• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Et l’Oeil était dans la tombe orléanaise et nous prenait pour des (...)

Et l’Oeil était dans la tombe orléanaise et nous prenait pour des Caïn


J’ai toujours aimé cette phrase tirée de la Légende des Siècles de Victor Hugo :

- " L’oeil était dans la tombe et regardait Caïn ".
La culpabilité qui vous suit jusqu’aux tréfonds de votre âme, la moindre parcelle de votre être.

Curieux comme cette phrase m’est revenue ainsi .
A la suite d’un mail en provenance d’un ami qui a quitté Orléans.
Mais pas seulement.

La rentrée, réserve souvent toutes sortes de surprise.
Bien entendu, la plupart du temps, ce sont celles qui se situent autour de la rentrée scolaire des enfants. Mais pas seulement.
Mon dernier fils, 21 ans bientôt m’en a réservée une.
Comme seuls savent le faire vos enfants.

Petit retour en arrière.
Mardi 01 septembre, retour des universités d’été du PCF.
Et oui, nous aussi nous en avons eu.
Avec des débats très intéressants et passionnants autour de la crise bien entendu, des prochaines élections régionales et du Front de Gauche, mais pas seulement.

– Pourquoi les religions ont-elles peur des femmes ?
– Comment peut-on hétérosexuel ?
– Le Crédit Bancaire expliqué aux nuls,
– le Capital et nos cerveaux, la guerre des savoirs aura bien lieu,
– Blocages politiques et dynamiques sociales en Iran...
Bref, plus de 30 ateliers ...

Je suis donc un peu songeuse et fatiguée, assise sur le canapé à côté de mon fils, en ce mardi matin.

– " Maman..."
–" Hum...oui ?"
– " C’est juste pour te dire que je pars vivre à Paris samedi avec G..."
Silence.
– " Ah bon ? Mais tu ne pouvais pas m’en parler avant ?"
– " Ben, t’étais pas là ce week-end, alors voilà je te le dis maintenant..."

Je ris intérieurement. C’est bien mon fils !
Toujours à dire tout au dernier moment, à lancer cela comme une balle, une salve.
Tu prends ou tu prends pas, tant pis pour toi.

– " Ah oui, et puis je voulais te demander aussi si samedi tu ne pouvais nous y emmener pour nous aider à emménager. Tu crois qu’Atmane nous prêtera sa voiture ? " rajouta-t-il innocemment, sachant à l’avance la réponse.

Mon fils s’en va !
Cela me fait tout drôle, je suis à la fois heureuse et inquiète.
Heureuse parce çà y est, il prend son envol.
Il ne vivra plus sous mon toit et je sais que cela commençait sérieusement à lui peser, lui qui voulait tant s’assumer seul et qui ne le pouvait pas, ne trouvant aucun emploi.

Voilà, il se lance, il s’en va.
Et à Paris ! J’en souris encore intérieurement tout en me posant cette question :
– " Ai-je bien fait mon "boulot" de mère ? Sera-t-il un compagnon correct pour G... ? S’épanouira-t-il ? "
Bref, qu’ai-je raté, va-t-il y arriver ?
Et puis d’un seul coup, la confiance qui s’impose, il s’est lancé et l’essentiel est là.

Au même âge, un peu plus jeune à vrai dire, je quittais Paris et sa région parisienne.
Lui fait le chemin inverse et j’en suis heureuse pour lui.
Orléans n’est pas le nombril du monde.
A vrai dire c’est une ville quasi déjà morte, surtout pour les jeunes gens.

Et ce n’est pas ce que j’ai vu en conduisant mon fils et son amie jusqu’à leur appartement qui me fera changer d’avis.
Bien au contraire.

Un petit studio dans le 17ème, dans un quartier animé avec plein de jeunes couples avec enfants.
Beaucoup d’enfants de tous âges, du nourrisson dans sa poussette au petit enfant empoignant sa trottinette, au plus grand sur son vélo en passant par ceux qui jouent au ballon au milieu de la rue ou bien slalomant entre les adultes juchés sur leurs rollers.

Et ça piaille, ça rit, ça joue comme des fous.
Et ça pleure aussi, affalé sur l’asphalte, résultat d’une chute lourde et inopinée .
Et ça crie, ça s’interpelle, ça chante.
Et ça vit !

