Et si la tragédie que nous vivons aujourd’hui ressemblait à une Tragédie grecque ?
ET SI LA TRAGEDIE QUE NOUS VIVONS AUJOURD’HUI
RESSEMBLAIT À UNE TRAGÉDIE GRECQUE ?
Voilà une approche étrange et inattendue : Il s’agit de la tragédie d’Euripide : les « Bacchantes ».
Il était une fois à Thèbes en Grèce, (une ville de nom de Thèbes, existe aussi en Egypte), le Roi Penthée successeur de Cadmos le fondateur de cette ville, homme sage et pondéré.
Penthée est résolu de mettre fin au « mal étrange » qui se propage dans le pays : une crise d’hystérie généralisée qui touche les femmes de tous âges, jusqu’à sa mère Agavé.
L’orchestrateur de cette folie est le dieu Dionysos qui se présente dans la tragédie d’Euripide sous la forme d’un être humain enchanteur, séducteur de jeunes femmes, un verre de vin rouge à la main.
« Je viens à lui et à tous les thébains montrer que je suis dieu, et quand j’aurai rétabli l’ordre en ces lieux, j’irai en d’autres contrées et m’y manifesterai ». (Vers 47-50)
À ces paroles Penthée réplique publiquement : « Je séparerai sa nuque de son corps ». (241)
En vain le chœur proteste : « Quelle impiété, tu déshonores ta race ».
Tirésias l’admoneste : « Ce dieu est nouveau, mais deviendra grand : c’est un prophète ! » (172-4, 298-301)
Le vieux Cadmos le met en garde : « Ton esprit se fourvoie, et ta raison déraisonne ». (332)
Dionysos est le dieu de la joie, des festins, de la paix, du bonheur, de la jeunesse !!!
Le chœur tremble : « Éloigne ton cœur et ton esprit des hommes qui se croient supérieurs en sagesse et accepte toujours ce que le peuple dans sa simplicité reconnaît et pratique ». (427-431)
Penthée décide d’enchainer Dionysos et ricane avec les répliques équivoques de son hôte qu’il n’arrive pas à comprendre. Ni la douceur, ni la mystérieuse puissance du prisonnier ne désarme le Roi, qui continue à l’interroger. Comment comprendre le langage d’un Dieu avec un esprit banal ? Selon Héraclite parlant d’Apollon - l’autre dieu de Delphes - : Dieu : « Il n’exprime, ni ne dérobe, mais suggère ».
Dionysos finit par briser les chaines. « Tu seras puni pour tes subtilités mauvaises » tranche Penthée (489)
« Prends garde, répond Dionysos, un dieu est près de toi, mais tu es un impie et tu ne peux le voir… Tu ne sais ni ce que tu dis, ni ce que tu fais, ni ce que tu es ». (502-506)
Penthée dans son hubris (mot grec qui signifie la démesure) emprisonne Dionysos qui ne tarde pas de se délivrer. Il incendie sa prison et réapparait triomphant.
Un messager rapporte à Penthée : « Toute la montagne délire ». (726) « Ce dieu, quel qu’il soit, ô maître, reçois-le dans cette ville ». (769-770)
Penthée furieux mobilise son armée contre les bacchantes.
Dionysos lui laisse une dernière chance : « Tu as tort de prendre les armes contre un dieu, il est possible encore de te réconcilier…Je peux te sauver ». (802-806)
L’heure de la « némesis » (mot grec qui signifie : La Justice Divine) est arrivée. Penthée vient de perdre sa dernière chance. Dionysos transforme l’opposition du Roi en soumission. Sa méfiance devient crédulité. Penthée le suit dans la montagne. Frappé de folie, il endosse des habits de femme. « Il reconnaitra en fin le fils de Zeus, Dionysos, ce dieu redoutable par sa puissance, mais très doux aux mortels ». (859-861)
Pour assister à la bacchanale, Penthée a pris place sur un grand sapin. Bientôt les femmes l’aperçoivent, déracinent l’arbre sous la conduite d’Agavé, sa mère, et le déchirent. En vain il crie « C’est moi ma mère, je suis ton fils ! ». (1118-1119)
Sa mère rentre au palais en portant ce trophée : la tête de son fils, à la plus grande consternation de Cadmos.
Le chœur conclut par ces paroles : « Être modeste, révérer les mystères des dieux est ce qu’il y a de plus beau. Je pense aussi que c’est là que réside, pour les hommes qui savent être sages, le plus sage des biens ». (1150-1152)
Le chœur magnifie le bonheur simple et éphémère : « Je proclame heureux celui dont le bonheur, tout au cours de la vie, se fait au jour le jour ». (908-911)
Une tragédie n’est pas un récit à sensation. Le théâtre dans la Grèce d’autrefois n’était pas un spectacle facultatif, mais un devoir civique.
À la différence du lavage de cerveaux grâce à la technologie télévisuelle et la désinformation journalistique, c’était une purification de l’âme : une « catharsis » selon le terme d’Aristote. Le combat pour la vérité est le même depuis le mythe de la caverne de Platon. Un combat également titanesque on doit mener de nos jours pour trouver un article de fond qui ne soit pas une propagande ou conforme à la « doxa » dominante : le « politiquement correct ».
À la différence de nos spectacles soutenus par l’idéologie dominante le financement des représentations était assumé par les plus fortunés des citoyens pour le bien du peuple. C’était le fondement de la démocratie et du « εύ ζείν », bien vivre : du bonheur : bien vivre ensemble. « L’homme est un animal politique » toujours selon Aristote. « Animal » signifie vivant et « Politique » signifie être capable de parole de discernement et d’engagements envers le bien commun.
Dionysos se présente ici comme un étranger. Un « étranger » pour les grecs est un visiteur qui parle le « grec », langue qui contient sept voyelles. Les voyelles permettent une formulation claire sans équivoque. La langue qui n’a pas des voyelles est celle du « barbare ». L’Autre « Étranger » est la voix de Dieu qui selon Héraclite : « Il n’exprime, ni ne dérobe, mais suggère ».
Dionysos est cet « Étranger » qui vient voir si dans cette ville ils sont tous heureux avec un chef raisonnable et un ordre bienveillant. Si oui, il fait la fête avec les citoyens. Si non, il fiche la pagaille.
Drôle de Tragédie…
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