Etre antisystème, c’est déjà être dans le système
De plus en plus de personnes se disent être antisystèmes. Pourtant, être antisystème revient paradoxalement à être dans le système.
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De nos jours, on ne compte plus les partis politiques ou même les personnalités affirmant être antisystème. Ainsi en est-il du Front National qui affirme vouloir contrer le système UMPS (ou herpès selon le bon mot de Florian Philippot) ou de Debout la République dont le slogan est « ni système ni extrême ». A gauche non plus, on ne se cache pas d’être antisystème. Jean-Luc Mélenchon réaffirmait récemment, sur le plateau d’On n’est pas couché, son opposition la plus farouche au système européen mené par l’Allemagne et prônant l’austérité.
Et pourtant, s’élever contre le système revient paradoxalement à le renforcer ainsi que l’a noté Yves-Charles Grandjeat dans L’Autorité en question en 2005. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, être antisystème revient à se retrouver dans le système et à légitimer son existence en s’opposant à lui.
Etre antisystème, c’est se construire par rapport au système
Sans la présence du système, la position d’antisystème n’aurait pas lieu d’être puisque s’il n’y a rien à quoi s’opposer, nul besoin d’opposition. En ce sens, la position d’antisystème n’existe que parce qu’elle trouve un système auquel s’opposer. Par symétrie, le système est renforcé par des positions antisystème dans la mesure où celles-ci lui permettent de s’affirmer en opposition des idées et des positions qui viennent le critiquer. C’est ce que montre bien Georges Orwell dans 1984 : Goldstein, en s’opposant au Parti lui permet d’exister et de se renforcer en lui permettant de désigner son ennemi et ainsi de réaffirmer ses valeurs.
Ce paradoxe d’être dans le système en se voulant être opposé à lui est parfaitement illustré par l’exemple de Rousseau au moment de son exil et de la rédaction de ses Rêveries du promeneur solitaire : exilé loin de la société, Rousseau crache sa bile sur celle-ci qui a mal accueilli ses Dialogues. Il fait l’éloge de ses promenades en solitaire mais passe une grande partie de son livre à critiquer la société. Finalement il ne construit son livre que sur la critique de la société. C’est pourquoi, bien que n’en faisant plus partie physiquement, il continue à être pleinement intégré à celle-ci puisqu’il ne se construit qu’en opposition à elle.
On constate donc qu’être opposé et se contenter de critiquer le système aboutit à en faire partie involontairement. Dès lors, le seul moyen de sortir du système ne serait-il pas de se construire et de construire un autre modèle en parallèle de ce système ?
Se construire en parallèle du système, seul moyen de ne pas en faire partie
Construire un autre modèle en parallèle du système apparait donc comme la meilleure des solutions pour ne pas tomber dans l’écueil d’une opposition au système qui aboutirait à renforcer ce dernier. Aussi me semble-t-il plus judicieux pour construire une Europe plus sociale ou une mondialisation moins libérale de ne pas se contenter de critiquer le système en place mais plutôt de tenter, même à petite échelle, de construire des modèles alternatifs pour réellement faire évoluer les visions et les choses. C’est ce qu’ont proposé Ignacio Fernandez Toxo et Javier Doz, le secrétaire international des Commissions ouvrières, en 2013 dans Le Rapport Schuman.
Là encore, un personnage littéraire symbolise bien cette position. Je pense à John dans Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley : ce personnage, surnommé le sauvage parce qu’il est né naturellement et qu’il n’est pas conditionné par le soma est différent des autres membres de la socité. Il rejette donc dans un premier temps toutes les valeurs de la société et s’oppose à elle avant de se rendre compte que tout ceci est inutile et participe d’un renforcement du système en place. Cette prise de conscience l’emmène finalement à s’établir en marge de cette société pour pouvoir se construire selon d’autres valeurs, notamment des valeurs de travail.
Finalement, pour se distinguer du système il importe plus de construire un autre modèle fondé sur d’autres valeurs que de se contenter de critiquer le système déjà en place, ce qui conduit à le renforcer. A une logique de critique et de déconstruction doit se substituer une démarche positive de construction d’un nouveau modèle pour réellement modifier le système.
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