Etat d’urgence sanitaire : une situation inédite... une démocratie est malade lorsqu’on porte atteinte aux libertés...
Dominique Rousseau, professeur de Droit public interrogé sur France Inter évoque les mesures d'exception qui s'appliquent en ces temps de crise.
"Un état d'urgence sanitaire, c'est une première dans notre pays... on a connu l'état d'urgence sécuritaire au moment des attentats de 2015 mais jamais un état d'urgence sanitaire et la loi qui l'a établi est encore plus restrictive des libertés que l'état d'urgence adopté en novembre 2015.
Le déconfinement ne va pas revenir sur les mesures attentatoires aux libertés qui ont été prises lors de la loi du 23 mars 2020.
Le parlement est encore mis en sommeil pendant deux mois supplémentaires, donc 4 mois d'état d'urgence... et rien ne garantit que le gouvernement ne redemandera pas au mois de juillet la prolongation de cet état d'urgence. Et ce fameux système d'information dont le ministre nous dit que ce n'est pas l'application Stop covid, y ressemble beaucoup puisque c'est la constitution d'un fichier dans lequel il y aura le nom de toutes les personnes infectées par le virus...
L'état d'urgence est une décision politique qui a été prise en dehors du droit puisque la constitution ne permet pas de mettre en place un état d'urgence sanitaire.
Le parlement est mis en sommeil : les députés deviennent des spectateurs de décisions qui sont prises par le gouvernement et on lui demande de valider après coup ces décisions...
Ce qui est d'autant plus grave, c'est que ces décisions limitent, voire restreignent gravement toutes les libertés, pas simplement la liberté d'aller et venir, mais aussi le droit du travail : les ordonnances permettent aux employeurs de déroger au code du travail, notamment sur les congés, sur la question de la durée de la semaine de travail, sur la question de la récupération des RTT...
Il y a une atteinte à toutes les libertés : le parlement est dessaisi de son rôle habituel de gardien et d'acteur du régime des libertés...
C'est un vrai problème qui met en balance l'impératif de la santé et l'impératif des libertés.
On considère aujourd'hui presque indécent de mettre en avant les libertés ou la démocratie dans la mesure où il y aurait un impératif qui serait supérieur : celui de la santé.
Or, la santé dans une démocratie, c'est précisément le respect des libertés essentielles et on voit qu'une démocratie est malade non pas du fait du coronavirus mais une démocratie est malade lorsqu'on porte atteinte aux libertés.
Or, actuellement nous portons atteinte aux libertés, ça c'est certain, sans avoir la certitude que cette limitation des libertés favorise l'impératif de santé.
La bonne cause ne doit pas conduire à opposer santé et libertés, santé et démocratie, et ne doit pas oublier qu'il existait en dehors même de la loi sur l'état d'urgence les moyens juridiques et sanitaires pour répondre à cette crise du coronavirus.
Un seul exemple : le gouvernement a créé un comité de scientifiques pour que ce comité lui donne des conseils sur la manière de gérer la maladie, mais il existe déjà un Haut conseil de la santé publique, il existe déjà une Haute autorité de la santé, autrement dit, il y avait des institutions qui existaient déjà et qu'on a mises à l'écart.
En quelque sorte, on a mis en place un Etat parallèle à l'Etat institutionnel, et c'est cela qui est grave, parce que nous sommes actuellement dans un état d'urgence depuis deux mois, cela va durer encore deux mois, avec le risque que cela continue et que nous passions d'un état d'urgence à un autre et que finalement l'Etat de droit disparaisse ou s'affaiblisse et laisse monter l'Etat de puissance.
Toutes les libertés, liberté de réunion, liberté d'expression, liberté du travail, liberté du commerce, toutes les libertés sont mises en cause et, en plus, on augmente le nombre de personnes qui vont être habilitées à faire des contrôles, rédiger des procès-verbaux, et faire payer des amendes, donc, on augmente l'aspect sécuritaire, nous devenons une société de surveillance généralisée avec partout des personnes qui sont habilitées pour nous sanctionner.
De plus, un fichier centralisé va recenser les personnes qui ont été contaminées, puis les personnes susceptibles d'être contaminées, et les personnes qui ne sont pas contaminées mais qui ont été en contact avec les personnes contaminées.
Ce fichier va recueillir des informations sur les traitements qui ont été donnés à ces personnes et les résultats de ces traitements.
On ne sait pas comment ce fichier va être géré, qui va le gérer... ce qu'on sait, c'est que des personnes qui ne sont pas médecins, donc qui ne sont pas tenues au secret médical, vont être autorisées à pratiquer ce type de fichage...
Ce fichier est censé durer un an alors que la loi prolonge l'Etat d'urgence de deux mois. Que deviendra ce fichier au bout de cette année ?"
Cette mise en garde faite par un professeur de Droit public suscite bien des inquiétudes pour la survie de notre démocratie.
Les mesures mises en place pour préserver la santé risquent d'être reconduites, par crainte de la réapparition du virus ou de l'émergence d'une nouvelle pandémie.
Dans ce cas, nos libertés seraient considérablement et durablement réduites, et on se dirigerait vers un état dictatorial, un régime autoritaire, comme l'est le régime chinois, par exemple...
Ainsi se met en place le règne de BIG BROTHER...
Le blog :
http://rosemar.over-blog.com/2020/05/etat-d-urgence-sanitaire-une-situation-inedite.html
Source :
https://www.franceinter.fr/programmes/2020-05-02
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