Etre cool ou ne pas être ?
Dernièrement, en sirotant un Jack Daniel’s, un ami qui faisait sa rentrée - qu’il souhaitait zen et décontractée (halte au stress !) - me parlait du « bon cool », qu’il distinguait d’un cool... pas cool justement, aussi j’aimerais mettre à l’honneur, ici, la coolitude, que l’on trouve d’ailleurs parfois dans vos pages en ligne ici-même, à Agoravox.Oui, il existe une coolitude attitude qui est vraiment..., comment dire, cool, au fond.
Je m’explique. Question cinéma, précisons que la coolitude n’est pas à confondre avec l’easy filming. Bah oui, ce serait trop facile. De toute évidence, chez Steven Soderbergh, certains films sont cool, et d’autres, pas. Autre exemple : Lebowski, dit "le Duc", est cool mais le film The Big Lebowski manque hélas, un tant soit peu de coolitude par contre, trop travaillé, à la limite du surfait, menace qui peut... menacer, comme on le sait, le cinéma des frères Coen. Nouvel exemple (dans le même genre), Pam Grier (Jackie Brown) est cool, calme et détendue, dans son je(u) même, à en rester baba (cool) devant elle, au sein (hum...) du Tarantino éponyme, plus cheesecake que cooly, mais le film, bourré de citations, de clins d’oeil et de private jokes "vintage", est moins cool qu’il en a l’air à première vue, malgré une bande-son superbement cool (dont le cool sonore puissance 1000 Across 110th Street de Bobby Womack, véritable nectar musical), eh oui, la coolitude est et sera à distinguer d’un regard qui prendrait trop le dessus - la pente caustique qu’entraîne la poplife, limite rigolarde ou goguenarde, n’est pas la coolitude au sens strict, c’est un dérivé, voire un avatar. Mais calmos les tarantiniens ! Cool, Raoul ! Amis coolos, selon moi, au vu de l’attachement sincère de Quentin à ses personnages rétros, Jackie Brown est, et de loin, son film le plus cool, donc... le meilleur, un fucking masterpiece !
Petite question subsidiaire : George Clooney est-il cool ? Oui, il l’est, son nom pourrait le faire s’apparenter à un clown, mais ce n’est point le cas. Entre engagement et détachement, à la fois spirituel, élégant, talentueux, charismatique et ressuscitant à lui seul l’ère des grands séducteurs hollywoodiens façon Cary Grant, il est bien l’acteur américain le plus cool du moment. Par exemple, voilà comment Emmanuel Burdeau des Cahiers du cinéma (in "Un journal de Venise", août 2007) décrit la coolitude de notre good old George : "Poivre et sel, chemise blanche, mine navrée mais d’attaque, charisme cool mais complet : l’homme semble toujours aller à une soirée, ou en revenir." What else ? Décidément, ce mec est trop cool !
Autre nuance, très proche de la coolitude, c’est la zénitude, autrement dit, comme vous le savez, la zen attitude. J’ai vu l’autre jour, à la tévé sur Arte, Clint Eastwood diriger toute une armada pour son dernier diptyque - de toute évidence, Clint, en action, n’est pas un Action Joe pétaradant, version Michael (e)Bay. C’est au contraire, dans sa force tranquille qui se met en branle, dans cette idée de laisser le temps au temps tout en s’autodisciplinant, un sommet du zen - aucune agitation -, mais à distinguer de la coolitude tout de même de par son classicisme (assumé, "naturel"). Il est à supposer ici que la coolitude ne se soucie ni de classicisme, ni de modernité, et encore moins de post-modernisme, elle est ailleurs, dans cette idée de faire sans s’en faire. Bien sûr, on évite de "trop se prendre la tête", dans le langage courant ne dit-on pas d’un homme ou d’une fille qu’il est (trop) cool (sic) parce qu’il (ou elle)... ne se prend pas la tête justement ? Bon, on se pose des questions, mais le savoir-faire se dilue aussitôt dans le savoir-être (... et ne pas être, quitte à s’effacer, mais point trop n’en faut dans l’effacement, sinon on devient purement contemplatif, eraserhead, donc bouddhiste, et ça, c’est encore autre chose, à mon sens). Etre cool ou ne pas être, au fond, telle n’est pas la question pour celui (ou celle) qui est cool, en effet on est cool ou on ne l’est pas, ce qui ne veut pas dire pour autant qu’on naisse... cool - ce qui peut être le cas si on naît directement par exemple fils (ou fille) de Bob Marley (ou de son dérivé franco-ibérique : Manu Chao), fumeur de oinjes et joueur de djembé devant l’Eternel, de John Lennon ou de Johnny Deep, mais pas, par contre, si on vient d’un Doc Gynéco, attention ! : ne pas confondre cool et mou (du bulbe) ! En fait, la coolitude a besoin de temps pour se réaliser à son rythme via des sonorités douces, entre indolence façon jazz cool et prise de risques. Aussi, dans la plupart des cas, on ne naît pas cool, on le devient. Etre cool ou ne pas être, bref, soyons clairs, ne se pose pas pour un adepte de la coolitude, ça coule de source, quoi. C’est là, me semble-t-il, la puissance mais aussi, il faut bien l’avouer si on la bascule tout de go dans la sphère philosophique, la limite de la coolitude. Eh oui, si on s’interroge trop dessus, elle fuit par les bords, elle se doit d’être pratiquée en creux, comme en retrait, elle est séminale, moirée, et non pas affirmative et, quelle horreur, en aucun cas démonstrative.
