En 2017, le Conseil d’Etat ose ce que les révolutionnaires de 1789 n’avaient jamais imaginé, il décapite la croix de Ploërmel
En 2017, le Conseil d’Etat ose ce que les révolutionnaires de 1789 n’avaient jamais imaginé, il décapite la croix de Ploërmel.
Rappeler les symboles des origines cultuelles et culturelles de l’occident oppose systématiquement les « réactionnaires » qui osent s’y référer et les « profanes républicains » ; la laïcité est l’outil de la discorde.
L’interprétation générale ici et là des règles qui encadrent la laïcité est généralement ‘’conforme à des textes’’. Néanmoins, l’Etat a jugé nécessaire la création d’un « observatoire de la laïcité » pour l’expliciter. On notera au passage la procédure mise en œuvre ; si l’affaire avait été simple une définition stricte de la laïcité et les conditions de son application dans la République aurait été suffisantes. Les nombreuses chausse-trapes expliquent probablement ce louvoiement de l’Etat, manifestation renouvelée de sa frilosité en la matière.
Sauf parfois, comme ici au détriment des catholiques de Ploërmel, lorsque le Conseil d’Etat (qui avait suspendu l’arrêté anti burkini) décide « le retrait de la croix surplombant la statue de Jean-Paul II sur la place qui porte son nom à Ploërmel ». Au motif de la laïcité bien sûr, mais à quelle sauce ?
Les références républicaines sont nombreuses, anciennes et non exhaustives, chacun peut y trouver à redire ; c’est la billebaude. Voyons les textes officiels.
L’observatoire nous dit que « La laïcité suppose la séparation de l’Etat et des organisations religieuses. » (1) http://www.gouvernement.fr/qu-est-ce-que-la-laicite
Et l’Etat précise par ailleurs, « La loi de séparation des églises et de l’Etat de 1905 ne s’applique pas sur l’ensemble du territoire français. En Alsace-Moselle, le droit local des cultes est largement issu du concordat de 1802. En Guyane, le texte en vigueur reste l’ordonnance royale de Charles X du 27 août 1828. Dans d’autres territoires d’outre-mer, ce sont les décrets-loi Mandel de 1939 qui sont les fondements du droit local. » (2) http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/etat-cultes-laicite/droit-local-cultes/
L’observatoire nous dit encore « L’ordre politique est fondé sur la seule souveraineté du peuple des citoyens, et l’Etat —qui ne reconnaît et ne salarie aucun culte— ne régit pas le fonctionnement interne des organisations religieuses. »
Ailleurs, (2) l’Etat nous dit qu’en Alsace-Moselle (Concordat 1802), « …quatre cultes sont reconnus : le culte catholique, les cultes protestants luthérien et réformé, le culte israélite) et en outre-mer ou des exceptions s’appliquent. « En Guyane, seul est reconnu le culte catholique. Les ministres du culte catholique sont des salariés du conseil général de Guyane. L’évêque a un statut d’agent de catégorie A, les 29 prêtres sont des agents de catégorie B. Dans une décision du 2 juin 2017, le Conseil constitutionnel a jugé que la rémunération des ministres du culte par la collectivité territoriale de Guyane était conforme à la Constitution. »
Que les Ploërmelais offrent leur statue aux Cayennais. Si le Conseil d’Etat se tait, alors l’incongruité constitutionnelle sera démontrée.
Inutile d’être grand clerc pour constater, et la chose n’est pas nouvelle, la gêne aux entournures de nos institutions. Le scotch catholique colle à la peau de la République. Faudra-t-il construire sous cette statue une église pour qu’elle soit admise ?
L’exégèse de « la lettre » serait sans fin ; pour en sonder « l’esprit » un pas en arrière s’impose.
En 1789, après des débats opposant déistes et irréligieux, la déclaration des droits de l’Homme apparaît « … sous les auspices de l’Etre suprême ».
