En face, les insurgés qui vivent des subsides de l’Arabie Soudite, des taxes de passage prélevées sur les convois (pour les "salades" !) ou du trafic de drogue se retrouvent en revanche assis sur un trésor de guerre qui leur permet d’attirer ses candidats à la défection. Le danger est grand de voir le pays se fractionner de la sorte : Petraeus va être confronté à sa bassesse de vues antérieure. Celle qui a consisté à traficoter dans l’armement des troupes locales, avec des épisodes dantesques comme celui de la
gestion désastreuse des containers à armements, où avec le moindre bakchich on pouvait ressortir avec l’arme souhaitée, les officiers régulateurs américains fermant les yeux (au prix d’un second bakchich). J’avais cité à l’époque le rôle trouble d’ American Logistics Services, devenu ensuite Lee Dynamics International, société privée, dans ce trafic innommable d’armes légères. A l’époque, Robert Gates avait dû envoyer un inspecteur des armées pour constater les dégâts, le Lieutenant General Claude "Mick" Kicklighter.
Cela ou les nombreux épisodes de détournements d’armements, qui se sont soldés par un nombre conséquents de suicides demeurés "inexpliqués", tel celui du
Major Gloria D. David, en contrat au Koweit, qui s’était suicidée à Bagdad en décembre 2006. Avant qu’on ne puisse remonter plus haut pour dérouler l’écheveau de ses malversations. Elle avait reçu 225 000 dollars de rétro-commissions... d’American Logistics Services, justement, qui gérait les stocks d’armement de l’US Army. En quatre années, Petraeus et le Pentagone avaient signé pas moins de 18 000 contrats avec le Koweit, représentant pour 3 milliards de dollars de livraisons. Largement de quoi se servir au passage. A la base du trafic, on trouvait la Lt. Col. Levonda Joey Selph, chargée d’armer les forces de police irakienne... et la milice des Awakenings Councils. Or Levonda Joey Selph était une trè
s proche collaboratrice du général
Petraeus. La culture de la corruption était entretenue en haut lieu, je vous l’avais dit il y trois ans déjà. Trois ans plus tard, revenu à la tête des armées, Petraeus f
aisait la leçon à Karzai sur la corruption de son régime ! On croit rêver en lisant
ses propos !
Car cette corruption des fournisseurs d’armes était une constante avec Petraeus, qui fermait manifestement les yeux sur ces trafics. Ou pire, en cachait certains aspects : un autre homme y a laissé la vie, c’est le
Lt. Colonel Ted Westhusing.
"Dans une note laissée sur son lit à Bagdad, le lieutenant-colonel Ted Westhusing avait écrit : "Je n’ai pas fait de bénévolat pour soutenir l’argent de la corruption, les contractants venant prendre l’argent, ni travailler pour des commandants qui ne s’intéressent qu’à eux-mêmes." Westhusing, 44 ans, qui s’est suicidé le 5 Juin 2005, travaillait directement sous les ordres de Petraeus au MNTSC-I. Westhusing s’occupait de la firme privée
USIS, (pour
U.S. Investigative Services) qui avait obtenu un contrat de 79 million de dollars pour entraîner les forces spéciales irakiennes. Or en mai 2005, le journal Texas Observer avait reçu une lettre de quatre feuillets à propos de la corruption régnant chez USIS. On y évoquait la perte de 200 armes, par exemple, annoncée officiellement par USIS à l’armée américaine comme se chiffrant à 4 seulement... la lettre, mise en ligne en août 2008 n’est aujourd’hui plus disponible : quelqu’un est passé la retirer du site d’origine. Westhusing avait dans un premier temps dénoncé fermement cette lettre, mais au même moment un document révélait que 200 000 armes gérées par le MNSTC-I, dont Petraeus était alors le responsable, avaient disparu. A ses proches, son père, sa femme, Westhusing faisait part de son écœurement total. Il s’estimait trahi, non seulement par USIS, mais aussi par sa hiérarchie qui se résumait à deux personnes : le Major General Joseph Fil et le général Petraeus. Le 5 juin 2005, alors qu’il se plagnait à ses collègues du retard pris dans la construction des bâtiments destinés à la formation, il s’enfermait dans son bureau, se tirait une balle dans la tête en laissant un mot dénonçant deux personnes comme responsables de sa mort : Fil et Petraeus. Sur la note, on pouvait lire
"Je suis venu pour servir honorablement et je me sens déshonoré. Mourir avant d’être déshonoré, jamais plus." Usis avait une autre casquette également :
"Aujourd’hui, USIS est le leader dans l’industrie de l’emploi intérimaire et du services de dépistage de drogues" peut-on lire ailleurs. C’est en fait une des sociétés parmi les plus intrusives, bénéficiant de conditions spéciales gouvernementales pour franchir les barrières du Homeland Security pour enquêter partout où elle le souhaite !