Quelques lignes rock de Patrick Eudeline sont cool, mais un Philippe Manoeuvre, que j’apprécie pour autant pour son admiration pour Bambi, n’est pas cool, lui, il est pop, rock & folk, Nouvelle Star, nuance. Gainsbourg était cool, pas Gainsbarre, personnage trop travaillé. Air, en concert, est cool, ils s’arrêtent, tranquilles, à la moindre goutte, peinardo Di Caprio, même devant un public versaillais mouillé et frigorifié de 2000 personnes. En album, Air, c’est à la limite, parfois, du trop bien fait, eh ouais, un peu plus d’impureté dans le son serait bienvenue, je trouve, avec par exemple quelques grésillements vintage à
Puisqu’on parle peinture, pas tout Warhol n’est cool car il est pop le Pape du pop, donc pas cool à 100 %, on l’inscrira ici dans le post-modernisme, mais, par contre, dans sa pratique hybride, multimédia, les fameuses Oxydation Paintings (1978) peuvent être rangées dans la coolitude attitude, ce sont, accrochez-vous, des... Piss Paintings ! Invitant ses amis à venir pisser sur des surfaces de toiles gigantesques de peinture métallique, Andy Warhol, de manière supra-cool, avec un détachement matérialiste confinant à la coolitude dandy suprême, proche en ce sens de l’infra-mince cooly d’un Marcel Duchamp, produit (sans produire vraiment, ou avec une médiation entraînée par le geste d’autrui - ses amis pisseurs), des halos et des volutes propres - ou sales ! - à la geste de l’action painting grâce à l’action de l’acide urique. Bien sûr, puisque l’on parle d’action painting, l’action filming (j’emprunte cette expression à Thierry Jousse), au même titre qu’en peinture, ne peut s’apparenter à la coolitude, on s’y engage trop, on y engage son corps, ses tripes, ses proches, sa femme, ses parents, ça tend vers un certain expressionnisme, aussi John Cassavetes par exemple reste bien entendu un grand cinéaste mais il n’est pas cool, au sens strict, parce que trop tourmenté, trop engagé, trop habité dans sa quête à donner à voir à ses contemporains. En sport, un Christian Dugarry a été cool sur un terrain de foot, un côté grand fou, aware freestyle avec son téléphone cellulaire greffé à l’oreille façon Jack Bauer Attitude, avant de faire, en mode cool, une passe à Zizou, lui, trop cool dans ses passements, amortis, roulettes et autres rouflaquettes cultissimes. Un sommet - on mettra cependant ici de côté son inénarrable et hélas légendaire coup de boule de juillet 2006, pas cool du tout, il faut bien le dire, exit le Champion du monde. En Formule
Pour moi, et je pense que vous serez d’accord, un film absolument cool vu ces derniers temps, c’est Steak de Quentin Dupieux. Ce mec-là, dans sa manière de filmer, est cool, rien à dire, ça passe magnifiquement, sans s’en rendre compte, ou à peine, c’est ça aussi le comble du cool, il l’est tellement - cool - qu’on l’oublie ou qu’on le devine pas tant il est à l’oeuvre, dans sa coolitude même, il coole, coule de source, ou coulise, sans crier gare, le pied ! Espoir : j’ai vu des photos de tournage du prochain Michel Houellebecq,
Tout cela, bien sûr, c’est à discuter. Mais, attention, trop blablater, trop ratiociner, tue la coolitude. Soyons aware, mais sans forcer le trait donc, il faut que celui-ci, en s’inspirant de la culture chinoise misant sur l’immédiateté (coup de pinceau, tache de couleur, geste), reste simple, clair et net, à la manière d’un Cy Twombly par exemple, avec ou sans baiser parasite à la clé. Et vous, cher lecteur, chère lectrice, êtes-vous cool ?!
Agoravox, coolement vôtre,
VD.
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