Enfin ! (Chirac mis en examen)
Bien sûr, il y a la présomption d’innocence : M. Chirac n’est officiellement pas encore coupable des faits qui lui valent sa première mise en examen et ne le sera sans doute jamais pour ce qui est de son himalayesque traîne de casseroles que les historiens ne devraient pas manquer de retenir. Tout
ce qui concerne la culpabilité de celui qui est, si l’on se réfère à une
multitude de témoignages de toutes provenances, aux procès de nombre de ses
anciens collaborateurs ainsi qu’au flot de faits avérés dont le train de vie du
personnage, sans doute le plus important délinquant multirécidiviste
de sa génération, ne peut être entendu comme étant juridiquement établi.
L’analyse du parcours politique de M. Chirac ne nécessite quant à elle aucun verdict de tribunal : Jacques Chirac, c’est le degré zéro absolu de la politique. Au cours de sa longue carrière de plus de quarante ans, il a été en effet à peu près pour et contre tout :
Pour et contre l’avortement, auquel il était « personnellement opposé », mais que le gouvernement dont il était Premier ministre légalisa en 1975.
Pour et contre la peine de mort, dont
il vota l’abolition en 1981 alors que le 4 mars 1975, il avait affirmé à la
télévision être « favorable à la peine de mort en cas de prise
d’otages », ainsi que nous le rappelle M. Robert Badinter dans son livre L’Abolition.
Pour et contre l’union de l’Europe, qu’au prix de la plus vile démagogie, il discrédita lors de son fameux « appel de Cochin » en 1978, en affirmant notamment que les Français ne doivent pas écouter « le parti de l’étranger », « à l’œuvre avec sa voix paisible et rassurante », avant d’appeler en 1992 à voter pour le traité de Maastricht qui instaura l’Union européenne, c’est-à-dire un renforcement de ce qui avait été jusqu’alors la Communauté économique européenne.
Pour et contre l’impôt sur les
grandes fortunes, que Premier ministre en 1988, il supprima, avant de
s’opposer, comme président de la République en 1995, à l’abrogation de l’impôt
de solidarité sur la fortune, impôt qui avait été mis sinon remis en place en 1989 par les
socialistes et de même nature que le précédent.
Pour et contre la loi sur les 35 heures qu’il n’eut de cesse de vilipender lorsqu’un parlement qui lui était défavorable la vota, puis qu’il refusa finalement d’abroger lorsqu’il eut à sa disposition un parlement qui lui était favorable.
Jacques Chirac est en outre, ne l’oublions pas, le seul homme politique français d’envergure de la seconde moitié du XXe siècle à avoir tenu des propos clairement racistes, que même le président du Front national Jean-Marie Le Pen, pourtant expert en ambiguïtés sur le sujet, ne se permit jamais d’avoir - je cite :
« Il est certain que d’avoir
des Espagnols, des Polonais et des Portugais travaillant chez nous, ça pose
moins de problèmes que d’avoir des musulmans et des Noirs [...] Comment
voulez-vous que le travailleur français qui habite à la Goutte d’Or où je me
promenais avec Alain Juppé la semaine dernière, il y a trois ou quatre jours,
et qui travaille avec sa femme, et qui ensemble, gagnent environ 15 000 francs,
et qui voit sur le palier à côté de son HLM, entassée, une famille, avec un
père de famille, trois ou quatre épouses, et une vingtaine de gosses, et qui
gagne 50 000 francs de prestations sociales sans naturellement
travailler ! Si vous ajoutez à cela, le bruit et l’odeur, eh bien le
travailleur français sur le palier il devient fou ! » (Discours prononcé à Orléans le 19 juin 1991.)
Selon M. Chirac donc, les musulmans et les Noirs sont bruyants et sentent mauvais.
Dans la logique de l’inconstance grotesque, permanente et parfois odieuse donc, de ses propos, il va sans dire que le contenu de ces derniers n’a pour ainsi dire jamais eu le moindre lien avec les actes accomplis et décisions prises par Jacques Chirac durant les quatre décennies qu’il passa dans les allées du pouvoir.
M. Jacques Chirac n’est
aujourd’hui juridiquement coupable d’aucun délit. Pourvu que sa première mise
en examen soit le signe d’une nouvelle ère.
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