Et si c’était la maison de Vercingétorix ?
La maison de Vercingétorix ? Jacques Pradel au micro d’Europe 1, jeudi 13 septembre : « Nombreux articles de presse ! Evénement d’actualité ! Nous sommes là pour en parler. » Que le lecteur d’Agoravox ne se fasse pas d’illusions ! Il ne s’agit pas de parler du bien-fondé de la localisation de Gergovie à partir d’une relecture du texte de César, ni de répondre aux articles que Gasty et moi avons publiés sur Le Crest. Il s’agit de mettre en exergue les découvertes que les archéologues ont faites dans la plaine, une véritable métropole selon eux, « une découverte fracassante qui va changer notre regard sur les Gaulois ».
Heureusement, nous sommes encore dans un pays où le débat démocratique peut avoir lieu. Merci à Agoravox de bien vouloir publier ma contre-argumentation.
Vincent Guichard est directeur général du Centre européen d’archéologie du mont Beuvray. Après avoir rappelé que les archéologues font de l’Histoire avant tout, il rend un hommage appuyé mais ambigu, et même légèrement ironique, à Napoléon III et à ses officiers qui ont mis l’archéologie française sur ses rails ; mais il enchaîne aussitôt sur l’université qui, depuis un siècle, a pris le relais des sociétés savantes. L’archéologie est devenue officielle, donc sérieuse, et les archéologues sont de véritables chercheurs payés par nos impôts. Pour ceux qui ne l’auraient pas encore compris, cela signifie que l’histoire et l’archéologie gauloises sont devenues des domaines réservés à une élite de spécialistes dont nous ne faisons pas partie.
Matthieu Poux est professeur d’archéologie romaine et gallo-romaine à l’université de Lyon. Le plus important chantier de fouilles, en France, est celui qu’il dirige, ici, en Auvergne. Il confirme que sa métropole arverne serait constituée de trois villes. Au centre, le plateau de Corent serait un sanctuaire religieux où avaient lieu des banquets funèbres. C’est un peu ce que j’ai écrit dans les années 80 en en faisant un site sacré où les Arvernes brûlaient leurs morts. Gondole en serait le port, ce dont je doute, étonné que je suis qu’on n’y ait pas trouvé des vestiges romains, vu que c’est là que j’y ai installé un des grands camps de César, avec son imposant fossé et talus "construits non par les Gaulois mais par les légionnaires". Enfin, troisième lieu, considéré désormais comme beaucoup moins intéressant - gloria transit -, le plateau de Merdogne, baptisé Gergovie par Napoléon III, non habité à l’époque de la Gaule indépendante, à vocation uniquement militaire. Il s’agit là d’une erreur considérable car Merdogne n’est qu’un avant-poste de la véritable Gergovie que je situe au Crest. Voilà donc le modèle que nos jeunes archéologues nous proposent après avoir longuement tergiversé pour savoir si la capitale qu’ils s’imaginent s’était déplacée d’un lieu à un autre suivant l’époque. Mais ils ne se rendent pas compte que si cet endroit leur livre autant de documents, et souvent des objets précieux, c’est parce qu’il se trouve au pied de la véritable Gergovie, sur l’éperon du Crest.
Il ne reste plus à notre ami Gasty qu’à mettre à la poubelle ses belles photos de ruines antiques et à la municipalité du Crest d’envoyer à la décharge toutes ces vieilles pierres qui datent d’avant la guerre des Gaules ! D’après nos archéologues, les Arvernes ne construisaient qu’en terre et en bois. La recherche archéologique ne peut donc mettre au jour que des trous de pieux en attendant que l’imagerie de synthèse nous restitue les anciennes maisons dont certaines à colombages. Encore heureux qu’on ait abandonné l’interprétation que certains faisaient du texte de Strabon, à savoir des huttes de forme ronde. Quant au témoignage de César, on n’en parle plus ! Pour Vincent Guichard, son témoignage est trop laconique (quelle erreur ! Voyez mon article "Gergovie : des textes irréfutables"). Il a pris, ajoute-t-il, une "pâtée magnifique" au pied du plateau "imprenable" de Merdogne et il est parti très vite pour ne pas subir une défaite plus cuisante.
Car aujourd’hui, on connaîtrait les Gaulois beaucoup plus par l’archéologie que par les textes historiques. Pas de centres-villes monumentaux comme en Grèce ou à Rome, ou s’il y en avait, seulement en bois. Jusqu’au IIe siècle avant J.-C., la Gaule aurait été paysanne, population tranquille d’éleveurs et d’agriculteurs, bref une civilisation - je cite - de type "rousseauiste". Oubliés les combats entre nobles gaulois qui chaque année ensanglantaient la campagne, dixit César ! Puis, - je cite encore - comme une traînée de poudre à partir du IIe siècle, des villes seraient apparues, mais suivant un modèle tout à fait original et différent de ce qui existe ailleurs, villes à caractère de sanctuaire religieux et politique sans impératif défensif, villes fantômes (je rêve) dont la trace aurait disparu sauf en des endroits comme Corent ou le mont Beuvray. La petite ville récemment découverte sur le mont Lassois serait une tentative urbaine avortée qui n’a pas eu de suite (voilà qui est vite dit pour écarter une découverte qui dérange). Comment peut-on être aveugle à ce point ? L’archéologie française va-t-elle maintenant développer toute son artillerie à la moindre trouvaille de fortune dans l’espoir de découvrir en rase campagne les grandes métropoles disparues de la Gaule ?
Et le palais de Vercingétorix ? Un bel édifice certes, mais en bois, à l’image d’une maison de Normandie ! Nos antiques forteresses sur leurs points hauts, nos vieux villages gaulois pré-moyenâgeux perchés sur leurs hauteurs, nos archéologues ne les voient pas. Aveuglés par ce qui leur semble être la découverte du siècle, ils concluent : « Cette ville de Gergovie, on l’a longtemps cherchée et aujourd’hui on est face à un problème. On n’a pas une ville, on en a trois. »
Que des archéologues professionnels n’arrivent pas à "voir" Gergovie sur la hauteur du Crest, cela restera pour moi la plus grande énigme de l’Histoire.
E. Mourey
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