Qu’avait donc décidé Petraeus pour armer les milices ? De supprimer la paperasserie pour "aller plus vite" selon ses propres dires nous
raconte le Figaro :
"en 2004 et 2005, le général Petraeus, alors responsable de la formation des forces irakiennes, avait décidé de faire l’impasse sur la paperasserie pour aller au plus pressé : « Nous avons pris la décision d’armer les types qui voulaient se battre pour leur pays », s’est-il justifié dans un entretien au New York Times. La colonelle Levonda Joey Selph, dévouée à son charismatique chef, a mis en oeuvre la consigne avec zèle : elle est aujourd’hui visée par l’une des enquêtes du Pentagone. Faute d’avoir tenu le registre des armes distribuées, nul ne sait où elles se trouvent. Ni le FBI, ni l’armée ne reconnaissent qu’elles aient pu passer à l’ennemi, mais trois pistolets Glock utilisés dans des attentats en Turquie l’an dernier portaient des numéros provenant du stock américain en Irak". A ce stade, c’est de l’irresponsabilité, totale !
Cette incompétence, ou encore le cas le plus représentatif, peut-être bien, celui de ce jeune vendeur de 19 ans, Efraïm Diveroli (*) ayant reçu un contrat portant sur 300 millions de dollars de livraisons de cartouches de munitions destinées aux policiers irakiens (**). Des cartouches défectueuses car datant de plus de 50 ans pour certaines, achetées à la mafia libanaise sous l’emprise du propre fils de l’ancien président (devenu premier ministre) à un prix dérisoire, alors qu’elle devaient être détruites selon un contrat passé avec l’Otan ! Ou enfin l’histoire des chars inutiles de l’armée irakienne, vieux coucous soviétiques recouverts d’une épaisse couche de peinture pour faire neuf, "refurbishés" par une société américaine ayant monnayé sa participation à prix d’or.
Alors qu’un broker qui était sur le même "coup" était retrouvé mort, mitraillé à bout portant à bord de son SUV, le jour même où il venait annoncer au Général Petraeus qu’il était prêt à dénoncer à la presse les manigances qui avaient précédé à l’atttribution de ce juteux contrat de tanks obsolètes...
Dans une émission de 60 minutes du 17 juin 2007 on avait chiffré à entre 750 et 800 millions de dollars volés aux irakiens. C’était une approximation.Tous les contrats irakiens conclus dans l’urgence, sans aucuns appels d’offres, l’avaient été avec une mystérieuse société appelée Al Ain al Jaria, étant donné l’absence d’administration existante avec la décision idiote de Paul Bremer de supprimer tous les postes existants. Une société créée en quelques semaines, et ne disposant en fonds propres que de 2000 dollars... alors que les américains avaient apporté 8 milliards de dollars en billets... mis sur palettes et entourés de plastique mais dont on a visiblement perdu toute trace. L’ancien ministre de la défense irakien, Hazim al-Shaalan al-Khuzaei, ancien inspecteur général de l’Iraqi Real Estate Bank avait été retrouvé à Londres vivant dans l’opulence après n’avoir été en poste que de juin 2004 à mai 2005, période pendant laquelle son ministère sous la direction d’
Ayad Allawi, avait "perdu" prés de 3 milliards de dollars. 1,7 milliards de dollars sera versé sur un compte de la Rafidain Bank à Bagdad avant d’être transvasé sur un mystérieux compte Jordanien. Deux chèques tirés sur le compte du ministère de la Défense de 149 et 348 millions de dollars font partie eux d’une somme de 1,126 milliard transférée chez al-Warka, une autre banque de Bagdad, somme totale qui sera transvasée ensuite chez Housing Bank à Amman.
