En politique étrangère, la France à deux pas de l’enfer...
La question que l’on peut de poser est de savoir jusqu’où la France va glisser vers l’abysse de l’immoralité politique en matière de relations internationales. A chaque palier, on se dit que nous avons fini de glisser vers les profondeurs du reniement et de la honte, mais la glissade n’en finit pas. Il n’est plus qu’à attendre d’avoir atteint le fond. S’il y en a un...
Ce texte n’est pas pour complaire aux pragmatiques, et se tourne vers ceux qui croient et espèrent que la politique peut aussi être noble et défendre son idéal quitte à en payer collectivement le coût. On répète inlassablement la phrase de Churchill qui promettait du sang et des larmes. Alors peut-être faut-il en matière de relations internationales ne pas prendre le bon peuple français en traître et lui demander collectivement et par avance de soutenir des causes de justice morale qui pourraient avoir un contrecoup.
Aujourd’hui notre devise est devenue tout autre : du pétrole et des dollars. Mais avant de poursuivre juste un rappel - je fais comme Devedjian, c’est-à-dire faire se ressouvenir à Massimo ses paroles - qui énonçait devant le Parlement européen le 13 novembre 2007 : "Dans la démocratie européenne, j’ajoute que tous ceux qui ont fait l’expérience de renoncer à la défense des droits de l’homme au bénéfice de contrats, n’ont pas eu les contrats, et ont perdu sur le terrain des valeurs".
Comme en est l’exemple la Bible, c’est une litanie que l’on pourrait composer avec les reniements à cette belle promesse. Courber devant les forts, bomber le torse devant les faibles, se rallier aux pétro-dollars, chercher de faux contrats, en signer avec le sang, voilà ce que nous promet cette nouvelle politique étrangère. De cette litanie dont il faut rappeler quelques exploits, en voici un extrait : Kadhafi en France, félicitations quasi unique et le premier de la victoire de Poutine, voyage non seulement silencieux en Chine sans Rama Yade, mais reconnaissance des desiderata des Chinois en matière hégémonique, acceptation en Russie de la spécificité russe comme le droit à l’extermination en Tchétchénie par celui à qui on ne serrerait pas la louche, discussion avec le Hamas qui ne reconnaît pas Israël, ce qui est contraire au discours du Crif, premier voyage chez Omar Bongo, vieux dictateur transformé en vieux sage africain, déclaration admirative du Royaume théocratique wahhabite dont on chante le libéralisme, louange tunisienne avec une Rama Yade réduite à jouer à la poupée Barbie. A chaque voyage, accompagné d’une cohorte de porte-chéquier et de porte-stylo, notre guide éclairant termine ses communiqués et ses conférences de presse par le sésame du capitalisme en lequel il croit, remplaçant le barbu hôte céleste par le veau d’or que pourtant les servants du divin vouent aux gémonies. Le mot qui ouvre tous les droits et autorise tout : contrat. Peu importe que ce n’est la plupart du temps que de l’esbroufe, qu’Airbus mis à toutes les sauces ait engagé des pourparlers bien avant l’arrivée au pouvoir de Sarkodollar, que les retombées, surtout futures, ne seraient pour nous que la part congrue et en s’amenuisant avec les délocalisations dans la zone dollar (Plan Power Eight en anglais dans le texte pour un groupe majoritairement franco-allemand). Comme la ruche en "transhumance", Sarko l’atomique essaime partout dans le monde le nucléaire made in France.
Ne croyez pas que ces lignes tombent comme un cheveu sur la soupe, tirées comme ça d’une colère permanente et irrépressible contre notre luminescence. Non, cela tient à une actualité qui a fait peu de bruit : la visite éclaire du pigeon voyageur en Angola. 17 heures d’avion, quatre heures d’embrassades et de congratulations réciproques et un siècle de honte. L’Angola a trois caractéristiques : du pétrole, une corruption massive et l’Angolagate. Avant de s’appesantir sur le 3e point, juste un mot des deux premiers. L’Angola est considéré comme le second producteur de pétrole de l’Afrique sub-saharienne et devrait devenir d’ici à trois ans le premier réservoir d’or noir du monde. Etaient du voyage le grand patron de Total et devinez qui ? l’aéronaute, le prêteur de transporteur aérien et de bateau maltais : Bolloré. Retour d’ascenseur ? En matière de corruption l’Angola est classé 174e sur 179. Un record. Un autre record celui-là énoncé par Le Figosky : de fait, si l’Angola, après vingt-sept ans de guerre civile, a retrouvé la paix en 2002 et une certaine prospérité, la population demeure, elle, l’une des plus misérables du monde.
