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Accueil du site > Tribune Libre > Escapade parisienne

Escapade parisienne

Lorsque l’avion d’Aigle Azur atterrit avec douceur sur le tarmac de l’aéroport d’Orly Sud, mon cœur s’est mis à battre la chamade. Le trac s’est subitement emparé de moi comme si on m’emmenait à la guillotine. J’avais la gorge sèche, le visage certainement pâle et je sentais mes genoux fléchir à tel point qu’il m’était presque impossible, du moins difficile, d’avancer dans l’étroit couloir de l’appareil... euh... Boeing ou Airbus, je m’en souviens plus. D’autant plus que je m’étais encombré d’un sac assez lourd (et qui aurait dû voyager dans la soute à bagages) et de mon manteau Rialto dont un pan entier traînait par terre. Mais sur la moquette ! La raison de tout cela, me direz-vous ? Eh bien, malgré mon visa en bonne et due forme, j’avais peur de « tomber » sur un « Pafiste » qui, pour des raisons que seule la xénophobie et le racisme pourraient expliquer, appose la fameuse lettre « R » sur mon passeport : refoulé !

Plus j’avançais dans la queue et plus le trac augmentait et la sueur perlait sur mon visage. J’ai même pensé changer de file car, à côté, ça avançait mieux. En tout cas c’est ce qu’il me semblait. Dans ce genre de situation, il est normal, me semble-t-il, d’avoir la hantise d’avoir fait le mauvais choix ; la crainte d’avoir choisi la mauvaise file. La "Pafiste", une jeune fille au teint presque basané et aux cheveux noirs coupés à "la garçonne", une Corse ou une Marseillaise sans doute, paraissait, de loin du moins, ne pas importuner trop les voyageurs par des questions indiscrètes type "que venez-vous faire à Paris, Monsieur ou Madame", par exemple. Alors que, de mon côté, le préposé au guichet prenait tout son temps à vérifier et à "revérifier" les passeports et à tenir, parfois même, un brin de causette avec son vis-à-vis. Histoire peut-être de pousser "l’autre" à commettre la faute qui justifie tout simplement et tout bêtement son renvoi d’où il vient. Enfin, c’est ce que, inconsciemment peut-être aussi, je ruminais dans mon for intérieur pendant que j’attendais mon tour de "passer à table". Oui, pour les Algériens que nous sommes, mal vus partout, à cause de la décennie noire qu’on traîne comme un boulet, c’est une torture psychologique que de passer une frontière européenne. Même avec un visa en bonne et due forme. Même avec un visage rasé de près (qui inspire donc confiance) et au-dessus de tout soupçon. La file d’attente qui s’allongeait de plus en plus ne semblait guère déranger outre mesure le "Pafiste". Mais, le moins que l’on puisse dire c’est qu’il faisait correctement son boulot. Même s’il s’attardait un petit peu, plus que sa collègue d’à côté, à jauger le profil psychologique de "l’autre" et à deviner peut-être, spéculation de ma part, à travers les visages tendus par le trac et sur lesquels tout sourire a disparu momentanément quels sont ceux qui sont susceptibles de venir renforcer les rangs des "sans papiers". Mais, pour cela, "soyez sûr que vous ne pouvez pas compter sur moi", murmurais-je. Comme un élève très sérieux et méticuleux dans ses réponses, je commençais à peaufiner mon discours. Au cas ou. Sait-on jamais. "Je ne suis venu à Paris que pour changer d’air et m’imprégner un tant soit peu de la culture occidentale. Visiter la tour Eiffel, m’attabler au moins une fois, avec des amis, chez "Le roi des coquillages" à Clichy et faire du shoping au "Quatre vents" à l’occasion des soldes". Voilà ce que je devais lui donner comme justification de ma présence à Orly Sud. Une réponse précise et concise. Qui ne souffre d’aucune ambiguïté. D’aucune équivoque. C’est mon tour. J’approche d’un pas hésitant vers le "Pafiste". Je lui présente mon passeport et j’essaie de retenir ma respiration un peu haletante. Il ne remarque pas mon manège. Tant mieux, me suis-je dis.

