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Entre nationalisme italien et autonomie du Nord, le dilemme de « la Ligue »

Au mois de Février, des élections ont eu lieu dans les Abruzzes et en Sardaigne, deux régions classées dans le sud de l’Italie politique, même si, géographiquement, la Sardaigne est une ile située à l’ouest de la péninsule. Ces deux régions sont des circonscriptions « pivots » et fournissent des indices importants sur l'évolution des tendances nationales dans les choix de leurs électeurs lors des scrutins régionaux.

Il s’agissait donc du premier test électoral pour la nouvelle coalition gouvernementale, qui réunit la Ligue de Matteo Salvini et le Mouvement des cinq étoiles (M5S), mais qui est dirigée par le Premier ministre Giuseppe Conte, un juriste sans étiquette apprécié pour son ton mesuré et ses talents de conciliateur.

On observe que la Ligue se comporte plutôt bien dans les deux cas, alors que le M5S subit des défaites cuisantes. Dans les deux régions, la Ligue a mené à la victoire les coalitions de centre-droit et renversé les gouvernements de centre-gauche en place.

Dans les Abruzzes, la Ligue est passée de 13,8% lors des élections générales de l'année dernière à 27,5% cette année, devenant ainsi la plus grande force politique. En Sardaigne, elle a recueilli 11% des suffrages. Même si ce dernier résultat est moins éblouissant, il est historique car le parti de Salvini trouvait traditionnellement très peu d’écho dans le « sud » de l’Italie. Il n'y avait même pas eu de candidats dans ces deux régions il y a cinq ans.

En fait, à l’origine, la Ligue était un parti régionaliste dont l’intitulé était « la Ligue du Nord », indication loin d’être neutre, se voulant représentative d’une région « évoluée » portant à bout de bras des régions « attardées ». Son objectif principal était d'obtenir plus d'autonomie pour les régions du nord laborieux de l'Italie supposées spoliées par un état-providence vampirisé par le sud oisif.

Pendant un certain temps, à la fin des années 90, le parti a même fait campagne pour l’indépendance du Nord. Sa transformation en un parti nationaliste « nativiste » (c’est-à-dire opposé à l’immigration) a commencé après 2013 sous la direction de Salvini. Aujourd'hui, le parti fait campagne sur tout le territoire italien avec un succès croissant. C’est probablement le seul cas en Europe (et peut-être au niveau mondial) d’un parti régionaliste capable de changer radicalement d’orientation territoriale et de devenir l’un des principaux partis politiques du pays.

Pendant ce temps, le M5S est en crise. Il y a seulement un an, lors des élections générales, il avait remporté des victoires époustouflantes dans les deux régions, obtenant environ 40% des voix. Cette fois-ci, son score dans les Abruzzes a été divisée par deux, et pour la Sardaigne il s'est effondré de manière encore plus dramatique (de 42,5% en 2018 à environ 11% cette année). Le M5S est arrivé derrière les coalitions de centre droit et de centre gauche, qui ont dominé la compétition électorale.

L'année dernière, le M5S avait remporté des victoires dans les circonscriptions (principalement du sud) qui avaient particulièrement souffert de la crise économique. Aujourd’hui, il doit répondre de son bilan au gouvernement. Au lieu de connaitre la croissance promise, l'Italie subit sa première récession depuis 2013.

Alors que la Ligue, à travers sa ligne anti-immigration, peut minimiser l'importance des problèmes économiques en concentrant sa campagne sur les politiques de maintien de l'ordre et la xénophobie, le M5S ne peut pas jouer sur ces registres. Son succès dépend de sa capacité à faire face aux effets négatifs de la crise financière et à promouvoir la transparence et le renouvellement des institutions comme il avait annoncé pouvoir le faire, et les difficultés croissantes rencontrées par l'économie italienne nuisent à sa crédibilité

Pour le moment, le président Salvini et le dirigeant du M5S, Luigi Di Maio, insistent sur le fait que leur pacte se maintiendra, et il est peu probable que l'un ou l'autre d'entre eux donne des signes de désaccords entre les deux organisations avant les élections européennes.

Or, il s’agit d’une compétition dans laquelle le parti de Salvini pourrait gagner gros. Il est en passe de devenir la plus grande force politique d’Italie. La phase de transformation du parti en une force politique nationale est achevée.