Qu’on l’apprécie ou au contraire, cette trace évoque un constituant bien vivant des origines de la France à l’heure de la Révolution. Finalement les révolutionnaires ne se déparent pas de l’empreinte religieuse catholique qui prévaut alors dans le pays. Cette incontournable caractéristique culturelle du peuple français s’impose en préambule de la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 qui naît avec « l’Etre suprême » et qui subsiste aujourd’hui encore dans nos textes. (3) http://www.assemblee-nationale.fr/connaissance/constitution.asp#declaration
L’Etre suprême devient l’appellation révolutionnaire du Dieu porté par un clergé si combattu qu’il devenait difficile de s’y référer alors. La référence au Dieu catholique s’imposera néanmoins à la nouvelle République laïque. Les révolutionnaires composent avec Dieu « personnage politique », qui permet d’imposer des mœurs. E.V. Foucart rapporte en 1844, dans son précis de droit Public que « Le plan de Robespierre, pour achever la moralisation de la France était en trois points ; annonce de Dieu, proclamation légale de Dieu, fête légale de Dieu ». (*)
Après avoir reconnu l’existence de l’Être suprême et l’immortalité de l’âme, la Convention organisera la fête de l’Être suprême qui sera célébrée le 8 juin 1794. Dans son discours d’introduction, Robespierre manifestera son anticléricalisme d’une part et sa foi en même temps. « … Il n’a point créé les prêtres pour nous atteler comme de vils animaux au char des rois, et pour donner au monde l’exemple de la bassesse, de l’orgueil, de la perfidie, de l’avarice, de la débauche et du mensonge ; mais il a créé l’univers pour publier sa puissance ». La religion guide les mœurs pour Robespierre qui en use pour imposer ses principes éthiques ; « Commandez à la victoire mais replongez surtout le vice dans le néant. Les ennuis de la République ce sont des hommes corrompus ».
Le divorce entre l’Eglise et la République se manifeste par la récusation du clergé de la noblesse. Une fois ce clergé écarté, reste Dieu, celui des catholiques dont les préceptes et les valeurs doivent perdurer. « .. La liberté et la vertu sont sorties ensemble du sein de la Divinité : l’une ne peut séjourner sans l’autre parmi les hommes. Peuple généreux, veux-tu triompher de tous tes ennemis ? Pratique la justice, et rends à la Divinité le seul culte digne d’elle. » (Robespierre)
Sans entrer dans des querelles de convictions ou de foi, il est manifeste que les valeurs portées par le catholicisme s’imposent encore. La République compose avec la foi catholique largement répandue.
Les symboles de l’Eglise de la foi traversèrent cette période de remise en cause des fondamentaux du pays. Les révolutionnaires attachés à une République représentative de la volonté du Peuple déclareront lors de la Convention nationale du 21 septembre 1792 « Qu'il ne peut y avoir de Constitution que celle qui est acceptée par le Peuple. » Cette Constitution qui « proclame solennellement son attachement aux Droits de l’Homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789 » laquelle stipule, aujourd’hui encore, que (3) « … l’Assemblée Nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être Suprême, les droits suivants de l’Homme et du Citoyen ». On voit là l’imbrication de la référence à Dieu avec les fondements de la République révolutionnaire.
Les symboles de l’identité occidentale chrétienne ont traversé les siècles, les régimes et les révolutions. L’occident est-il si détestable qu’il faille rejeter les insignes culturels de son histoire que certains français veulent perpétrer encore ? Croyants ou non croyants ne devraient-ils pas dans un élan de tolérance, pouvoir se retrouver dans cette acceptation historique nationale ? Quel serait le résultat d’un référendum sur ce sujet ? Ce renouveau des symboles porté par des croyants et des non croyants, n’est-il pas un rempart contre la dilution des valeurs de Robespierre (*) qui ont forgé nos sociétés dans un maelström multiculturel dont l’Europe « sans âme » a acté l’échec ? https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-multiculturalisme-est-il-une-187579
Enfin, n’y aurait-il pas paradoxe, après que Danton et les athées de la République de 1789 ont fini par accepter « l’Etre suprême » de Robespierre, que la République de 2017 décapite l’œuvre de Ploërmel.
La décapitation à suivre pourrait être celle d’un autre monument, républicain celui-là, la DÉCLARATION DES DROITS DE L’HOMME ET DU CITOYEN DE 1789, en lui supprimant de son préambule « la présence et les auspices de l’Être Suprême ».
Ainsi, la messe serait dite.
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