Toutes mes appréhensions de départ se sont dissipées, volatilisées, fondues comme neige au soleil qui manquait pourtant ce jour-là à Paris, lorsque le "Pafiste", un jeune homme à l’allure impeccable, me tend le passeport après avoir apposé dessus le cachet humide de l’aéroport et me dit d’un air sympa "Bon séjour à Paris, Monsieur". A ce moment-là, j’ai retrouvé le sourire. Mes jambes ont repris de l’assurance et je me dirigeai vite vers le tapis roulant récupérer ma valise. Une femme qui poussait péniblement son"Caddie" a failli me casser le tibia. Très gênée de sa conduite imprudente, mais pas en état d’ivresse tout de même, elle s’excusa. Sans rancune aucune, j’ai accepté ses excuses et je me suis précipité à mon tour vers un Caddie, qui traînait dans les parages, y déposer mes bagages.

Et Paris m’accueillit à bras ouverts !

Il ne me restait alors qu’à prendre le bus puis le métro pour arriver, fatigué, mais content d’être là, à "l’hôtel X" situé à quelques encablures du "château de Vincennes" où une amie m’avait déjà réservé une chambre. La chambre était petite, à peine cinq à six mètres carrés, mais dotée de toutes les commodités qu’espère un touriste pas du tout exigeant tel votre serviteur. Je devais y passer trois nuits, mais, me sentant un peu à l’écart de la grande effervescence qui régnait à Châtelet et de la vie nocturne de Saint-Michel et de Pigalle, au deuxième jour j’ai réglé ma facture et mis les voiles. D’autant plus que le vent m’était favorable : il y avait des chambres libres dans l’hôtel où je descends habituellement lorsque je suis à Paris. L’hôtel a changé de propriétaire et de personnel, mais les chambres sont toujours impeccablement tenues et le petit déjeuner toujours servi au sous-sol, là où, il y a deux ou trois ans, la jeune fille oranaise, rappelez-vous (voir article précédent), m’avait fait part de son grand désarroi : elle se sentait comme un poisson rouge dans un bocal.


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15 réactions à cet article    


  • jakback jakback 28 janvier 2008 11:56

    la paranoïa vous va si bien, votre a priori sur les " pafistes " Français est une insulte, pour voyager beaucoup, j’aimerai que tous les " pafistes " du monde soit aussi courtois et ce même a l’intérieur de l’espace Europeen.

    Si la France vous éffraie ,visité l’italie, l’espagne, ou l’algèrie ou vous voyagerez en toute quiétude.


    • isabelle c 28 janvier 2008 12:20

      Je me demande si au fond cet article n’est pas un peu raciste et que les idées reçues que vous ne manquez pas d’avoir occultent tout sens raisonnable. Si nous devions comparer les méthodes algériennes aux méthodes françaises (qui certes parfois ne sont pas les meilleures mais au moins elles ne sont pas pires que d’autres), je me demande lesquelles seraient condamnables par la cour des droits de l’homme. Vous venez en touristes, et vous pensez peut etre qu’on va vous renvoyer chez vous comme ça sans raison ??? Faut pas abuser tout de meme !

       


      • isabelle c 28 janvier 2008 16:02

        oui nous avons un président et un ministre qui ont décidés de renvoyer des gens dans leurs pays car ils se trouvent en situation irrégulière. Oui c’est dur pour eux. D’un coté on a la libre immigration, de l’autre un frein avec retour dans le pays. Mais la, il s’agit de quelqu’un qui parle de sa venue en france avec un visa touriste et qui a peur... de quoi ??? Dans son intro il écrit :

        "Eh bien, malgré mon visa en bonne et due forme, j’avais peur de "tomber" sur un "Pafiste" qui, pour des raisons que seule la xénophobie et le racisme pourraient expliquer, appose la fameuse lettre "R" sur mon passeport : refoulé !"
         

        Que veut il montrer ? que cette fois ci il a eu la chance de pouvoir voyager ? Pourquoi ne parle t il pas des difficultés d’entrer en algerie ? La seconde generation d’harki qui vivent en France ou les pieds noirs juifs ont un mal fou a retourner en algerie ne serait ce que pour voir les lieux de leur enfance.

        Que veut montrer l’auteur ? d’entrée de jeu il parle de racisme. Si tu es refoulé tu es raciste. c’est marqué noir sur blanc.


      • GHEDIA Aziz Sidi KhaledI 28 janvier 2008 13:14

        Loin de moi l’idée d’insulter qui que ce soit, mais j’ai voulu seulement montrer aux lecteurs d’Agora vox combien le voyageur algérien se sent mal dans sa peau lorsqu’il est en face d’un pafiste d’un pays européen. Par ailleurs, je tiens à rassurer Isabelle, la question du racisme ne m’a jamais effleuré l’esprit pendant que je rédigeais cet article.


