Etablir la justice (triangles vertueux n°2 et n°3)
La première justice est fondatrice. C'est le socle d'une justice a priori ("contrat social"). La seconde justice intervient a posteriori pour redresser et réparer. C'est la justice des tribunaux ou des médiations. Chaque justice a son propre triangle vertueux. La justice fondatrice trouve son harmonie dans l'équilibre entre trois pôles : démocratie, république, état de droit. La justice du "cas par cas", elle, doit trouver la bonne distance entre trois choses essentielles : éducation, réparation, contrainte.
I - Le triangle Démocratie - République - Etat de Droit
Une bonne justice civique et sociale repose sur ces trois piliers sans que l'un d'entre eux puisse écraser ou étouffer les deux autres. Je m'explique.
- Etat de droit
Quelqu'un qui revendique la seule mise en oeuvre de l'état de Droit tombe dans l'excès du juridisme forcené. C'est là un travers dangereux pour la démocratie et la république qui sont deux choses bien vivantes et qui ont par conséquent un grand besoin de respirer. Un carcan législatif excessif deviendrait vite insupportable.
- Démocratie
Quelqu'un qui ne jure que par la pure démocratie et veut soumette toute loi au vote des citoyens aspire à un mode de vie en commun dans lequel l'état de Droit serait instable et erratique. La démocratie elle-même serait en danger car son modèle (la forme de république, la constitution, les accords internationaux) serait remis en cause constamment au gré des désaccords et des querelles d'intérêts et d'idées.
- République
Enfin, ceux qui n'ont à la bouche que le mot "république" sont tout aussi inquiétants car ils en oublient parfois l'état de Droit et la démocratie. On trouve de telles gens parmi les tribuns de la politique qui trop souvent abusent de l'idée de république pour étouffer la voie de la démocratie.
On ne peut de façon absolue et constante placer l'une des trois composantes au-dessus des autres. C'est un jeu d'équilibre permanent.
Les principes qui tendent vers un idéal relèvent de notre modèle de vie en commun. Ils se rattachent à la démocratie et à la république. Telle est notre devise qui elle-même est une quête d'équilibre entre trois principes qui se contredisent : liberté, égalité, fraternité.
La laïcité, quant à elle, ne fait pas partie de ces principes idéaux et que l'on exalte. A-t-on déjà vu le peuple réclamer la laïcité sur les barricades ? Elle relève davantage de l'état de droit, de la réglementation. Pour le reste, elle est elle-même le résultat d'un sage équilibre entre la liberté (liberté de culte et de pensée), de l'égalité (tous les citoyens sont égaux face à une seule loi), de la fraternité (tolérance).
Pour ces deux raisons (elle ferait pléonasme avec la devise ; elle n'est pas un principe d'idéal et d'élévation), la laïcité ne devrait jamais être accolée littéralement à la devise de la république.
II - Le triangle éducation - réparation - contrainte
- Education
La plupart des petits délits ainsi que les incivilités (actes de non-respect que la loi ne peut sanctionner) relèvent de la nécessaire éducation. Si les gens étaient tous bien éduqués, la paix civile régnerait. Ce premier niveau de la justice gagnerait à être fortement développé dans notre société. Le ministre Eric Dupond-Moretti a évoqué la possibilité d'un suivi des primo-délinquants ou des "primo actants" (pas de délits commis ou sanctionnés) par des militaires. Cette idée semble difficile à mettre en œuvre (sauf à recourir à des militaires retraités et à renforcer le service civique de façon formidable et coûteuse). Elle participe du premier niveau de justice : l'éducation. L'éducation par la famille (avec soutien quand c'est nécessaire) et l'école est néanmoins la voie à privilégier.
- Réparation
D'autres délits relèvent de la réparation. Cette réparation se fait au sens premier du terme ou au sens de compensation (financière ou autre) par le délinquant. Là aussi, le ministre a dessiné une piste. Il a évoqué la réparation des dégâts par son auteur. Mais, il ne faut pas se leurrer, cela ne peut pas concerner tous les cas de préjudice. Elle est difficile à mettre en œuvre sans recourir à la troisième forme (la contrainte) ainsi que dans les cas d'insolvabilité.
- Contrainte et châtiment
Enfin, les délits les plus graves et les crimes ne sont traitables que par la contrainte. L'empêchement (rétention, assignation à domicile, bannissement...) est la contrainte la plus adaptée à ces cas. Le crime se punit par le châtiment. Il n'est plus question ici ni d'éducation ni de réparation sauf dans le cadre de la réinsertion de l'individu (prévention de la récidive) mais de contention, d'enfermement, voire d'expulsion du territoire.
La Justice est la recherche de l'équilibre adapté entre ces trois leviers : la justice éducative, la justice réparatrice et la justice qui châtie et contraint.
La justice qui se traduit en des formes de répression automatique est la moins vertueuse. Elle réprime de façon trop systématique voire à l'aveugle. Il en est ainsi des contraventions qui pleuvent en trop grand nombre au nom de la mise au pas de certaines catégories (les automobilistes - les 90km / heure imposé partout, les fumeurs de cannabis, les gens réticents au port du masque quand il est réglementé par des préfets zélés ou autres technocrates). Certes, elle a pour avantage la facilité de la mise en œuvre et la production de résultats rapides et mesurables. Mais elle peut aussi se montrer contre-productive et semer ce que l'on nomme aujourd'hui communément le rejet de l'autorité. Ce rejet peut se développer de façon sournoise (par exemple, l’hypocrisie : on feint de respecter les règles) ou par des voies violentes (révoltes, saccages, vengeances et défoulements divers).
Il paraît donc préférable de revenir constamment aux trois sources de la bonne justice : éducation, réparation, contrainte.
Pour finir, la confiance (triangle vertueux n°1) doit aussi être de mise pour permettre à tout cela de prendre forme. Elle se contruit par un savant dosage de respect de la liberté, d'amour (soin et protection) et d'autorité.
Nos dirigeants veulent un meilleur respect de l'autorité ? Alors qu'ils promeuvent de façon réelle les principes qui agissent dans le sens d'une bonne justice sociale et civique ! Qu'ils cessent de frapper les gens de façon aveugle et autoritaire et de les infantiliser. L’humiliation ne produit pas du respect…
Qu'ils nous éduquent, qu'ils nous responsabilisent, qu'ils nous donnent aussi la possibilité de corriger nos erreurs au lieu de nous punir comme des enfants (littéralement : "qui n'ont pas le droit à la parole").
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