Et si demain, le président de la république était ... Poison présidentiel Broché – 8 avril 2015 de Ghislaine Ottenheimer (Auteur)

Ce livre pose le seul problème qu'il faudrait résoudre avant 2017.
L'élection présidentielle est le vote le plus couru de France.
Les électeurs se déplacent parce qu'ils ont compris que c'est elle seule qui décide de la politique de la France.
C'est le seul moment démocratique et il ne revient qu'une fois tous les 5 ans. Hier c'était tous les 7 ans, avec possibilité de remise en jeu au bout de 2 ans, comme on l'a vécu lors des cohabitations. Depuis 2002, nos politiciens démocrates nous ont tué la démocratie en proposant un rythme immuable de 5 ans, assorti d'élections législatives qui remplissent des chambres d'enregistrement.
Ghislaine Ottenheimer nous rapporte mille et un faits et mille et une anecdotes qui confirment que tout se décide dans le palais de l'Elysée au bon vouloir du monarque élu et que cet état de fait non démocratique dérègle le système, le bloque et le délabre.
Pour information, elle donne la bonne définition du monarque – celui qui gouverne seul - en dépit de la croyance d'un journaliste en vue qui croyait que le titre impliquait l'obligation de transmission héréditaire. C'est aussi ce qu'avait rétorqué un ancien président, mais sans doute n'en était-il pas dupe, lui.
Les décisions se concentrent au sommet, dit-elle, et les instances constitutionnelles sont court-circuitées, les ministres bafoués et les députés ridiculisés.
La 5ème république prétend apporter la stabilité. En réalité la présidence et l'administration sont stables, mais le reste vacille et s'envole. Tel ministère a un titulaire en moyenne tous les deux ans, alors que dans les régimes parlementaires si décriés, la stabilité règne. Regardez outre-Rhin.
L'auteur nous livre des exemples nombreux et riches. Les personnalités rencontrées sont diverses et la plupart défendent la constitution actuelle, comme si elles espéraient profiter du système pour gagner le gros lot. Pauvres gogos, puisqu'il n'y a qu'un lot et un seul tirage tous les cinq ans.
Elle ne nous précise pas les limites de pouvoir rencontrées par exemple lors de la suppression des départements qui s'est engluée dans les sables mouvants des élus locaux.
Je reprocherai à ce livre de ne pas démontrer le côté mécanique et de ne pas exposer les engrenages qui broient tout le personnel politique et transforment une démocratie en une douce dictature. Douce jusqu'au jour où …
Elle aurait pu expliquer comment étaient désignés les candidats aux autres élections, et de quelle manière ils devaient l'onction au roi, comment un député méritant et fidèle à son parti avait été abandonné au profit d'un jeune loup aux dents longues. Ce n'est pas un fait isolé. La cuisine électorale n'est pas de la petite cuisine bourgeoise mais de la restauration de masse.
Elle aurait pu expliquer les mécanismes qui faisaient qu'un premier ministre hors cohabitation n'est qu'un collaborateur. Il s'agit d'un rapport de forces qui doit être explicité. Pourquoi les articles de la constitution existent mais ne sont pas appliqués ? Quelle est la nature des rapports de force ?
Elle aurait pu nous parler plus en détail des lois, qui arrivent toutes écrites, dans des textes de plus en plus volumineux, si rapidement et si nombreux chez les parlementaires qu'ils n'ont pas toujours le temps de les étudier. N'est-ce pas le gouvernement qui fixe l'agenda des assemblée ?
Je dirais que c'est comme si un bureau d'études devait plancher sur une voiture et qu'il voit arriver un cahier des charges pointilleux avec le châssis, le moteur, la carrosserie, et qu'il aurait à peine le choix de changer la couleur.
Elle aurait pu décrire la genèse d'une loi, qui vient pratiquement toujours de l'exécutif sous le nom de projet de loi, et qui arrive le reste du temps au nom d'un député ou d'un sénateur alors appelée proposition de loi. Elle aurait pu nous rappeler que les propositions de loi sont souvent des projets de loi avec un faux-nez et citer cette anecdote d'un gouvernement qui avait glissé une proposition au nom d'un député, sans le prévenir, ce qui n'a pas manqué de le faire râler puisque la loi venait à l'encontre de son électorat.
Avec le grand sachem qui décide de tout et les ministres qui perdent leurs plumes dès qu'ils s'opposent, ce ne sont plus les élus qui gouvernent et légifèrent, mais l'administration. Les technocrates, comme on disait il y a 40 ans.
Et parfois, le président rencontre des amis influents et défait en un instant le travail de plusieurs mois des ministères. C'est son bon vouloir.
A quoi servent les parlementaires ? Jeu d'ombres chinoises. Les vrais acteurs se cachent et ne laissent au mieux apparaître que leurs silhouettes. Cela me rappelle les années qui ont suivi 1422 en Chine, quand ont disparu les hommes d'Etat visionnaires qui savaient s'engager pour atteindre leur but et que leur ont succédé des gestionnaires falots aux mains des mandarins. La Chine s'est alors refermée sur elle-même, elle a interdit aux Chinois d'apprendre les langues étrangères et aux étrangers d'apprendre le chinois. Elle s'est repliée, s'est alanguie, et s'est fait dominer et envahir.
Revenons en France où les électeurs ont compris que le pouvoir n'était pas là où il se montre. C'est pourquoi ils continuent à se déplacer pour la présidentielle. Ils savent que c'est la clé de voûte et que c'est elle qui décide de la solidité de l'édifice.
Ce livre est utile. Ses exemples sont abondants.
Mais j'aurais aimé trouver les raisons des tenants et des aboutissants.
Je suis d'accord avec l'idée force : tout repose sur une seule tête.
Vous connaissez le dicton : De Gaulle a démontré que la France pouvait être gouvernée par un seul homme, X a montré qu'elle pouvait l'être par n'importe qui, et Y par personne.
Je vous laisse mettre un nom sur les inconnus X et Y.
Amusant ? Sauf quand on imagine qui pourrait se faire élire.
A lire, pour exploiter la mine d'arguments.
Prière d'insérer
Longtemps on a dit que si la France n'arrivait pas à s'adapter, c'était la faute des syndicats, des fonctionnaires, des corporatismes, du surmoi marxiste, des dirigeants politiques de plus en plus médiocres... Mais si c'était avant tout la faute de nos institutions ?
La vérité ? C'est qu'un monarque décide de tout. Se mêle de tout, de la guerre au Mali, du sort de Léonarda, des allocations familiales, de la carte des régions et, désormais, de la lutte contre le terrorisme... Mais il n'arrive ni à faire passer les réformes nécessaires ni à juguler le chômage et les déficits.
L'auteur montre, en s'inspirant de ce qu'elle a vu, les origines de la centralisation quasi-hystérique à la base de notre système constitutionnel.
De Mitterrand à Chirac, de Sarkozy à Hollande elle dévoile l'improvisation des décisions, l'esprit de soumission des entourages et la volonté obsessionnelle de l'Elysée d'avoir raison sur tout. Voilà un cocktail baroque qui est aussi un poison.
Ce faux régime présidentiel est, à terme, condamné. Une Vème République rénovée est pourtant possible, l'auteur nous le prouve.
Ce livre est un voyage savoureux et inquiétant dans cette monarchie républicaine déconnectée des vrais enjeux, à la fois frivole et décadente.
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