courbe du chômage avant la fin de l’année ».

        Malheureusement pour lui toute sa majorité (puis lui-même) ont ensuite utilisé le terme « inversion » ... ce qui n’est pas du tout la même chose et qui a donné lieu aux pitoyables expressions du type « la hausse qui diminue, le ralentissement de l’accélération » ...


        • ricoxy ricoxy 11 mars 2014 23:07

          Les Ordonnances de Villers-Cotterêts (1539) ont imposé le français comme langue administrative.

          Nos énarques et nozélites jargonnent maintenant en « hexagonal », avant peut-être de passer au tout-anglais. A quand une nouvelle Défense et illustration de la langue française ?


          • robert 27 mars 2014 17:04

            Champion celui là, dès le titre une faute....

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