        • isabelle c 28 janvier 2008 16:04

          pardonnez moi mais si l’idee du racisme vous a effleuré vous l’indiquez dès l’intro.


        • isabelle c 28 janvier 2008 16:25

          a l’auteur.

          J’aimerais savoir de quoi vous avez peur. La il me semble que c’est interessant. Pourquoi vous avez peur et qu’est ce qui se dit dans les pays moyen orientaux pour avoir peur comme ca ?

          Paris est sans doute la ville la moins raciste. Tout le monde cohabite, échange, mange ensemble. Fait la fête et je sais de quoi je parle. J’ai des amis tunisiens et algériens et marocains aussi. Je laisse régulierement tomber la baguette pour un kes’ra et je peux prendre un kilo a manger les patisseries orientales. En revanche, pour un français qui a été en Israel en touriste, aller au liban ou en Jordanie c’est compliqué, voire impossible.

          Quant à mes amis je n’ai jamais entendu de leur bouche qu’ils avaient peur de passer a la douane et de se faire refouler. Jamais.

          La prochaine fois que vous venez chez nous, n’ayez pas peur. A moins bien sur que vous transportiez un kilo de canabis (ce dont je doute !).

          Cordialement


        • maxim maxim 28 janvier 2008 15:29

          le sac lourd qui vous encombrait,c’etait pas un sac de riz de qu’aurait perdu Krouchner des fois ????


          • Véronique Anger-de Friberg Véronique Anger-de Friberg 28 janvier 2008 16:58

            Si cela peut vous rassurer, la douane canadienne est au moins aussi impressionnante. Je fais le voyage Québec ou Montréal/Paris aller-retour tous les 2 mois et je puis vous dire que la douane est assez pénible côté Canada, surtout lorsqu’on y est un résident permanent (en revanche, je ne vois jamais l’ombre d’une oreille de douanier lorsque je descends à Roissy, mais je viens d’Amérique du nord et c’est sans doute l’explication). Au retour, sur le sol canadien, c’est la suspicion à chaque voyage. "Vous étiez en France pour quoi ?" ; "Vous allez souvent en France..." ; "Vous avez acheté votre PC au Canada ou en France ?" . Et de vous demander de présenter votre facture d’achat pour s’assurer que vous avez bien acquitté les taxes au Canada si l’appareil vient de France... Vous pouvez vous voir poser les mêmes questions et contrôler vos bagages systématiquement à chaque fois, même si à chacun de vos passages tout est parfaitement en règle. A la douane, vous vous sentez un "maudit Français"... et êtes à deux doigts d’accuser les douaniers de discrimination. Pour moi, qui voyage régulièrement pour mon travail entre les 2 pays, c’est vraiment pénible (d’autant qu’une femme ou un homme voyageant seul à intervalle régulier est doublement suspect). La courtoisie et le sens de l’accueil très répandus chez les Canadiens ne l’est plus du tout chez les douaniers ! Suspicieux par nature, ils n’ont qu’une angoisse : non pas qu’un terroriste s’introduise sur leur territoire, mais que vous puissiez rapporter des biens sur lesquels vous n’auriez pas payé de taxes ! (En tant qu’éditeur, j’ai dû négocier ferme à plusieurs reprises pour ne pas avoir à payer d’amende pour avoir rapporté une 10aines de livres de ma propre production que je souhaitais conserver chez moi !). On finit par s’habituer, d’autant que certains douaniers vous reconnaissent à force d’ouvrir vos valises... Aux Etats-Unis, les douaniers sont encore plus suspicieux, mais pour d’autres raisons cette fois. Vous voyez que la France n’est pas un cas isolé finalement...


            • Mathieu L. 28 janvier 2008 20:45

              rien à voir mais quel besoin saugrenu de montrer à tout le monde sa religion sur son avatar d’agoravox ??? en plus avec une colombe comme si votre religion symbolisait la paix !

              c’est d’une grande inutilité.


            • GHEDIA Aziz Sidi KhaledI 28 janvier 2008 20:55

              A Isabelle

              En fait, je n’avais pas vraiment peur. Je n’avais rien à me reprocher. C’était juste une appréhension, non fondée d’ailleurs, que les voyageurs ressentent parfois à leur arrivée dans un pays étranger, par exemple. Etes-vous satisfaite de ma réponse ? 


              • Mathieu L. 28 janvier 2008 20:59

                De toute façon vous le ressentez comme ça, nous ne pouvons qu’essayer de comprendre et non de juger.


