Et si c’étaient les riches qu’il fallait convaincre ?
Cela fait des siècles que les hommes cherchent les causes des malheurs qui les oppressent, et seulement deux hypothèses ont résisté pour expliquer pourquoi les inégalités n’ont jamais cessé entre les hommes : l’une consiste à croire que les hommes ne naissent pas égaux et qu’il en existe « naturellement » de « meilleurs » que d’autres. L’autre à croire que c’est le système (capitaliste donc puisqu’il est « universellement adopté« ) qui crée ces inégalités, et ce malgré les postulats défendus par la théorie économique qui évoquent la croyance en une « main invisible ». Mais la science et la philosophie ayant rejeté l’inégalité génétique et montré clairement les raisons sociales et historiques de ces inégalités, nous sommes aujourd’hui directement confrontés, à la lumière de la crise qui nous frappe de plein fouet, à l’injustice du système qui englobe toute notre vie en société : le capitalisme.
Car d’où qu’on parte pour expliquer les inégalités, le responsable de tous nos maux semble justement être ce capitalisme, incapable de réaliser dans la pratique ses promesses théoriques : les riches sont de plus en plus riches, tandis que les pauvres sont de plus en plus… nombreux.
Que faire pour remédier à cela : faut-il tout prendre aux riches ?
Alors que le peuple lui-même ne semble pas le désirer vraiment, incapable qu’il est d’unir ses forces pour résister aux forces gigantesques et incontrôlables de la puissance financière qui est comme douée d’une vie propre, je me demande parfois si le salut des pauvres ne réside pas dans la capacité des riches à résoudre eux-mêmes un problème qui les concerne finalement autant que nous. Car être riche ne signifie pas nécessairement se désintéresser des autres ni vouloir leur misère ou leur oppression. Etre riche, c’est aussi être le jouet d’un système qui impose une règle simple : si ce n’est pas toi qui prend, l’autre prendra à ta place.
Même très riches et complètement déconnectés des réalités, personne (ou très peu) ne croit réellement qu’il est juste et bon que certains êtres meurent de faim tandis qu’eux-mêmes se gavent ; et pour laisser faire il leur faut bien croire ou que ce n’est pas de leur faute, ou qu’ils n’y peuvent rien ; mais pas que c’est bien fait pour eux.
Mais il faut bien se rendre à l’évidence, et accepter les faits tels qu’ils se présentent aujourd’hui clairement à tous : les riches sont bel et bien responsables de cette situation, car ils entretiennent par leurs comportements individuels un système qu’ils savent injuste, et ils doivent savoir qu’ils y peuvent quelque chose. Puisque nous participons tous de près ou de loin à l’exploitation outrancière des ressources de la planète, puisque dans une économie mondialisée ceux qui ont le plus sont nécessairement responsables du manque de ceux qui ont le moins, il faut accepter de regarder la réalité en face : la misère et les violences qu’elle entraîne, l’exploitation des êtres qui s’épuisent à remplir les poches de ceux qui les exploitent est, directement ou indirectement, imputable à ceux-là mêmes qui bénéficient le plus des injustices de ce système.
Car qui peut croire encore qu’un homme en vaut plus qu’un autre, ou en vaut 1000 fois plus (puisqu’on juge la valeur d’un homme à son salaire) ? Qui peut accepter sans vergogne qu’une petite partie de la population du monde empêche la plus grande de se nourrir, de se loger, de se vêtir ou de vivre décemment sans se demander et pourquoi, et ce qu’il peut faire pour changer cela ?
Et si les pauvres participent également à l’entretien de ce système par leur inaction, les riches sont d’autant plus responsables de cette situation qu’ils sont plus riches. Ce n’est pas de leur faute bien sûr, et jusqu’à il n’y a pas si longtemps l’illusion d’une « croissance » pouvait suffire à apaiser les consciences de ceux qui avaient tout. Mais aujourd’hui les riches comme les pauvres savent. L’Etat-Providence initialement institué pour contrebalancer les effets d’un capitalisme dérégulé ne fonctionne pas, pas plus que toutes les institutions censées protéger les plus faibles de la voracité des plus forts. Ils savent que le capitalisme ne peut pas conduire à l’intérêt général car autrement il n’aurait aucune raison d’exister. Et il doivent comprendre eux-aussi qu’ils se sont trompés, que nous nous sommes tous trompés, car en voulant satisfaire nos propres intérêts nous ne faisons qu’entretenir les inégalités.
Maintenant, et plutôt que de demander aux peuples déjà meurtris de faire encore un effort pour venir prendre aux riches ce qui leur a été volé, pourquoi n’expliquerait-on pas aux riches pourquoi ils doivent donner aux pauvres, et pas qu’un peu ? sont-ils si aveugles ou si stupides qu’ils ne puissent comprendre qu’ils sont eux-aussi responsables du bien commun ?
Pas besoin pour eux de faire la charité ni même de favoriser la solidarité sociale, mais simplement de changer leurs habitudes, en cessant de parier implicitement sur la peur du lendemain, et en dépensant tout leur argent afin qu’il retourne dans le circuit économique en entretenant ainsi la croissance tant désirée, les emplois et les investissements nécessaires aux progrès de la société. En refusant d’économiser, en vivant et en faisant vivre ceux à qui manque l’argent lorsqu’il dort dans des dépôts criminels détruisant les perspectives de millions d’êtres humains. Ils y gagneraient autant en humanité que ce qu’ils perdraient en gardant tout pour eux. Car il ne faut pas oublier une chose, très simplement dite par Saint-Exupéry : « nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants ».
Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr
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