Et le PS accusa Mélenchon de se droguer...
Le co-président du Parti de Gauche l’assume : « Je suis un guerrier… des idées ! », déclarait-il en conclusion des Estivales du Front de Gauche qui se sont tenues ce week-end. Une rentrée politique durant laquelle tous les médias n’ont eu d’yeux et d’oreilles que pour les « tacles » (entre autres métaphores sportives très subtiles) entre PG et PC. Sur ce sujet, on consultera avec intérêt ce billet de blog militant. Parallèlement, c’est un tombereau d’insultes venues notamment du Parti Socialiste qui s’est abattu sur le porte-parole du Front de Gauche. Quelle est la signification politique de ces sorties ? Quand sera-t-il enfin question des idées ?
Les errements d’un PS aux abois
Tout commence, on le sait, avec une interview de Jean-Luc Mélenchon dans le Journal du Dimanche titrée : « Valls est contaminé par le FN ». L’été du ministre de l’Intérieur a été particulièrement médiatique, celui-ci courant d’un fait divers à l’autre – ces faits divers qui constituent une pitance de choix pour l’extrême droite, toujours prompte à réclamer le nom et la nationalité d’un suspect, ce qui est plus commode que de parler économie ou écologie. Pendant ce temps, les campements de Roms brûlaient les uns après les autres sans que nul ne se soucie de cette vague d’incendies tout de même fort curieuse. Il est vrai que Manuel Valls poursuit, envers les Roms, la même politique que l’ex-Président de la République. On rase, on met à la rue, augmentant ainsi le nombre de SDF et de désagréments publics contre lesquels on prétendra ensuite lutter. Le serpent se mord la queue. Une politique « Vallsarkozy » en somme, laquelle politique marche dans les pas de Le Pen.
Le PS, au sein duquel Manuel Valls soulève pourtant la polémique, se montra alors outré. On retiendra notamment le dérapage malheureux de Harlem Désir, se demandant si Mélenchon « n’a pas mâché trop de feuilles de coca », fine allusion à ses déplacements politiques en Amérique du Sud. Un bon gros cliché sur les sud-américains drogués, voilà qui ne manque pas de sel de la part de l’ancien président de SOS Racisme… et qui invite ainsi à s’interroger sur la cohérence idéologique du Parti dit Socialiste. Rappelons que durant l’été, Jean-Luc Mélenchon a été reçu par plusieurs Présidents d’Amérique Latine, dont Evo Morales. Evo Morales, le Président Bolivien que François Hollande traitait il n’y pas si longtemps comme un délinquant, le soupçonnant de transporter Edward Snowden dans son avion. Bonjour la gauche « socialiste »…
Même Lilian Allemagna, journaliste peu suspect de mélenchonisme, a souligné dans un tweet : "Le PS n'a jms autant évoqué Mélenchon et le FDG en discours. Pourtant, les proches de Désir disaient ne plus s'en soucier...". Dernière insulte en date : une députée PS accuse Mélenchon d’ « errance mentale ». Tout cela parce qu’il a osé critiquer une errance politique. Les cadres du PS verraient-ils donc, dans le débat légitime, un crime de lèse-majesté ? Sont-ils à ce point désemparés par la récente enquête qui suggère que seuls 28% des Français considèrent que le PS a « un projet pour la France » ?
L’extrême droite en embuscade
Une camisole et une cure de désintoxication pour Mélenchon, est-ce là le projet politique du PS en cette rentrée calamiteuse sur tous les plans ?
La réforme des retraites, contre laquelle des manifestations auront lieu le 10 septembre, n’annonce rien de bon pour les Français. Mais ça, il vaut mieux éviter de s'étendre... Tapons comme des sourds pour mieux tuer le débat politique dans l’œuf. Quitte à emprunter une fois encore les sentiers boueux d’une Marion Anne Perrine Le Pen, dont les partisans scandaient le 1er mai dernier, sans que cela n’offense qui que ce soit : « Mélenchon au goulag ! » Déportation, psychiatrisation, des méthodes héritées de Staline, et c’est pourtant encore une fois le co-président du PG qu’on soupçonne de stalinisme ! Une stratégie destinée à semer la confusion, à laquelle se livrent aussi bien les communicants « socialistes » que néo-fascistes. Confusion et évitement, pour ne pas aborder l’essentiel : le fond du débat, l’avenir de « la Patrie Républicaine » pour reprendre les mots de Mélenchon.
