En sursis
On a libéré un meurtrier… il a tué encore. On ne peut pas prévoir les démons… Bliger, Eolas… On déjeune et on en parle ? IL FAUT PREVOIR LES DÉMONS. C’est pour ça, plus que pour toute autre raison, qu’on accepte une gouvernance dont la liste des manquements et des vices n’en finit plus : assurer la sécurité publique.
Une femme est morte. Juste un fait divers. Je vais donc vous conter un autre fait divers qui m’a beaucoup marqué. Rien de personnel… juste un sentiment de profonde impuissance devant la bêtise qui n’en finit plus et une population qui, encore une fois, ne fera rien pour que ca change… ou pas assez.
On dit « battu » mais on ne parle pas d’une paire de taloches. On ne parle pas d’une rixe. On parle de trois (3) agressions sauvages, gratuites, à sens unique, pour le plaisir de cogner. L’une des victimes a passé quatre semaines dans le coma, plus de deux mois à l’hôpital. Une autre a subi un affaissement crânien et portera désormais en permanence une plaque de métal à la tête. Ils ont été battus pour rien. Pour le plaisir de cogner.
Les complices de Shawn ne sont pas en liberté. Pas encore. Stéphane a été condamné à un an de détention. En fera-t-il six mois ? Quatre ? Deux ? Quand le mettra-ton à la porte de la prison pour laisser la place à un autre ? Cet automne, il sera certainement libre lui aussi. L’an prochain, à cette date, Shawn et Stéphane pourront tout à fait légalement se revoir . Avec un peu de chance, Michel, le troisième larron, aura « servi » le tiers de sa peine de 26 mois et pourra se joindre à eux. Ils pourront parler du bon vieux temps.
Shawn – a dit le Juge – méritait « une chance » parce qu’il semblait désireux de se réhabiliter. Espérons que la Providence accorde la même chance aux victimes qui sont certainement tout aussi désireuses d’être réhabilitées. Espérons. Mais il n’est pas sûr que l’an prochain, à cette date, les victimes aient retrouvé toutes leurs capacités d’antan. Il est tout à fait possible qu’elles ne les retrouvent jamais.
Shawn avait déjà un casier judiciaire. C’est comme ça qu’on l’a trouvé : il avait laissé ses empreintes digitales sur la scène du crime. Quand on l’a arrêté, il a « collaboré » avec la police en dénonçant ses complices. C’est un peu beaucoup pour ça, aussi, qu’on lui a accordé le sursis. Violent, malhabile et déloyal, je ne trouve pas Shawn bien sympathique. Ceci dit, ce n’est pas de sympathie qu’il s’agit. Je ne déteste pas Shawn, pas plus que je ne déteste tout autre bête féroce. Je ne crois simplement pas qu’il soit raisonnable de remettre Shawn et ses complices en liberté.
La majorité de ceux qui ont commis deux (2) crimes de violence grave en commettront au moins un troisième et 71 % des crimes de violence graves au Canada sont commis par des récidivistes qui ont déjà des crimes de violence grave à leur dossier. J’ai dû chercher pendant des mois pour avoir ces chiffres. On les cache. On prétend que les « données ne sont pas compilées de façon à fournir ces renseignements ». Tiens donc … ! À quoi on joue ?
Chaque fois qu’on remet un Shawn en liberté on crée un mort ou un blessé grave « en sursis ». On sait qu’il y aura probablement un jour un innocent quelque part qui sera attaqué, meurtri, tué par la bête fauve qu’on a laissé échapper. Et pourtant, on leur ouvre la porte. Nous sommes prisonniers de ce « probablement » qui n’est jamais une certitude en aucun cas individuel, même s’il est aussi incontournable, statistiquement parlant, que le lever du soleil.
Parce qu’on doit accorder à Shawn et à ses complices le bénéfice du doute qu’ils s’amenderont, je sais que, d’ici deux ou trois ans, je lirai dans un entrefilet du journal que l’un ou l’autre d’entre eux – ou les trois – auront agressé, blessé, laissé pour morte une autre victime. C’est vous, moi, nous tous qui sommes en sursis. En sursis de rencontrer Shawn le jour où il aura le goût de tuer. Est-ce qu’il n’y a pas une solution ?
La solution passe par la redéfinition du psychopathe et l’acceptation de la notion bien chrétienne du pardon. Que l’on accepte dans un premier temps que la violence est un désordre mental. La violence « en soi » ne profite pas au criminel ; elle est toujours gratuite dans la mesure où un criminel habile aurait toujours pu y substituer une alternative plus astucieuse. La violence est l’expression d’une folie.
Si la violence est une folie – donc une maladie et non un crime – il faut renoncer à punir celui qui s’en rend coupable ; il faut se limiter à le mettre hors d’état de nuire et lui assurer les traitements requis. Ce qui change tout, car on n’a pas à donner à un malade le « bénéfice du doute » qu’il ne subira pas une autre attaque du mal ; au contraire, il faut se prémunir, pour son bien comme le nôtre, contre la possibilité d’une rechute. En fait, s’il existe une probabilité raisonnable de rechute, c’est le devoir de la société de prendre les mesures préventives qui s’imposent.
Si on parle d’un malade quand on parle d’un récidiviste et de violence grave, les données dont nous disposons laissent croire à une haute probabilité de rechute : il faudrait garder sous observation ce malade. Indéfiniment. Pas pour le punir, mais pour le soigner. Et pour nous assurer qu’il ne sera plus en mesure de blesser ou de tuer d’autres innocents. C’est un non sens de laisser en liberté des récidivistes comme Shawn. Notre société qui feint de le faire par pitié ne montre en le faisant que sa propre irresponsabilité. Elle mériterait que les futures victimes lui demandent des comptes.
Pierre JC Allard
EPILOGUE : Cet article a été publié en mai 1999. En juillet 2001, Shawn a agressé et mortellement blessé un vieillard. Je n’ai pas fait assez. pjca
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