Et je suis époustouflée.
Les adultes sont souriants, prévenants, tolérants, les regardent avec beaucoup de bienveillance.
Ils font partie de leur société, ils ne sont pas de trop.

Et je songe à Orléans.

A ce qu’à n’en pas douter, il se serait passé en pareil cas, pour l’avoir vu et vécu.
Les voisins hurlant qu’ils n’ont pas à jouer là, qu’ils font du bruit, qu’il est interdit de taper dans un ballon dans la résidence, de faire du skate ou du roller dans la pente, de crier à cet endroit, qu’ils aillent plus loin.

Et j’en frémis encore de dégoût et de colère.
Appellez donc la Police Municipale si vous voyez quelque chose qui vous dérange.
C’est ce que ne cesse de leur instiller les bailleurs sociaux (?) ou non.
Politique Sécuritaire et Laboratoire Orléanais en activité.

Et ce sont les jeunes, les enfants à partir d’un dizaine d’années qui en font l’objet.
Pas seulement d’ailleurs.
Mais si vous êtes jeunes, basanés et frisés et bien vous faites l’objet de toute l’attention de nos forces de sécurité (?).

Mon ami Najib peut en témoigner.
Moins de 30 ans, rejoignant son ami vers le centre de conférence, il a voulu faire à pied la distance qui le séparait de la Place d’Arc à leur lieu de rendez-vous, soit deux stations de bus.
Il faisait beau et attendre le bus en plein été équivaut finalement à perdre du temps et à être entassés entre usagers.
Alors marche à pied et...
Deux contrôles policiers en moins d’un kilomètre de distance.
Comme cela sans raison, fouilles à l’appui. 

Alors quelle banalité de dire que dans ma résidence lorsque les enfants, les ados jouent au ballon, on les prend en photo en les menaçant de remettre les clichés à la Police, que l’on appelle finalement.
Police Municipale en renfort.
Qui arrive, bien entendu.
Je n’habite pas l’Argonne, mon quartier est calme aux dires même de ces agents, tellement calme même qu’il ne mérite pas la visite d’agents de médiation c’est dire.

Et tout fait foin.
19H un soir d’hiver, et la BAC arrive en trombe.
Casse, agression ?
Pas du tout. Des jeunes sont en bas de l’immeuble et discutent.
Ce sont tous des garçons, des ados avec une voix d’outre-tombe comme seuls peuvent avoir des ados mâles qui muent.
Ils sont contrôlés, fouillés, invités à dégager de l’endroit où ils habitent.

Il y a même des collaborateurs zélés dans ma résidence.
De ces vigies qui dans leur propre métier sont surnommés " Adolphe Hitler", tant les propos sont odieux.
Mais il en est très fier cet individu.
Et il a en poche tous les numéros de portable de l’agent machin ou de l’agent chose.
Et il se rengorge d’importance, l’affreux personnage.
Il se prend pour ce qu’il n’est pas, et ne se rend même pas compte de ce qu’il est.
Un pathétique et infâme factotum.
Tout ce que la société sécuritaire à la mode FN a et fabrique de détestable.

Les enfants de l’affligeant quidam ne s’y trompent pas.
Eux qui déjà se comportent comme s’ils avaient une impunité certaine.
Ils sont pourtant dans le collimateur de celui ou de celle qui très bientôt prendra sa place comme dénonciateur béat de délinquant potentiels, aucunement déclarés, ses enfants en tête de liste.

Et je vois cela avec mépris.
Comment peut-on vivre sans cesse sous surveillance dans cette ville ?
Comment peut-on supporter l’oeil inquisiteur des caméras, celui fouinard et chafouin de citoyen(ne)s illégitimes et scélérat(e)s, le passage constant des polices municipale, nationale et de la BAC ?

Et je ne pense même pas ici à ma résidence, mais à cette rue de la république le samedi après-midi qui fait l’objet de la circulation incessante des gardiens de la Paix(?).
Et cela n’arrête pas, dans un sens, dans l’autre, en voiture alors que la rue est piétonne.
Descendant souvent toute sirène hurlante alors que le chaland est nombre, enfants de tous âges les accompagnant.

Je frémis et je crains.
Je redoute le jour -qui arrivera sans conteste- où une personne, un môme ... sera renversé par ceux-là même qui devant nous protéger se comportent comme des cows-boys faisant leur rodéo.
Souvent pour pas grand-chose, pour ce qui ne mérite aucunement un tel déploiement.