              • faxtronic faxtronic 28 janvier 2008 23:32

                oui, moi c’est pareil quand je vais au Japon, et encore chez Bush ( d’ailleurs j’y vais plus, ce sont des cinglés). En fait j’ai peur de tout ceux qui portent un uniforme, car l’unforme ne premunie pas contre la betise mais donne un pouvoir exhorbitant.

                Par contre des le debut vous dites que les francais sont racistes... non en fait vous avez simplement peur de la betise a casquette, genre douanier. Mais ils font leur boulot en fait. Ce que l’on ressent c’est la peur, mais il y a tres tres rarement des trucs tordus. Sauf en Algerie (selon ma belle-soeur algerienne), ou la c’est du n’importe quoi...


              • isabelle c 29 janvier 2008 20:29

                à l’auteur

                Oui votre réponse me satisfait. Et loin de moi l’idée même de vous attaquer. Le seul point qui me gène et c’est drôle parce qu’on en parlait justement avec des amis ce week end, c’est cette peur ou cette angoisse de l’autre qui prend de l’ampleur ces dernières années. En fait depuis les Tours.
                Mon voisin est algérien et son grand père a vécu 40 ans à Paris et ne peut pas se passer de revenir en France au moins 6 mois par an. Je le connais depuis longtemps il travaillait dans le garage en bas de chez moi. Sa vie est partagée en deux... entre les deux mon coeur balance comme on dit. Je n’ai jamais entendu de sa bouche qu’il avait eu des frayeurs à la douane. Et pareil pour mes autres amis. La mère d’une de mes meilleures amies vient régulièrement de Tunisie pour aller à l’hopital. Elle n’a jamais eu le moindre problème ni la moindre angoisse. La seule angoisse qu’elle a c’est que sa fille n’est pas mariée a un musulman et qu’en plus elle a eu un enfant hors mariage... avec un germano canadien en plus ! D’ailleurs le comique de l’histoire c’est qu’aucun de ses parents n’est vraiment musulmans. Ils ne pratiquent ni l’un ni l’autre. Comme quoi ! mieux vaut en rire.

                J’ai la sensation que les infos, ce que l’on nous rabache, font que les peuples commencent à se méfier les uns des autres. Et je trouve cela insupportable.
                J’ai bientot 38 ans. Et depuis les tours je n’ai jamais entendu autant parlé de religion, je n’ai jamais vu autant d’étendard dressé. A quoi est-ce dû ?
                Il n’y a qu’a voir les gouvernants occidentaux. Tous pratiquement se réclament de la chrétienté, et les pays arabes de l’islam. Entre Sarkozy qui parle de Dieu, Blair qui se converti et Merkel qui a a pour principes les trois K... houlala....
                J’ai la sensation que d’un coté comme de l’autre on tente au maximum de nous dresser les uns contre les autres. Qu’on tente de nous dissuader de s’apprécier, en nous faisant peur et dans les deux sens.
                Et quand j’ai lu votre article, j’ai bondi. Mais vraiment.
                C’est aussi pour cela que je vous aie demandé, ce qui se racontait en algérie... Je voudrais savoir le pourquoi de cette angoisse de la douane française voire européenne. 
                Parce que le tourisme est permis en France. Bon effectivement il y a des mesures en ce moment assez hard contre les clandestins. Mais le tourisme est totalement permis. 
                Dommage que nous ne puissions echanger autrement que par commentaires interposés. 
                Cela dit vous avez bien vu que vous êtes entré sur le territoire français et ce sans problème.
                Et vous savez quand je vais au maroc c’est pas facile non plus. Une de mes amies qui est journaliste a eu le malheur de noter sa profession sur la petite fiche d’entrée. Elle a été suivie par la police avec enquête pendant tout son séjour. Le pire c’est qu’elle est journaliste certes, mais dans la musique. Heureusement que le ridicule ne tue pas !
                Cordialement. 


              • ben ben 29 janvier 2008 08:20

                En tant que ressortissant francais me rendant de temps en temps en Algérie, je peux vous dire que certains passages à la douane algérienne m’ont vraiment permis de rencontrer des "pafistes" rascistes qui m’ont laissés des souvenirs bien amers...

                 


                • del Toro Kabyle d’Espagne 29 janvier 2008 11:08

                  @ Ben

                  Tout à fait d’accord mais sachez que presque tous les Maghrébins redoutent les douanes des pays d’Afrique du Nord : en plus d’être corrompus et ineptes, ils sont - pour certains - aux limites de l’agression.

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