Éric Zemmour sera-t-il candidat ?
En « mettant des mots » sur les maux de notre société, Éric Zemmour a réussi à « mettre la question de la France que nous voulons au cœur de l’élection présidentielle » pour reprendre le propos d’Alain Finkielkraut, « bien que la France [de Zemmour] ne soit pas la [sienne] », comme il l’a précisé sur Europe 1.
Force est de constater que, sans concession et souvent avec des excès très critiquables, Éric Zemmour a presque achevé son travail de déconstruction, de mise en évidence de la pathétique médiocrité de la plupart des acteurs politiques et médiatiques de notre pays, tout en rendant paradoxalement plus incertaine la réélection d’Emmanuel Macron.
Pour autant, Éric Zemmour sera-t-il candidat ?
Le sondage publié par Le Monde daté du 13 octobre 2021 a mis en évidence très clairement que les français, s’ils se sont très largement droitisés, ne demandent pas une rupture de société. Comme au surplus une très large majorité d’entre eux considère qu’il est trop clivant, Éric Zemmour aura beaucoup de mal à atteindre les 500 parrainages nécessaires à sa candidature, situation aggravée par la scélérate obligation pour les parrains de rendre public leur choix.
Nous imaginons également très improbable qu’Éric Zemmour implore les formations concurrentes de lui apporter des parrainages. En effet, une situation où il n’atteindrait pas les 500 parrainages, aurait pour effet, si elle se produisait, de le victimiser et de le rendre encore plus populaire, tout en lui permettant de justifier un éventuel renoncement.
Or, à chaque fois qu’il est interrogé sur la réalité de sa candidature, Éric Zemmour biaise, sans jamais donner de réponse claire. Pressé récemment par les journalistes de BFM de se prononcer lors d’un débat avec Alain Duhamel, Éric Zemmour a invoqué dans un premier temps sa liberté de choix : « Je choisis le moment pour le décider et pour l’annoncer. C’est moi qui choisis. ». Dans un deuxième temps, lors de ce même débat, il a affirmé qu’aujourd’hui il préférait consacrer ses journées à rencontrer dans des séances de dédicace des français qui lui disent : « Tenez bon. Ne lâchez rien. Allez jusqu’au bout et sauvez-nous ». On se demande évidemment en quoi de tels propos répondent à la question posée.
Certes, Éric Zemmour n’est pas le premier candidat potentiel à entretenir le doute sur la réalité de sa candidature. François Mitterrand l’a fait en 1988, tout comme Jacques Chirac en 2002. La différence est que, présidents sortants, ils avaient intérêt à conserver leur stature présidentielle le plus longtemps possible, pour limiter la période de débats publics et tirer le plus grand profit des avantages liés à leur fonction. Dans le cas d’Éric Zemmour, il est difficile de concevoir l’intérêt qu’a ce dernier à différer l’annonce de sa candidature.
Un autre signe va dans le même sens. Ce sont en effet ses déclarations à l’égard de Marine Le Pen. En déclarant qu’elle n’avait « aucune chance de gagner » et que « voter pour elle, cela ne servait à rien », Éric Zemmour a clairement rendu impossible toute alliance avec le Rassemblement National (au moins aussi longtemps que Marine Le Pen sera candidate). Une telle stratégie de confrontation frontale avec son principal allié potentiel est pour le moins illogique et suggère que, depuis le début, Éric Zemmour n’a jamais imaginé qu’il irait jusqu’au bout.
Enfin, nul ne peut contester à Éric Zemmour ses connaissances historiques et qu’il sait mieux que quiconque qu’agir selon sa pensée est ce qu’il y a au monde de plus difficile, surtout pour gouverner un peuple.
De fait, volontairement ou involontairement, Éric Zemmour semble tout faire pour rendre la réélection d’Emmanuel Macron encore plus hasardeuse. En vertu du principe bien connu de Poincaré, suivant lequel, lorsque deux forces s’opposent, cela profite à une troisième, la confrontation actuelle entre Marine Le Pen et Éric Zemmour pourrait favoriser un « retrait ordonné » des candidatures de Marine Le Pen et d’Éric Zemmour et conduire à un rassemblement plus large des forces de droite autour d’un nouveau « champignon » politique !
Ce « champignon » pourrait, si cette situation advenait, devenir le plus grand dénominateur commun des droites et se poser, dès lors, comme un opposant sérieux à la réélection d’Emmanuel Macron.
Patrice Gassenbach
François Brunet
Avocats à la Cour
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