Et que dire de leur attitude quand il y a un regroupement de jeunes ?
Je suis exaspérée.

Les orléanais ne sont pas considérés comme des citoyens lambdas présumés innocents de tout crime.
Crime qui s’il n’a pas encore été découvert peut survenir à tout moment .
Pour quelle raison ? On s’en fout, les chiffres statistiques à faire tourner.
Donc citoyens orléanais, vous êtes des délinquants et coupables potentiels.

Et c’est cela qui fait toute la différence.

Revenue de Paris donc, je me suis sentie mal, étouffée par cette surveillance, cet épiement permanent et je ne savais que faire de cette révolte.

Aussi lorsque j’ai reçu le mail de cet ami, installé depuis peu dans la région parisienne avec qui nous venions d’échanger sur sa nouvelle situation, et lui avoir conté l’anecdote de l’installation de mon fils à Paris, voici ce que je lui ai répondu :

Lorsque j’ai regagné Orléans, j’ai immédiatement senti sur mes épaules un poids incroyable, je me sens finalement épiée, surveillée, sous le regard de caméra sans que j’ai rien à me reprocher.

 
Et cela devient de plus en plus invivable.
Lorsque l’on reste à Orléans, on finit, non par s’habituer, mais par faire avec, tout en sachant que c’est insupportable.
Lorsque tu passes quelques heures, jours ailleurs ( Vieux Boucau, Paris, La Courneuve...) tu reviens et tu te sens salie sans raison, potentielle délinquante, en liberté surveillée....
Berk, je déprime du coup de ce que l’on fait de cette ville.
 
Et il y a toujours l’abruti pour être content de ne pas être libre de ses mouvements et qui te sort sa litanie :
- " Quand on a rien à se reprocher..." que je coupe dorénavant en assénant
On a pas besoin d’être filmé !!!! un point c’est tout.
 
Cette atmosphère devient de plus en plus lourde pour moi.
Tout en sachant tout ce qu’il y a de dur pour toi, avec les transports, je t’envie .
Paris ou toute autre ville finalement pour moi, c’est dorénavant une bouffée d’oxygène à ma nécessaire liberté d’être.

Orléans, libérée par une certaine Jeanne.
Orléans engluée ensuite dans la Rumeur.
Orléans dorénavant championne de France des caméras et du nombre de policiers au Km2 et au nombre d’habitants.

Une nouvelle occupation est en cours.
Les barbelés sont invisibles, mais bien là.
Les miradors absents, mais les sentinelles présentes.
Couvre-feu l’été pour certains jeunes, j’attends l’arrêté qui finira par surgir et qui interdira le regroupement de plus de trois personnes, surtout s’ils sont jeunes.

Je caricature ?
Pas si sûr...
 

Moyenne des avis sur cet article :  3.22/5   (9 votes)




Réagissez à l'article

4 réactions à cet article    


  • sleeping-zombie 16 septembre 2009 20:25

    @je plussoie (en tant qu’Orléanais), quand je rentre de Nantes le dimanche soir, a l’heure ou seul les fous dangereux violeurs pédophile osent sortir (23h quoi), je ne croise que des voitures de police entre la gare et la clapet qui me sert de chambre.

    Circée, pour rentrer tu aurais du prendre le train, t’aurai en plus eu la joie de croiser dès la gare d’auterlitz une bande de cranes rasés armés de fusils d’assaut. Ca donne le ton.


    • Circé Circé 16 septembre 2009 20:54

      A partir d’austerlitz, c’est même pire que cela puisque pour prendre le train le soir ( mon mode habituel de déplacement), il y a des barrages filtrants avec controleurs et souvent les cranes machin-chose...

      Berk, ce n’est souvent que pour cette ligne Paris-Orléans-Tours.
      il doit y avoir un ramassis de criminels chez nous ?


    • sleeping-zombie 16 septembre 2009 21:25

      Penses tu, si il y avait du danger, il y aurait pas la police, faut pas les prendre (que) pour des cons non plus ^^

      entre ça et les 4-par-4-armés-jusqu’au-dent-pret-a-bondir, je suis pas près de les oubliés les sketchs de celui qui aurait pu être président ^^


    • Circé Circé 16 septembre 2009 21:32

      ...Rires...Il nous manque terriblement celui-là !
      Ce que tu/il dis/dit est parfaitement vérifiable effectivement.

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON







Palmarès