EPR concordance des temps
Le temps en met du temps à mûrir les choses mais quand vient la fin, il faut être vigilant car tout va très vite au contraire.
L’EPR de Flammanville prend la vedette ; d’abord Doroszczuk qui exige de nouvelles soudures, puis Le Maire qui exige un audit. Quand ces gens-là causent, les tambours médiatiques savent se faire entendre. Quand je pense le temps qu’il nous faut à nous pour aligner assez d’infos pour faire un article qui sera lu par trois péquins, c’est à vous dégoûter d’agir et à vous inciter à la prière !
Dans l’attente, mange, bois et réjouis-toi, nous enjoint le sagesse chinoise, tant il est vrai que s’inquiéter est inutile à user nos forces ; encore faut-il croire en une justice immanente, un bon sens de Vie possédé par l’Homme à son insu.
Le nucléaire civil a été imposé il y a une soixantaine d’années, au citoyen, avec les moyens de l’époque ; comme on avait construit dix fois trop de réacteurs pour les besoins de la population, il fallut en inventer d’autres : le chauffage électrique en fut la trouvaille de génie tellement attrayante qu’ils sont rares ceux qui la repoussèrent. Mais il est une loi naturelle à laquelle même l’homme dans sa grandeur ne peut rien : quand quelque chose est instauré, s’installe une routine qui fait baisser la garde : après l’effort de la mise en place, le repos et les gains sont une récompense bien méritée à laquelle nul ne songe à gâter le plaisir. Vient alors le moment de l’absence de transmission, de l’incompétence, de la négligence, tout cela s’accordant avec un appât de gains inextinguible. Alors forcément…
À y regarder de plus près il apparaît que certaines négligences sont inhérentes à cette technologie puisque occulter l’insoluble en est un des piliers. Quand on ment, quand on tient dans le secret les dangers, quand on se cache à soi-même l’énormité de pans entiers de réel occultés, en fait on tient en force et si on se fie, encore et toujours, à la sagesse chinoise - tout ce qui ne se crée pas en suivant la ligne de moindre résistance, c’est-à-dire qui ne se trouve pas dans l’adéquation au monde, même si dans la concordance temporelle de quelques éléments : besoins d’énergie, volonté d’autonomie, et savoir-faire suffisant - ces petits défauts traités comme détails - l’accident, les déchets- ont miné cet équilibre en force. En soixante ans rien n’a été pensé ni fait à ce sujet ; certes on a construit La Hague parce que ça faisait tache de jeter nuitamment des fûts dans des eaux étrangères et un peu culpabilisant de les déposer dans nos cambrousses comme de vulgaires bidons.
Donc, vingt ans de mise en place euphoriques, trente ans de jouissance sans entraves hors quelques milliers d’antinucléaires patentés qui avaient du mal à mettre de l’ombre au tableau et qu’on eut vite fait d’intégrer, et un lustre d’accélération, de débordements, de panique à l’arrivée des dates butoir d’exploitation. Je l’ai dit, pendant cette jouissance, une baisse notoire du niveau de compétence. Pendant la période d’aise, le sentiment de puissance était telle que les manifestants très remontés alors, très nombreux et activistes ajoutaient en dynamisme. Pendant la période de chute, ça pétarade et cela devient si fort qu’on ne peut plus le cacher.
Si on a pu cacher pendant cinquante puis quarante ans les accidents de Saint-Laurent-des-Eaux, après Tchernobyl le moindre incident à Tricastin, au Blayais ou ailleurs était relevé par les associations, collectifs ou réseaux, la CRIIRAD ou l’ACRO et il suffisait de vouloir savoir pour pouvoir le faire. L’important était que nous ne soyons pas trop nombreux à vouloir le faire et pour ça EDF avait plein de tours dans son sac.
Nous avons appris les débordements mégalomaniaques de Lauvergeon, les scandales financiers et puis ceux sanitaires tenus sous le boisseau, mais tout ceci était assez confidentiel pour ne pas déranger, d’autant que la mode non violente avait inspiré les marches, les manifs et autres actions bisounours ( si on les compare à celles menées du temps de Plogoff).
Nous nagions à contre-courant.
Le nucléaire a ceci de spécifique que l’enthousiasme pour cette technologie fut et restera un enthousiasme élitiste- et trouver des arguments de propagande ( choc pétrolier, prix imbattables,etc) ajoute à l’excitation de cette élite scientifico-politicienne. Mais, les antinucs aussi sont une élite, une trentaine de physiciens, une poignée de philosophes et une infime minorité de citoyens. Puis une masse tenue dans l’ignorance que la poignée d’anti n’a pas les moyens d’éclairer. Les scientifiques anti-nucléaires ont un pouvoir certain d’éveil durant la période de mise en place, que je qualifie d’euphorique et qui se remémore en « le plan Messmer », ce plan qui conduira à la gabegie obligée de consommation électrique que quarante cinq ans plus tard, la masse ignorance prend encore pour un confort inaliénable. Ces scientifiques se penchent sur des scénarios alternatifs ; ce qui conforte mon idée que la science est croyance, sinon pour quelle raison certains scientifiques seraient-ils donc alternatifs ? ( Je sais, c’est l’application de la science, mais c’est elle qui compte, l’abstraction de calculs sur papier n’ayant jamais nui !)
Mais nous savons aujourd’hui qu’avec tant de CO2 dans l’atmosphère les vents tournent plus vite, se font rafales et détruisent tout sur leur passage !
