Entreprise et Entrepreneur : mythe ou réalité ?
Le but de ce papier est de déconstruire le discours idéologiques autour de l'Entreprise et des Entrepreneurs. Discours qui est véhiculé par les médias, le MEDEF et les partis politiques à longueur de débats, L’entrepreneur serait en France "bridé" dans ses élans en priorité par un déficit public "structurel"qui entrainerait de lourds prélèvements sur l'entreprise et de ce fait, la rendrait moins compétitive que ses "voisins" Il y aurait donc urgence à réformer cela sinon ce pays ne retrouverait pas la croissance et par conséquent l'emploi, voire même que nos Entreprises et nos Entrepreneurs à force de "courber l'échine" pourraient partir ailleurs, rechercher l'eldorado.
Pour essayer de comprendre, il est nécessaire de mieux appréhender la réalité du tissus productif en France, on en parle souvent mais on entre jamais assez dans le détail. C'est tellement plus simple de mettre toutes les entreprises dans le même sac.
Cependant avant d'aller plus loin, il est bon de préciser pour commencer quelques définitions.
Selon l'Insee :
Les microentreprises sont des entreprises qui, d'une part occupent moins de 10 personnes, d'autre part ont un chiffre d'affaires annuel ou un total de bilan n'excédant pas 2 millions d'euros
Les petites et moyennes entreprises (PME) sont des entreprises qui, d'une part occupent moins de 250 personnes, d'autre part ont un chiffre d'affaires annuel n'excédant pas 50 millions d'euros ou un total debilan n'excédant pas 43 millions d'euros.
Les entreprises de taille intermédiaire (ETI) sont des entreprises qui n'appartiennent pas à la catégorie des PME et qui d'une part occupent moins de 5 000 personnes, d'autre part ont un chiffre d'affaires annuel n'excédant pas 1 500 millions d'euros ou un total de bilan n'excédant pas 2 000 millions d'euros.
Les grandes entreprises sont des entreprises qui ne sont pas classées dans les catégories précédentes.
Toujours selon l'Insee, il y avait en 2010 La france comptait 26 259 500 emplois, 23 792 000 emplois salariés (dont 7 609 500 dans la fonction publique, première remarque, l’État est de loin le plus gros employeurs de salariés dans ce pays avec 32% des emplois salariés) et 2 467 500 emplois non salariés.
Ces emplois étaient répartis dans 3 081 792 entreprises au sens de l'Insee. Dans le tableau en fichiers attachés, ci dessous on peut rentrer dans le détail par catégorie d'Entreprise.
La lecture attentive de ce tableau permet de mettre en évidence quelques vérités et aussi, on le verra plus tard, de démythifier le rôle de "l'Entrepreneur" le seul créateur des richesses et des emplois, véritable demiurge de l'économie moderne. Mais avant d'aller plus loin .
Ce tableau nous montre que :
Les microentreprises : Les plus nombreuses, elles représentent 95,5 % des entreprises en France, elles comptent en moyenne un peu moins d'un salarié par unité ( parmis elles beaucoup sont des autoentepreneurs) Elles n'occupent cependant que 10,7% des emplois salariés de ce pay !
Les PME elles sont au nombre de 135 823 entreprises ( les Pme : plus de 10 salariés et moins de 250) occupent un peu plus de 3 500 000 salariés soit 15 % des emplois salariés totaux. Près de 20 % d'entre elles sont organisées en Groupe !
Les Entreprise de Tailles Intermédiaires ( ETI ) sont au nombre de 4623 soit 0,15% de l'ensemble, elles comptent 12,2% des emplois salariés français. La structure de Groupe domine clairement, seules 10% d'entre elles sont constituées d'une seule unité juridique !
A l'autre extrémité 229 Grandes Entreprises( 0,007% de l'ensemble) occupent un peu plus de 4 000 000 de salariés soit 17,1% des effectifs salariés français. Elles sont toutes organisés en « Groupe » Les 2/3 sont françaises et emploient 82% des salariés que comptent cette catégorie les 18% de salariés restant le sont par les groupes d'origines étrangeres.
A retenir : 4622 ETI + 229 GE, soit 4852 entreprises représentant 0,16% de l'ensemble des entreprises en France, emploient 29,3% du total des emplois salariés du pays ou encore 53% des emplois privés !
