Envers et contre tout, la Chine sur le point de s’imposer à l’UNESCO ?

Quelques semaines avant la désignation du nouveau directeur général de l’UNESCO, le candidat chinois continue de susciter incompréhension et malaise au sein de l’organisme international.
La candidature de Qian Tang soulève de nombreuses questions depuis le lancement officiel de la campagne, en mars 2016. Il est en effet sous-directeur général pour l’Éducation à l’UNESCO depuis 2010, un poste auquel est venue s’ajouter la fonction de directeur par intérim du bureau des Ressources humaines depuis 2016. Sa mission : « faire réviser les politiques en matière de ressources humaines en vue d’améliorer la gestion de l’organisation », selon le site Internet de l’organisation.
La question du conflit d’intérêts était dès lors inévitable. Ses fonctions au sein de l’UNESCO lui permettent d’accéder à une forte exposition médiatique et à d’importants moyens financiers et humains dont ses opposants ne disposent évidemment pas.
C’est donc tout naturellement que Khalil Karam, président du groupe arabe de l’UNESCO, a adressé une lettre à Irina Bokova, actuelle directrice générale de l’agence onusienne, dans laquelle il dénonce cette « double casquette » du représentant de Pékin, tout en exprimant sa « profonde désapprobation sur les circonstances de [s] a campagne ». Pour M. Karam, « il y a clairement ici une situation où les intérêts personnels du candidat vont interférer avec la performance de ses obligations officielles, et où sa position comme sous-directeur général lui accordera un avantage compétitif injuste par rapport aux autres candidats ».
Surveillance et répression
Cependant, ce conflit d’intérêts n’explique pas tout le malaise que suscite la candidature du représentant de Pékin. En interne comme en externe, on ne cesse de se poser la question de la légitimité de la Chine à diriger un organisme dont l’un des principaux objectifs consiste à « assurer le respect universel de la justice, de la loi, des droits de l’Homme et des libertés fondamentales pour tous ».
Et pour cause. D’après le plus récent rapport d’Amnesty international, « de nouvelles lois relatives à la sécurité nationale menaçant gravement la protection des droits humains ont été élaborées et adoptées » en Chine en 2016 et 2017. « La répression menée dans tout le pays contre les avocats spécialisés dans les droits humains et les défenseurs de ces droits s’est poursuivie tout au long de l’année. Les militants et défenseurs des droits humains demeuraient systématiquement soumis à une surveillance, à des manœuvres de harcèlement et d’intimidation, à des arrestations et à des incarcérations ».
M. Tang ne saurait être tenu pour responsable de cette situation. Mais il reste que le poste de directeur général de l’UNESCO constitue une vitrine diplomatique permettant aux États de redorer leur image et d’accroître leur influence mondiale. Or, il est vrai que la Chine est devenue un acteur incontournable sur l’échiquier diplomatique international, mais peut-elle se voir confier la mission de défendre les droits de l’homme dans le monde sans que cela suscite l’incompréhension, voire la colère de certains ?
Inefficacité et corruption
D’autant qu’un troisième argument gagne de plus en plus en force parmi les détracteurs de Qian Tang. Une enquête visant Kalin Mitrev, le représentant bulgare auprès de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Bred), a été ouverte jeudi 7 septembre à Sofia. Portant sur un possible « blanchiment d’argent », l’enquête a été ouverte au surlendemain de la publication par des journaux européens d’informations selon lesquelles l’Azerbaïdjan aurait dépensé 2,5 milliards d’euros entre 2012 et 2014 pour s’attacher des soutiens à l’étranger.
Dans un communiqué, le parquet bulgare a précisé que l’enquête vise à déterminer s’il y a eu ou non « fraude fiscale » et « blanchiment d’argent », comme le suggèrent les informations portant sur des versements effectués par des sociétés azerbaïdjanaises sur des comptes de Kalin Mitrev.
Ce dernier est le conjoint de l’actuelle directrice générale de l’UNESCO, Irina Bokova, dont les liens avec l’Azerbaïdjan ont été remarqués et critiqués à plusieurs reprises, et ils sont régulièrement évoqués dans les nombreux scandales de corruption impliquant de près ou de loin Mme Bokova.
En tant que responsable au sein de l’UNESCO, Qian Tang ne peut éviter d’être éclaboussé par ces scandales. Et son image pâtit du bilan plutôt décevant de Mme Bokova à la tête de l’organisation, dont la situation financière est des plus précaires depuis que les États-Unis ont décidé de mettre fin à leur contribution financière en 2011.
Le puissant réseau diplomatique chinois arrivera-t-il à imposer son candidat à l'UNESCO malgré toutes ces faiblesses ? Réponse dans quelques jours.
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