Angolagate résumé très succinct : alors que l’Angola est en guerre et que l’ONU impose un embargo concernant la vente d’armes à ce pays, Pierre Falcone, aidé par le cosmopolite Arcadi Gaydamak, fourgue pour 790 millions de dollars d’armes entre 1993 et 2000. De très nombreuses personnalités ont été touchées dans cette affaire dont Charles Pasqua, renvoyé en correctionnelle, soupçonné entre autres du financement de son parti pour la campagne européenne par la société Brenco international, Jean-Charles Marchiani élu à partir de 1999 député européen ce qui a valu une demande de levée d’immunité parlementaire, le fameux Attali, le dépensier somptuaire de la Berd, celui du rapport du même nom, le donneur de leçons à la terre entière, Hubert Védrine ministre, Papa-m’a-dit, autrement appelé Jean-Christophe Mitterrand, l’ex-député UMP et à l’époque magistrat Georges Fenech. Grâce à une loi de 1939 qui empêche de poursuivre dans une affaire de vente d’armes sans l’aval du ministère des Armées, une partie des poursuites a été annulée, celle concernant la poursuite pour "commerce d’armes illicite". On se souvient du reste de la défense lamentable du fils de l’ancien président socialiste se servant entre autres de cet argument juridique, mais des plus amoraux qui soient. Restent les divers et variés abus de biens, trafic d’influence, corruption. Que des douceurs.
On le voit, cette affaire est gentillette : trafic d’armes pour 790 millions de dollars, implication à tous les étages, viole d’embargo pour un pays en guerre et enfin implication au plus haut niveau du gouvernement angolais, là où je voulais en venir. Le procès français débutera le 3 octobre prochain (il fallait faire vite et venir en Angola avant cette date). Un des principaux acteurs, Pierre Falcone a obtenu en 2003 le titre d’ambassadeur de l’Angola auprès de l’Unesco afin de bénéficier du statut d’immunité diplomatique. Ceci qui n’est pas un détail, montre l’arrogance et le poids de Santos le président lusophone d’Angola. Avec cette justice qui a tenté de passer, le secret défense n’ayant pas été levé, et qui passera comme une tondeuse qui ne rase que la moitié d’un crâne, les relations diplomatiques franco-congolaises se sont refroidies. Mais chacun sait que le pétrole lampant éclaire d’un jour nouveau les dérangeants obscurantistes de la saine justice et de la morale pour ne faire que briller les silver quaters, et celui des poêles à mazout (ce n’est pas du chti ni de la biloute) réchauffe, voilà que la glace fond à grande vitesse entre les deux pays au fur et à mesure que le cours du baril monte et que les réserves de l’Angola font briller les pupilles de nos Français contractants Total et Bolloré. Vous trouverez ici un article qui révèle qu’il y a une liste que détient le juge Courroye et qui contient quinze noms de la plus haute hiérarchie angolaise. Le président Santos détiendrait un compte de bons et beaux billets virtuels au Luxembourg pour la somme de 37 millions de dollars. Par ailleurs, l"’organisation Human Right Watch estime qu’entre 1997 et 2002 le régime a détourné des caisses de l’État quatre milliards de dollars de rentes pétrolières." Vous avez bien lu 4 milliards de dollars de détournement.
Juste une conclusion, notre néo-politique d’assainissement de nos relatons internationales, appelée la politique du carnet de chèque à tout prix a fait dire à la France par l’intermédiaire des mobiles lèvres de notre phare de la morale que toute cette affaire dans un pays où la manne pétrolière laisse le peuple parmi les plus misérables du monde et où la corruption enrichit la clique à la tête de l’Etat - et je vous laisse juges de cette effarante déclaration - n’était qu’un malentendu et que maintenant la page était tournée :
"Je suis venu vous proposer une alliance qui reposerait sur des principes simples", a-t-il [Sarkozy] déclaré dans un toast lors d’un déjeuner offert en son honneur par le président angolais, José Eduardo Dos Santos : "Le respect mutuel, un partenariat d’égal à égal, la satisfaction de nos intérêts réciproques."
Un peu plus tôt, lors d’une déclaration conjointe à la presse, à l’issue d’un entretien avec son homologue angolais, il avait dit qu’ils avaient tous les deux "décidé de tourner la page des malentendus du passé".
Effectivement Sarkodollar a tourné les pages de notre honneur et s’est engagé à mettre ses pas l’un après l’autre dans les traces des adorateurs du veau d’or. Ce sont les nouveaux principes simples de notre politique. Vespasien avait raison : l’argent n’a pas d’odeur.
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