Mais le succès sans précédent de la Ligue dans le sud de l’Italie pourrait bien lui imposer de s’affronter à de nouveaux défis. Le parti pourrait avoir du mal à concilier les revendications de ses fiefs traditionnels du nord de l'Italie et les besoins de ses nouveaux électeurs. Les deux plus grandes régions du nord de l’Italie, la Vénétie et la Lombardie, ont engagé un processus de négociation avec le gouvernement central afin d’obtenir une plus grande autonomie en matière de fiscalité et d’élaboration des politiques. Ce processus faisait suite à deux référendums organisés en octobre 2017. Ils avaient été promus par des gouvernements régionaux dirigés par la Ligue, qui, en Vénétie et en Lombardie, continuait de soutenir fermement un fédéralisme accru. Les deux référendums ont exprimé un soutien écrasant en faveur d’un statut d’autonomie territorial décentralisée plus radicale.

L’octroi de nouveaux pouvoirs à la Vénétie et à la Lombardie pourrait déclencher une nouvelle dynamique de concurrence régionale. Les régions du sud de l'Italie, notamment la Campanie, se sont plaintes du nouveau régime d'autonomie différenciée qui pourrait saper l'unité nationale. Certains craignent même qu'à long terme cela ne conduise à un nouveau scénario catalan.

Une résurgence des tensions régionales ne joue pas en faveur de Salvini. Au cours des cinq dernières années, il a tenté de minimiser l'importance du régionalisme et du fédéralisme pour promouvoir le nouveau projet souverainiste et « nativiste » de la Ligue. Jusqu'à présent, il a pu éviter de prendre une position claire. Les succès de Salvini l'ont également aidé à contenir l'opposition et les pressions au sein de son propre parti, mais il pourrait bientôt être confronté à un dilemme entre l'autonomie du nord et le nationalisme italien. Quelle qu’elle soit, sa décision pourrait être très coûteuse sur le plan électoral.


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5 réactions à cet article    


  • Paul Leleu 1er mars 2019 21:35

    intéressant article... pour le moment, la Ligue et le M5S n’ont rien obtenu de Bruxelles, et continuent de se coucher devant l’Eurocratie... alors, ils ont beau gesticuler... ça interroge d’ailleurs sur les capacités réels des peuples européens à bouger dans ce moment historique.

    sur l’Italie, Jacques Sapir expliquait dernièrement comment l’adoption de la Lire piémontaise (du nord) au moment de l’unification a plombé durablement l’économie du sud. C’était une monnaie surévaluée pour l’économie du sud, qui n’a jamais surmonté. Un phénomène historique étrangement similaire à l’Euro !!

    l’Italie du Nord est une région très particulière. Elle est (avec les Pays-Bas), l’épicentre de la naissance du capitalisme moderne à la toute fin du Moyen-Age (15ème siècle). Venise, Gènes, les banquiers lombards, etc. etc. C’est le coeur industriel et technologique de l’Italie. Avec (comme dirait E. Todd) des structures familiales différentes du sud. L’antagonisme n’est pas artificiel. Reste donc à savoir, dans la crise profonde, ce qui remportera du nationalisme et du régionalisme. Un résultat intéressant à observer, sur le plan historique.


    • Rantanplan Pink Marilyn 2 mars 2019 07:06

      @Paul Leleu

      La rémanence des vieux empires et la puissance des familles patriciennes comme les Medicis et les Borgia, mais surtout leurs clientèles, sont des forces et des lignes de clivage souvent sous-estimées, pour l’Italie comme pour le reste du monde.


    • La Voix De Ton Maître La Voix De Ton Maître 2 mars 2019 03:17

      Un article dont je n’arrive pas à deviner le parti pris...

      Etes-vous un de ces vrais journalistes dont parlent les légendes ? Un de ceux capables de relater les faits sans systématiquement donner des instructions ?

      Bienvenue sur Agoravox. Premier article brillant


      • Rantanplan Pink Marilyn 2 mars 2019 06:59

        @La Voix De Ton Maître

        merci pour l’accueil


      • jorflim 2 mars 2019 16:57

        Hug,

        Témoignage du cousin sicilien,

        Il y a encore des « comités de défense des artisans » d’apparence mafieuse a Palerme, mais la majorité des commerçant sont « addiopizzo », contre explicitement.

        Les mafia qui subsistes subissent un « culte municipale des personnalités victimes de la mafia », de grand portraits taille bâtiment de borcelino et des dizaines d’autres.

        Le lobby du tourisme a bouffé la mafia.

        ++

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