Le ministère d’al-Khuzaei avait acheté des hélicoptères polonais (des Hind russes d’origine) dans un état pitoyable, incapables de voler, et des jeeps "blindés" du même pays qui ne résistaient pas aux tirs de Kalachnikovs. Les fameux fusils MP5 Heckler et Koch achetés 3500 dollars pièces s’avérèrent être des copies égyptiennes à 200 dollars. Il avait aussi commandé des balles de 7,62 à 16 cents pièce, alors qu’elles en
valaient entre 4 et 6. Comme intermédiaire, il avait utilisé un irako-polonais simple vendeur de voitures en Pologne, dans un petit garage, Ziad Cattan, qui avait été bombardé responsable des commandes nationales. Avant d’être garagiste il avait vendu des fleurs et des chaussures... l’homme signera pour 89 contrats de commandes d’armement pour
1,3 milliard de dollars. Chez Bumar, la principale firme d’armement polonaise, il avait acheté ses jeeps blindées
modèle Dzik 167 000 dollars pièce : c’étaient à la base des
camionnettes Iveco, recouvertes de tôles. 600 modèles étaient prévus : Petraeus et Nick Beadle, du ministère de la féfense anglaise rejetèrent les hélicos mais acceptèrent les jeeps. Lors d’un test fait par un journaliste, le véhicule s’était montré incapable de grimper une côte à 45° : son moteur de 150 cv seulement était bien trop petit pour ses 4 tonnes 1/2 ! Les polonais avaient pris le premier Iveco venu et l"avaient bardé de plaques de blindages, sans en changer le moteur... Devant
les insurgés du Mahdi, en avril 2008,
les véhicules ne
résisteront pas longtemps.... petit détail à savoir : si les Iveco déguisés parviendront par bateau, les munitions le seront via les avions d’Aerocom, à savoir ceux de Viktor Bout, présenté partout comme le marchand de mort... déjà à cette époque.
"Le nom de cette société était Al Ain al jaria, qui en arabe signifie « le printemps qui ne tarit pas." Son adresse à Amman, en Jordanie était une boîte postale, son numéro de téléphone celui d’un téléphone mobile. Le directeur était un irakien mystérieux au nom de Naer Jumaili, et un demi-milliard de dollars en fonds de la défense irakienne finirait par trouver leur place dans son compte privé à la Banque de l’Habitat de la Jordanie. La localisation exacte de cet argent et le sort de M. Jumaili sont actuellement inconnus" raconte candidement l’ancien ministre des Finances irakien de 2005 devant
les caméras de CBS ! Quelqu’un s’est volatilisé avec un demi-milliard minimum de dollars sans que l’administration Bush ne s’en aperçoive
! Le 28 août dernier, on apprenait qu’un haut fonctionnaire irakien qui avait reçu pour 2 millions de dollars d’ordinateurs destinés aux écoles du pays avait tout simplement détourné les containers les contenant dans le port d’Umm Qasr et avait revendu le tout 45 700 dollars ! l’Irak, aujourd’hui, est 176 eme sur l’échelle de la corruption regroupant 180 pays. Quant à l’Al Ain Al Jaria, la société n’a pas totalement disparu, contrairement à ce qu’à pu dire un juge irakien bien peu curieux : on retrouvait facilement sa trace... en Jordanie. Au catalogue
de la Sofex 2010, la "
The Special Operations Forces Exhibition and Conference ", un salon de l’armement, où on la retrouvait,
tenant un stand.... le même que celui de 2008, où la France aussi avait un pavillon ? Et où notre ministre était présent en 2010 ? La
firme existe toujours, et elle est bien militaire, et travaille bien en Irak ! Le juge "anti-corruption" se moque lui-même du monde !
Ce juge irakien qui a enquêté sur les détournements faisait le bilan en 2008 : rien de ce qui était nécessaire n’avait été envoyé, au
contraire même. "Outre les centaines de millions de dollars qui ont été volés, Radhi en dit long sur l’équipement livré à l’armée irakienne et la paperasserie inutile, comme les hélicoptères de l’ère soviétique, dont certains étaient considérés comme inaptes à voler, des gilets pare-balles qui s’étaient désagrégés après quelques semaines, et une cargaison de munitions tellement ancienne que les personnes qui les ont inspectées craignaient que cela puisse exploser". Au lieu d’avions, nous avons reçu des hôpitaux mobiles. Qu’aurait à voir serait une armée sans avions avec les hôpitaux mobiles, demande Radhi ?" Effectivement !
Résultat, comme l’avait justement noté
Patrick Cockburn en 2008, les USA n’ont pas vraiment apporté la stabilité dans le pays avec la création de cette milice capable à tout moment de changer de cap, ce qu’elle est en cours de faire, et l’apport de ces armements défectueux ou inadaptés à la police irakienne : "
dans son discours de l’Etat de l’Union, le président Bush a parlé des 80 000 membres du Conseil de l’Eveil - décrits comme étant "des citoyens locaux concernés", comme s’ils étaient des ménages respectables ayant pris les armes contre les "terroristes". L’image évoquée par Bush est similaire à celle souvent vue à Hollywood dans les Westerns lorsque les bourgeois indignés et les agriculteurs, poussés au delà de leur résistance par les crimes d’un shérif corrompu ou un propriétaire de saloon et leurs bandit partisans, se révoltaient. En réalité, en Irak, c’est exactement le contraire qui s’est passé. Les membres du Conseil de l’Eveil aujourd’hui sont justement les "terroristes" d’hier." Et là, Petraeus peut tout craindre en effet. Son icompétence stratégique risque fort dans les mois à venir de lui revenir à a la tête comme un boomerang.