Le PS et le FN – nous ne parlons pas de l’UMP, inaudible depuis des mois si l’on excepte son soutien éhonté à des manifestations gangrénées par l’extrême droite – sont en train de nous voler la République. N’évoquons pas même l’affaire Cahuzac, dans laquelle trempent main dans la main PS et FN, et attachons-nous aux idées.
Ils détestent la Révolution
La patrie est nécessairement républicaine en ce que la Révolution Française est passée par là. La patrie est nécessairement républicaine en ce qu’elle proclame Liberté – Egalité – Fraternité sur les façades de ses mairies et de ses écoles. Elle est nécessairement républicaine en ce qu’elle s’affirme « une et indivisible ». Mais la dislocation de l’idéal républicain a commencé. Le FN aimerait bien en récupérer les miettes, pour mieux les jeter au feu.
Marion Anne Perrine Le Pen à propos de la Révolution Française : « La France n’est pas morte en 1789 et n’est pas née en 1789. Il y a une continuité dans ces valeurs qui sont les valeurs de chrétienté ». (Le Point, 03/02/11). Que la France soit une République Laïque ne semble pas effleurer madame Le Pen. Il s’agit d’une habituée : il faut « rechristianiser » la France ! (Présent, 22/12/10).
Ces mêmes « valeurs » qui étaient probablement à l’œuvre durant l'explosion d’actes racistes constatée en 2012, et qui rencontrent un écho plutôt dérangeant dans la politique « Vallsarkozy » affectant les Roms. Des « valeurs » à l’œuvre lorsque j’ai, de mes oreilles, entendu une dame, dans le très chic XVème arrondissement de Paris, insulter un mendiant manifestement originaire d’un pays d’Europe de l’Est en ces termes : « Sale enculé, tes pièces je vais te les mettre dans le cul, retourne dans ton pays » – inutile de préciser que le bonhomme ne lui avait rien fait. Des « valeurs » à l’œuvre dans les commentaires de tous les journaux virtuels, et qui se matérialisent honteusement dans nos rues (ci-dessous, Lesparre-Médoc, 10 août 2013) :
Qui, pendant ce temps, pour défendre la « Patrie Républicaine » et « l’héritage des Lumières » ?
Mélenchon, la République, et nous
« Robespierre, l’homme qui a donné et proposé la citoyenneté pour les Juifs. Robespierre, l’homme qui a proposé l’abolition de l’esclavage. Robespierre, l’homme qui a fait voter la reconnaissance des enfants naturels. Robespierre, le premier à défendre le suffrage universel. Robespierre, le premier à proposer le contrôle des produits de première nécessité. Oui, c’est la grande Révolution, et c’est l’énergie révolutionnaire dont ont procédé tous les progrès de la Patrie. » (Jean-Luc Mélenchon, Billy-Montigny, 03/06/12.)
La République n’est pas un régime neutre dans la mesure où elle a été forgée dans les flammes de l’espérance et de l’égalité. La République proclame que la Patrie et l’intérêt général sont indissociables. L’idéal républicain consiste en une aspiration humaniste au progrès, quand la plupart des partis politiques enracinés de longue date ne nous proposent que le déclinisme, la culpabilisation et l’enfermement : la politique « austéritaire » du gouvernement « socialiste » asphyxie l’économie et assèche les poches des moins favorisés, l’UMP n’a que du sarkozysme délétère à nous proposer, et le FN entend ruiner la France par tous les moyens : chasse à l’immigré (qui coûterait davantage que ce que l’immigration nous rapporte), chasse à la culture, chasse aux acquis sociaux et aux idéaux révolutionnaires. Les réactionnaires se prétendent patriotes ? Ils ne peuvent l’être dans la mesure où ils se dressent contre l’aspiration révolutionnaire ! Finalement, ils sont anti-France en ce qu’ils crachent sur l’héritage de la Révolution et cherchent à découper la République en petits morceaux.
Il n’est ainsi pas anodin que Mélenchon soit l’objet de toutes les vieilles rages réactionnaires, non-argumentées, « Danger pour la démocratie » selon Valls, « Pire que Le Pen » selon Jean-Paul Huchon, « Visage hideux » et « Immigrationniste fou » selon Le Pen…, autant de bile rhétorique destinée à disqualifier le discours progressiste, comme si ces gens-là se complaisaient à n’offrir que de la grisaille à nos concitoyens.
C’est de relance, d’audace et d’espoir dont nous avons besoin, pas de ronron stérile ni de haine servile. Qu'on ne m'accuse pas de mélenchonite aiguë : il faut aller au-delà de la figure de Mélenchon et saisir que c’est la Révolution et la République qui sont, dans les mots comme dans les actes, attaquées.
En somme, nous.
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