Et si le profil de l’animateur de communauté n’était finalement pas celui d’un créateur d’entreprise ?
ll m’arrive souvent d’être sollicité par les entreprises sur la question du profil type, l’oiseau rare, ou les critères de casting d’un bon animateur de communauté de pratique.
Les RH sont parfois perdus dans l’élaboration de fiches de postes de ces nouveaux métiers un peu hybrides.
L’animateur doit il être le référant sur le sujet, histoire d’asseoir sa légitimité sur le groupe ? Je ne pense pas...
Quand la question se pose dans des communautés plutôt R&D dans lesquelles référant = expert, ça ne va pas en s’arrangeant, surtout si l’on souhaite confier aux communautés le soin de faire l’innovation de rupture, nécessitant de penser “out of the box” comme on aime à dire, et d’emprunter des chemins nouveaux aussi exotiques qu’improbables. L’envie est alors trop tentante, trop ancrée dans nos gênes et notre façon de penser de tuer une idée nouvelle avant même de lui avoir donné sa chance. Cette “castration’ se fait le plus souvent de manière inconsciente par une personne d’ailleurs persuadée de faire l’inverse.
Non, le référant est indispensable mais doit trouver sa place ailleurs dans le groupe, plus comme un garant des axes empruntés par la communauté, et qui servira de caution et de légitimité face au reste de l’entreprise et notamment de la direction.
L’idée parait alors tentante de confier l’animation à un profil plutôt porté sur la dynamique humaine, les relations et assurer avant tout le maintient d’une cohésion, une envie et une confiance, indispensables à l’épanouissement de chacun au sein de cette communauté. Un profil facile à détecter, c’est la personne que tout le monde connaît et apprécie, qui passe volontairement du temps de bureaux en bureaux, qui répond toujours présent à une initiative dès qu’elle se présente. Il ne sera jamais bien loin de l’organisation d’un pot surprise pour un départ, un anniversaire ou autre occasion de se retrouver ensemble. Regardez du côté de la cafet’, rares seront les repas qu’il passera seul, et son déjeuner sera rythmé par des pairs de mains, des gens qui s’arrêteront à sa table leur plateau à la main pour l’interpeller. Une fois sur deux ça se terminera par un éclat de rire voir une tape dans le dos, pour ceux capables de tenir leur plateau d’une seule main.
Oui ce profil, difficile à décrire sur une fiche de poste, me semble être l’oiseau rare de cette bonne dynamique de groupe. A tel point qu’un nouvel arrivant (jeune ou moins jeune) peut par ce rôle mettre le pieds à l’étrier et projeter toute sa fougue et sa jeunesse dans cette aventure, tout en accélérant la construction de son réseau personnel. Une personne encore vierge des “c’est pas possible on a déjà essayé”, “ça marchera pas”, “laisse tomber”, ‘j’ai pas le temps” qui sont sans doute les pires fléaux d’une communauté. Le genre de personne infatigable qu’on a tous connu dans notre jeunesse, celui qui levait les troupes pour faire un foot, une cabane, ou une pièce de théâtre alors que tous avaient succombé à l’appel du canapé. Ce genre de profil un peu fatigant parfois, mais qui au final permet les plus belles choses et construit nos meilleurs souvenirs.
Mais est ce suffisant. Pas encore… En effet avec ce profil, rien n’indique qu’au delà de cette bonne dynamique, il sera capable de projeter le groupe, de l’emmener vers… En d’autres mots, l’amener à créer, à croire que tout est possible alors que rien n’est fait et finalement, par le fait de créer et d’imaginer, d’enclencher dès maintenant la transformation de l’entreprise dans ce qu’elle a de plus profond, sa culture et ses mentalités de travail. Là on parlera plutôt d’un profil de type leader, le genre de personne à qui, plus on dit que c’est impossible, plus il se motivera à le faire. Un profil indispensable à l’entreprise qui souhaite évoluer, se transformer, et qui pour cela a besoin, en son sein de détracteurs, de révolutionnaires, prêcheur d’une forme de désobéissance qui changera le modèle et amènera l’entreprise à se remettre en cause pour avancer. Tout simplement parce qu’une entreprise ne peut pas changer si elle ne souhaite rien changer…
Du coup notre oiseau rare = Référant + Animateur de Groupe + Leader visionnaire
Une sorte de mouton à cinq pattes, de licorne a tête de sphynx.
Et puis me vient un parallèle, que je n’avais pas perçu jusqu’ici. Est-ce qu’on n’est pas en train de décrire le profil type du créateur d’entreprise finalement ? Celui capable d’embarquer une équipe sur un chemin qui reste à construire, avec une légitimité sur le sujet et suffisamment de vision pour tendre vers et surtout une force de conviction pour transformer les obstacles et objections en autant de carburant pour avancer ?
Du coup vous me direz, ce genre de profil est, par définition en dehors des murs d’une grande entreprise, vu qu’on le retrouve le plus souvent à créer la sienne. Et c’est là qu’il y a finalement une piste. En effet dans ma vie d’avant, celle justement des grandes entreprises (avant de créer la mienne) combien de collègues j’ai pu rencontrer qui partageaient cette même envie, ce même désir, mais qui n’ont pas osé franchir le pas. L’entreprise en est pleine, et leur confier cette aventure est sans doute pour eux l’occasion de se lancer (quitte à les perdre après mais ça vaut sans doute le coup au regard du travail qu’ils auront déjà entrepris) ou alors de les réconcilier enfin dans ce dilemme qui en ronge plus d’un : vivre l’aventure d’un créateur sans la prise de risque. Et c’est peut-être là qu’il y a une belle carte à jouer pour les grands groupes qui cherchent souvent à offrir un terrain de jeu épanouissant pour ces profils, que certains appellent parfois les High Po (High Potential).
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