A ce stade récapitulons :
l'Etat comptabilise 32 % des emplois salariés....1er employeurs de France !
les GE, ETI et PME qui représentent moins de 4,5 % des entreprises en France couvrent 44,3% des emplois salariés ou encore 81% des emplois privés. Ce sont principalement vers elles que vont ce concentrer les 20 milliards de cadeaux fiscaux du pacte de compétitivité de F. Hollande ( 6 % de la masse salariale ! )
Elles réalisent près de 75% de la Valeur ajoutée ( hors agriculture, secteurs public et financiers) et plus de 80% des exportations
Les microentreprises on le rappelle avec 1 emploi en moyenne, sont les plus nombreuses, elles représentent 95,5% des entreprises on l'a vue. Et elles ne couvrent cependant que 10,7 % des emplois salariés. Ce serait là, si l'on en croit la légende, le vivier des emplois et de la croissance de demain ?
Au regard de ces résultats dire que le secteur productif de ce pays est fortement concentré est un euphémisme !
Cette concentration est tout aussi visible dans le secteur industriel, fer de lance de toute économie c'est bien connu.
Pour ce qui concerne l'Industrie un peu moins de 212 900 entreprises ( 7% de l'ensemble) emploient un peu plus de 3 300 000 salariés ! Soit 13,9% des emplois salariés du pays.
-
71 Groupes classées comme Grande Entreprise emploient 1 127 990 salariés, soit 34% des emplois industriels. 100% de ces entreprises, exportent. Ils réalisent un peu plus de 33% de leur CA à l'exportation.
-
1551 Groupes classés en Entreprise de Taille Intermédiaire emploient 1 062 500 soit 32% des emplois industriels. Fortement exportatrices elles aussi. Près de 94% d'entre elles exportent 30% de leur CA !
-
25 823 Pme emploient 828 690 salariés, soit 25% des salariés de l'industrie, majoritairement exportatrice, près de 57% d'entre elles exportent environ 24,5% de leur CA.
L'Industrie dans sa totalité réalise 65% des exportations françaises en valeurs. Les GE et les ETI 1622 groupes ( 0,8% du secteur) réalisent à elles seules près de 60% des exportations françaises !
Ces 1622 groupes, emploient 66% des salariés de l'ensemble du secteur " Industrie" !
Comme on le voit le secteur industriel est lui aussi fortement concentré. On peut légitimement affirmerque la totalité de ces 1622 entreprises sont cotées sur un des marchés boursiers français et on peut donc légitimement penser à partir de quelle logique financière elles fonctionnent !
Cette concentration relativise déjà le matraquage sur la compétitivité des entreprises que l'on balance à longueur de débat sur le sujet. Si il faut chercher des responsables d'une quelconque faiblesse compétitive de nos entreprises, on sait où les trouver !
Nous sommes donc bien loin du mythe de l'entrepreneur qui crée les richesses et les emplois !
Bien sur que l'Entrepreneur au sens schumpétérien du terme est nécessaire mais il n'est pas suffisant. Il y en a toujours eu et il y en aura toujours.
Les Entreprises qui concentrent les emplois et la richesse aujourd'hui en France sont estimés à environ 4250 Groupes ( les 1622 GE et ETI qu'on vient de citer auxquels il faut rajouter les quelques Pme organisées en Groupe, soit 20% d'entre elles)
Les « pigeons » au début du quinquennat, le Rapport Gallois, le MEDEF à longueur de communiqué et F.Hollande récemment aux assises de l'entrepreneuriat, nous rabâchent que 3 millions d'entreprises et autant d'entrepreneurs sont à "choyer" "bichonner" afin qu'ils ne perdent pas confiance, ne baissent pas les bras et qu'ils puissent contribuer à donner de la « croissance » à notre beau pays. Tous dans le même panier ! Belle fable, pour avoir travaillé sur le sujet ( je l'ai fait une grande partie de ma vie active !) seulement un peu moins de 5% des créations d'entreprises ont la potentialité de devenir une PME et 0,05% une ETI ! Ça c'est la réalité, aujourd'hui on pourrait bien sur améliorer ce constat par exemple en proposant au créateur d'entreprise le financement à 80% de ces investissements matériels et immatériels ainsi que du besoin en fonds de roulement, par des prêts à faible taux. Pour le reste les outils pour financer à hauteur les ambitions d'un bon " plan de développement" existent, je confirme par une longue pratique. Mais cela prend du temps et ne se fait pas du jour au lendemain il faut quelques années et cela ne répond pas à l'urgence actuelle celle de créer des emplois et de résorber les déficits des comptes sociaux résultant du nombre de destruction d'emplois pour convenance "boursière"
On compare souvent la France à L'Allemagne surtout en matière économique, souvent pour souligner les performances allemandes en matière de chômage, c'est occulter un peu vite le comportement différents des entreprises allemandes qui ont privilégié les emplois, et donc peu licencié quand en 2008-2009 leur PIB chutait de plus de 4% alors que nos entreprises licenciaient à tour de bras quand sur la même période notre PIB chutait de 1,5%. Il est vrai que les salariés allemands ont autant de représentant dans les conseils d'administration que les actionnaires, cela a peut être compté ?
