Et après ? (4e et dernière partie)
Suite et fin de la série-fiction sur les issues envisageables du quinquennat Macron
Avant de conclure, éloignons nous encore un peu plus des rivages du probable et du plausible.
Hypothèse n° 4 : La Résurrection de la Droite contre l’Union de la Droite la plus bête du monde ?
Il faut avoir la foi du charbonnier pour y croire, et on voit mal en vérité pour quelle(s) raison(s) la résurrection surviendrait.
Durement secouée par l’élimination de Fillon, épuisée par une course de 2 ans contre le FN, marginalisée à 8 % des voix aux Européennes, la droite « classique » semble au fond du trou.
Rien n’est pourtant inévitable, et on pourrait très bien imaginer en France, comme dans d’autres pays, un parti conservateur qui sortirait de sa zone de confort idéologique pour (re)gagner un véritable ancrage populaire… quitte à prendre des risques et peut-être perdre des plumes, le résultat n’étant jamais joué à l’avance.
On ne présente plus Trump et sa remise en cause (contre son propre camp) de la mondialisation libérale, les conservateurs britanniques qui ont pris en charge la demande de Brexit (même si c’est avec plus ou moins de succès), le parti populaire espagnol qui s’est fermement dressé contre l’indépendantisme catalan, ou les « illibéraux » d’Europe de l’Est, qui portent l’insatisfaction de pays bénéficiaires de l’Union européenne...mais pas autant qu’ils le voudraient.
Mais est-ce encore possible d’infléchir sa trajectoire lorsqu’on s’est avec autant de constance enfoncé dans une voie sans issue ? Même avec le désastre sous les yeux, la force d’inertie reste puissante, alimentée par des milliers d’intellectuels, de journalistes, de causeurs anonymes qui s’imaginent majoritaires… à force de ne parler qu’entre eux. L’effet est d’autant multiplié qu’il vaut pour les politiciens, mais aussi pour ceux qui les écoutent, plutôt ceux qui ne les écoutent plus depuis longtemps et qui ne changeront pas leurs habitudes de sitôt.
Au reste, à quand remonte exactement cette impression d’insincérité qui émane de la droite classique et fait la fortune électorale du Front National ?
À la « fracture sociale » de 1994/1995, évacuée dès l’élection contre Balladur acquise, et définitivement remisée à peine 6 mois plus tard pour faire...du Balladur ?
À « l’insécurité galopante » de 2001/2002, instantanément transformée en antifascisme de pacotille dès lors que le second tour se faisait contre Le Pen ?
À moins que ce ne soit le trop-plein de promesses de 2007, qui a soutenu une élection triomphale, comme une ultime chance avant le déclin terminal ?
Le « sarkosysme » reste à ce jour la dernière fois que la droite a pu constituer une coalition hétéroclite, liée par l’intelligence politique d’une tête d’affiche qui avait bien compris la nécessité de réunir « son camp » (libéraux-européistes, personnes âgées, identitaires…), pour mieux le dépasser et l’élargir en allant « chercher chaque voix avec les dents ». Beaucoup d’hypocrisies et d’incohérences, certes, mais la formule a payé et dénotait un effort certain pour dépasser un « entre-soi » fatal.
C’était il y a plus de 10 ans. Depuis, plus rien.
C’est ainsi que le débat reste imperturbablement polarisé sur l’Union des Droites les plus bêtes du monde et son programme libéral en économie - identitaire bavard censé être la recette miracle...
L’idée n’est pas en soi insensée, et on pourrait imaginer des gouvernements bravaches se succédant pendant des années, sans que leur programme « dur » embraye clairement sur le réel.
Mais force est de constater qu’ici ça ne fonctionne pas vraiment.
Voir l’échec de Fillon.
L’échec à postériori de la stratégie de séduction des électeurs de Fillon par Le Pen… quand, 2 ans plus tard, ils sont passés en nombre chez Macron.
Ou l’échec de Wauquiez-Bellamy.
Dernière tempête dans le miroir des vaniteux, le feuilleton « Eric Zemmour candidat ? », quand bien même ce n’est pas vraiment dans ses intentions (c’est plus confortable d’être « influenceur » que responsable) et quand bien même, dans un éclair de lucidité, il a lui-même estimé que « l’union des droites » ne pourra pas suffire pour être majoritaire.
Tu m’étonnes : avec un FN qui reste stable, et des conservateurs réduits, l’argument arithmétique, plus ou moins pertinent en 2017 (21,5 + 20 + 4,5 = presque 50), est devenu, à ce jour, de moins en moins tenable (8,5 + 23 + 3,5)1.
Difficile de changer une équipe qui perd.
Conclusion :
Évidemment, on aurait pu développer bien d’autres hypothèses.
Ainsi, celles présentées dans le n°1159 de Marianne, qui a inspiré cette série, mais que je n’ai pas reprises ici :
« L’alliance verte » écologiste, considérée par l’hebdomadaire comme « très probable » ?
C’est oublier que chaque européenne voit un bon, voire très bon, score des écologistes en général (comme toutes les listes farfelues d’ailleurs2), pas forcément confirmé ensuite.
La suite des 14 % obtenus par la liste Cohn Bendit en 2009 ?
Le remplacement de « Les Verts » par « Europe Écologie Les Verts », l’éviction de Nicolas Hulot, et une candidature Eva Joly à 2 % en 2012.
Incontestablement le résultat d’un manque d’appétence assumé pour les voies de la politique « classique », pour des mouvements avant tout préoccupés par l’avenir de la Planète…
« Les républicains des deux rives » dans les pas de Chevènement et Seguin ? « L’Union Sacrée » contre Macron et Le Pen ?
Quoi qu’on pense de leur intérêt au fond, il s’agit d’hypothèses extrêmement peu probables, et que rien ne vient soutenir.
François Asselineau, qui passerait de 1 % à 70 % dès le premier tour ? Arrêtons nous là.
De l’eau peut encore couler sous les ponts, et des événements majeurs, capables de rebattre les cartes, peuvent se produire à tous les niveaux, mondial comme individuel :
Avant mai 2011, qui aurait pu imaginer Strauss Kahn pris la main dans la culotte du zouave à New-York, alors qu’il préparait son retour triomphal ?
Ou Macron président, un an et un enchaînement de circonstances favorables plus tard, lorsqu’il est sorti du bois en avril 2016 ?
Mais il est par définition impossible de prévoir et d’anticiper les conséquences de l’événement impromptu, de la grande crise qui renversera tout sur son passage ou du coup de chance décisif qui transformera un destin.
Alors quelle est l’utilité de cet exercice de style ?
D’abord constater que, hors une réédition de l’affrontement Le Pen Macron, qui promet d’être peu reluisante, les hypothèses à ce jour les plus probables, demeurent plutôt déplaisantes.
Et en conséquence faire en sorte, contrairement à d’habitude, que la prophétie…. n’advienne pas, ou soit fortement corrigée !
Malheureusement, il reste 3 ans pour sortir du piège Macron Le Pen, mais on n’a pas l’air prêt d’en sortir.
1 Addition des scores des trois principaux partis / hommes politiques qui essaient de capter, à leur profit exclusif, les voix de la droite la plus bête du monde : présidentielles 2017, additions des scores Le Pen Fillon Dupont-Aignan ; européennes 2019, addition des scores Les Républicains, Rassemblement national, Debout la France.
2 Les 3 % du parti animaliste en 2019 rappelle à ce titre la boutade attribuée à Caligula qui, pour ridiculiser le vieux Sénat romain, voulait « nommer son cheval Sénateur ».
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