Épidémies et peurs
Commentaires sur le chapitre 3 d’un ouvrage de Jean Delumeau, intitulé « Typologie des comportements collectifs en temps de peste ». (Pages 98 à 142)
« Sur la toile de fond constituée par les peurs quotidiennes se détachaient des épisodes de panique collective, notamment lorsqu’une épidémie s’abattait sur une ville ou une région. »
Dans tout le chapitre, on pourrait remplacer le mot PESTE par COVID-19 en conservant, aux détails près liés à la distance temporelle, la description des comportements de la population et des actions des responsables religieux et politiques.
Tout y est : le nombre exceptionnel de morts, les malades mal secourus, la peur qu’ils inspiraient aux bien-portants, la méconnaissance des causes de la peste, attribuée à la pollution de l’air, à des conjonctions astrales ou à l’impiété et aux actions provoquant les colères divines, les restrictions, spontanées ou imposées, telles que port d’un masque, évitement des rassemblements, isolement et mise à l’écart des malades, abattage d’animaux domestiques pour tenter d’enrayer la contagion. On brûlait les linges, voire les corps, des pestiférés.
Delumeau note aussi que « les chroniques relatives aux pestes font ressortir la fréquente négligence des autorités à prendre les mesures qu’imposait l’imminence du péril ». Fait-on mieux six-cents ans plus tard ? Un peu plus loin : « Les riches étaient les premiers à prendre le large, créant ainsi l’affolement collectif ». Cela ne se fait plus aujourd’hui, voyons (!). Pire : on chassait les mendiants, les asociaux, on accumulait des réserves chez soi, on se saluait à distance, on ne sortait plus.
Et pourtant, des médecins célèbres, Paracelse, Ambroise Paré, semblent prêcher à contre-courant : « il se faut tenir joyeux, en bonne et petite compagnie, et parfois ouïr chantres et instruments de musique, et aucunes (quelques) fois lire et ouïr quelque lecture plaisante ». Un certain président avait, lui aussi, encouragé à aller au théâtre, mais il a été beaucoup critiqué pour cela.
Jean Delumeau conclut ainsi le chapitre : « On avait oublié la peur ; mais pour combien de temps ? » Son ouvrage, « La peur en Occident », fut publié en 1978.
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