Monsieur le Président, conformément à la tradition républicaine, vous vous exprimerez le 31 décembre et présenterez vos voeux à nos concitoyens.
Quel registre choisirez-vous ?
« Gaullien ? Français, Françaises, la France a perdu une bataille mais elle n’a pas perdu la guerre. Je vous annonce la tenue d’un référendum qui vous permettra de décider si vous préférez l’effort courageux au déclin lénifiant. Je ne doute pas de votre choix. Si toutefois je me trompais sur celui-ci, je quitterais immédiatement mes fonctions et me retirerais en Corrèze, où je retrouverais mon ami Jacques Chirac. »
« Pompidolien ? Français, Françaises, l’avenir de la France dépend de la capacité de notre pays à créer des emplois. L’avenir de l’emploi dépend de l’économie. L’avenir de l’économie dépend de l’industrie. J’ai donc décidé de faire de l’industrie la grande priorité du reste de mon mandat et, dans ce cadre, de lancer un très grand emprunt : nous pourrons ainsi redonner à la France une grande ambition industrielle. »
« Giscardien ? Français, Françaises, il faut un président à la France. Je suis cet homme-là. J’ai décidé de constituer un gouvernement d’union nationale et de redressement patriotique. Ce gouvernement gouvernera la France au centre. Si deux Français sur trois le soutiennent, notre pays se décrispera et repartira de l’avant. »
« Mitterrandien ? Français, Françaises, contre les maux de notre pays, tout a déjà été essayé. Je vous invite donc à cesser de geindre. Regardez autour de vous. Admirez la beauté séculaire de nos contrées et appréciez la farce tranquille de mon gouvernement. Ni socialisme, ni libéralisme, mon cap est ambigu. Vous n’y comprenez rien. Je vous rassure : moi non plus. »
« Chiraquien ? Français, Françaises, là ou il y a un budget, il y a un chemin. J’ai décidé qu’en 2014, la France cessera d’obéir aux diktats insupportables de Bruxelles et des marchés. Assez de ces réformes mortifères ! Je dépense donc je suis ! »
« Sarkozien ? Français, Françaises, il n’y a que moi. A droite, les conservateurs se déchirent, à gauche les démagogues s’époumonent. Tous des incapables… Je suis le seul capable de gouverner la France. Mais j’ai besoin de temps. Et j’ai changé. En 2014, j’organiserai un référendum qui portera à 10 ans la durée du mandat présidentiel. Cette réforme s’appliquera immédiatement à mon mandat. Et, je le redis, j’ai changé. »
« Marinesque ? Français, Françaises, soyons lucides. Tous nos problèmes viennent des étrangers. En 2014, nous construirons tout le long de nos frontières une immense ligne Maginot. On l’appellera la ligne Pépère. D’abord cela créera des emplois. Ensuite, cela nous protégera enfin de tous ces pouilleux qui créent, chez nous, la violence, l’insécurité, les déficits, le chômage. »
Monsieur le Président, les Maquizards vous recommandent un autre discours :
« Français, Françaises, vous êtes inquiets, vous êtes déçus, vous êtes déconcertés.
Depuis qu’en mai 2012, vous m’avez élu à la magistrature suprême, j’ai fait de mon mieux. J’ai voulu, à la fois, rassembler, écouter, guider, rassurer, convaincre, réformer – suffisamment mais pas trop. J’ai voulu rester fidèle à mon engagement socialiste tout en vous tenant un discours plus moderne. J’ai voulu être habile. Ambigu comme Mitterrand, sympathique comme Chirac. Soyons clairvoyants ! Cette méthode des petits pas, cet effort pour tout faire à la fois, cette volonté de tout concilier, cette obsession de la synthèse, ne marchent pas. En tout cas, cette méthode, que je croyais sincèrement bonne, n’est pas adaptée à la dureté des temps et aux défis qui nous assaillent. Notre pays ne va pas bien. Et vous, mes chers concitoyens, vous doutez, vous broyez du noir, vous n’avez jamais été aussi inquiets.
Je vais donc changer de méthode. En2014, je serai plus simple, plus net, plus clair, plus ferme. La politique de mon gouvernement sera inspirée par quatre impératifs.
La vérité d’abord. Finis les discours alambiqués ! Je vous dirai la vérité. Tous les mois, je vous présenterai un point honnête, sans concession ni complaisance, sur les réformes en cours ou en préparation. Je le ferai sans fard et sans peur.
Deuxième impératif : la justice sociale. C’est le coeur de l’action politique, sa raison d’être. C’est notre vivre ensemble. Or notre Etat Providence est à bout de souffle. Nous allons donc le réinventer, le reconstruire ensemble. Pour que les plus faibles soient aidés. Et que tous les autres soient responsables. Immense programme ! Magnifique programme ! Nous allons réinventer la justice sociale en France. Dans ce but, je vais convoquer des Etats-Généraux. Aucun sujet ne sera tabou !
Troisième impératif : la compétitivité. Pas seulement celle des entreprises. Aussi celle de tout le pays. Si elle n’est pas compétitive, la France ne peut avancer, elle s’essouffle, elle titube. La compétitivité, c’est notre indépendance, notre influence dans le monde, notre poids en Europe, notre avenir, notre fierté, l’emploi de nos fils et de nos filles, la retraite de nos vieux.
Quatrième impératif : l’équilibre des finances publiques. Cet équilibre est une autre condition impérative de notre indépendance. Vis-à-vis des marches comme vis-à-vis de Bruxelles. Des finances publiques équilibrées, c’est l’Etat restauré, la France debout, la France responsable, la France en marche.
Français, Françaises, en 2014, ça va décoiffer. Je compte sur vous, Vous pouvez compter sur moi. »