La propagande de dernière minute : « le nucléaire est propre » a du mal à se frayer des avenues dans la conscience populaire, après Fukushima !
Aujourd’hui, le nucléaire est la charnière entre les climato-sceptiques et les marcheurs du climat puisque les deuxièmes ne brament pas leur préférence mais restent dans un flou assez clair quand ils s’attaquent à toutes les alternatives présentes, gaz, charbon, pétrole, éolien et solaire, en en dénonçant leur type de pollution, et les anti nucs qui admettent devoir utiliser ces polluants pour accélérer la transition énergétique et prônent la chasse au gaspillage et l’économie.
Le CO2 fait plus peur que le nucléaire, c’est dire si tout cela tient à la propagande !
Avoir délocalisé notre industrie a un double effet : concourir à la pollution due aux transports, et provoquer le besoin d’énergie nucléaire dans les lieux où désormais les produits qui ne sont plus faits chez nous demandent. Le paradoxe – si on étire à peine le constat- est que nous pouvons nous passer de nucléaire, si on s’en donne la peine, tandis qu’on ne peut pas se passer de la pollution des transports puisque nous sommes dépendants des objets importés. Comme je n’ai pas entendu de manière claire, de la bouche des marcheurs du climat, la volonté de rapatrier nos industries, utiliser et accroître nos savoirs-faire, ou bien se détacher des écrans, des antennes, et revenir non pas à la bougie mais à la houe - puisque le pétrole est ce qui nous tue- je me demande comment on va bien pouvoir faire (qu’est-ce qui se cache derrière les discours ? rien peut-être) pour résoudre cette équation.
En attendant Fukushima a foutu les jetons à pas mal de monde, - c’est que les Japonais avaient une réputation de sérieux et d’excellence sans égale- et beaucoup de pays sortent du nucléaire ( je voudrais rappeler ici que les gaz de schistes américains, qui sont une véritable honte et un vrai drame, n’existent que pour satisfaire le désir d’autonomie américaine, très momentanée du reste, et nous renseigne s’il était besoin sur la folie sans limite dont l’homme est capable pour satisfaire son obsessionnel pouvoir).
Le vent qui souffle ne va pas dans le sens du nucléaire.
Les énergies renouvelables, le solaire, malgré tous les efforts d’EDF pour en empêcher l’essor(1) font des progrès très encourageants(2).
Hélas, ni le sens des responsabilités ni le sens du ridicule ni celui du sacrifice n’habite nos concitoyens, ni une soudaine conscience éclairée qui mettrait la sourdine « caprices » sur leurs prétendus besoins de chaud l’hiver et frais l’été, sur le nombre d’esclaves électriques et sur leurs nuits éclairées qui promettent des jours sombres. Ce qui nous sauvera du nucléaire, ce n’est pas la conscience de l’homme moderne mais le fric, les débordantes dettes, les abyssales dépenses qui, enfin, poussent notre Ministre de l’Économie à demander un audit du nucléaire avant que notre président n’annonce la renationalisation du nucléaire pour le plaisir de tous les impensants de ce pays. Qui a poussé il y a peu le nouveau directeur de l’ASN, contrairement à son prédécesseur contraint par Bruxelles, à exiger la mise aux normes des soudures ; il n’a pas parlé de l’acier : on peut peut-être empêcher le gouffre sans fond des dépenses en l’occultant mais pas le danger inadmissible. Sont-ce eux ? :
Des petits gilets jaunes ont les nerfs et l’expriment en riant ! Les Gilets Jaunes qui font tant peur à notre Président !! ou eux :
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Une poignée de pionniers qui n'a pas peur d'attaquer ?
Aussi, voyant que l’ASN fait son boulot sans craindre la ruine d’EDF, EDF qui, la mort dans l’âme, inscrit l’arrêt de l’EPR comme scénario possible, Macron qui s’agite à vouloir renationaliser le nucléaire dans EDF… on se dit qu’on tient le bon bout !
Regardons l’hésitation de Philippe à quitter son poste pour se présenter à la mairie de Paris ; pour fuir Macron, ça chauffe, ou bien fuir l’audit de Le Maire qui révélerait peut-être sa grande promiscuité avec Lauvergeon ? S’ils cherchent des coupables à la ruine d’EDF, ils seront contraints de tenir ces deux-là ; imaginerons-nous des tribunaux d’exception qui donneraient à Branco le rôle de procureur, comme il le rêve ? Collomb a bien fui le navire juste avant les Gilets jaunes, pour ne pas tremper dans le crime !
On sait tous que tout a une fin, on sait tous que l’hubris mène à la ruine mais peu le reniflent en avant coureurs et accompagnent le mouvement.
Les idiots utiles qui dans le nucléaire, comme dans n’importe quel autre combat vital, de dignité ou de décence, ont prouvé leur inefficience en suivant cahin-caha les évènements, prenant pour éternelles les données et mettant leurs forces à servir de modérateurs, de moins en moins efficaces au fur et à mesure que l’hubris gagnait les dirigeants.
On va juste espérer que le vent tourne dans le bon sens et que nous soyons prêts à faire face aux perturbations qui s’ensuivront.
1) https://melenchon.fr/2015/09/10/nexcis-une-lutte-dinteret-general/
2) https://www.youtube.com/results?search_query=sunpartner
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