Récemment sur le plateau de « Mots croisés » sur France2, M.Geoffroy Roux de Bézieux, PDG du groupe Omer Télécom ( Virgin mobile) candidat à la Présidence du MEDEF, mais aussi entre autre co-fondateur du FCPR. ISAI, s'employait à convaincre M. Ph.Poutou, leader du NPA en martelant que le problème en France c'était que : "2,7 millions d'Entreprises « crevaient » la bouche ouverte" alors que les 40 entreprises du cac 40, elles, ne représentaient rien !" Même M.Calvi en bon chien de garde, en rajoutait une couche dans l'émission en affirmant que « la 1ère Entreprise de France ce sont les Pme !
En fait tout ces discours sur ces millions de petites entreprises qui souffrent et croulent sous le poids des prélèvement obligatoires d'un État trop dispendieux est en réalité un discours idéologique pour masquer la vraie raison de ce lobbying intensif de la part de quelques milliers d'entreprises constituées en Groupe, obéissant à une logique boursière, pour moitié français et pour l'autre moitié étrangers afin d'optimaliser le rendement de leurs actions à court terme au détriment du développement sur le long terme et donc de l'emploi. Le discours dominant consiste à se plaindre que ces entreprises ne dégagent pas assez de marges suffisantes parce qu'elles croulent sous le poids des charges des prélèvements obligatoires qui pèsent sur elles, en ces temps difficiles, pour investir ou mieux créer des emplois.
Diantre, on en pleurerait ! Mais alors comment interpréter le graphisme ci dessous qui montre qu'elles dégagent suffisament de marges pour distribuer toujours plus des dividendes (cf-graphique_bdm_dividendes ci dessous)
Alors que parallèlement on annonce le déclin (cf- rapport Gallois) de la compétitivité des entreprises françaises, depuis le début des années 2000 on s’aperçoit également que pendant cette période les dividendes ont augmenté de 300% !
Alors que ces entreprises délocalisent fortement (leurs filiales à l'étranger réalisent près de 3 fois plus de CA que leur CA à l'export !) et qui, pour l'essentiel, payent un impôts sur le bénéfice disons anecdotique grâce à l'optimisation fiscale et aux paradis fiscaux, car ici aussi contrairement à la Constitution l'impôt est régressif, plus on est gros moins on en paye ! Les dirigeants de ces quelques milliers d'entreprises, soyons pas regardant, disons les 10 meilleurs salaires, représentent, comme par hasard une quarantaine de mille de personnes au sommet de l'échelle des revenus, c'est à dire le1/1000 décile supérieur, ceux là même qui ont bénéficié sous Sarkozy du Bouclier fiscal et qui ont vu leur revenu croitre depuis 10 ans à une vitesse vertigineuse et qui bénéficient des niches fiscales et qui "planquent" aujourd'hui dans les paradis fiscaux leurs magots dont ils placent une grande partie en obligations en dettes souveraines, dont des obligations françaises, pour faire fructifier leurs "avoirs" sans risques en ces temps de crise ! On comprend alors leur satisfactions à l'annonce du maintien de l'exonération sur les plus values de cessions immobilières !
Est-il normal donc que ces entreprises et leurs dirigeant ne prennent pas leur Responsabilité en ne se comportant pas comme des entreprises citoyennes en favorisant l'Emploi, et en particulier l'emploi des jeunes dans leurs accès à un premier job par exemple ou encore en s’acquittant d'impôts qui n'est que le juste prix à payer par ces entreprises pour l'usage des infrastructures dont elles "usent" et abusent dans ce pays. Une Entreprises n'est pas un OVNI en suspension sur un territoire, mais un agent économique bien ancré sur ce territoire et qui par conséquent doit s'acquiter d'impôts. C'est bien connu les nouvelles méthodes de gestion de la production, depuis plus de 20 ans ont fait que les stocks de ces entreprises ne sont plus ans l'entreprise mais sur les routes, que payent et qu'entretiennent les contribuables !
Non les "pigeons " ne sont pas ceux qui s'en réclament, mais tous les contribuables qui payent pour eux...
3 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON