Etre une femme au Maroc en 2007
Une femme pose les deux genoux par terre. Que fait-elle ? Entame-t-elle une prière ou se prépare-t-elle à passer la serpillière ? Elle tend ses bras vers l’avant, cherchant à atteindre une ligne blanche tracée sur le sol. Elle plaque ses deux mains sur la marque. Elle cale ses deux pieds dans les starting-blocks et prenant appui au sol grâce à ses mains, elle relève les fesses. Cette femme est une athlète, une sportive de niveau mondial. En dépit des remarques et des attaques à peine voilées du voisinage et de l’entourage, ses parents l’ont encouragée et ont su ignorer le poids des « qu’en dira-t-on ? » et des traditions. Que de fois n’ont-ils pas entendu : « La seule médaille qui vaille pour une femme est le mariage ! » Ou encore : « Une femme musulmane n’a rien à faire dans les stades à exhiber son corps. »
Nous sommes en 1984, à Los Angeles, aux Etats-Unis et Nawal El Moutawakil, l’esprit guère tranquille, le regard bien hagard, prend part à la finale olympique du 400 mètres haies. Elle court en short et à l’époque, déjà, au Maroc, ça choque. Le starter donne le départ de la course. Moins d’une minute plus tard, Nawal El Moutawakil entre dans l’Histoire en devenant la première femme africaine, arabe et musulmane à obtenir une médaille d’or aux Jeux olympiques. Sa victoire insuffle l’espoir... Malheureusement, juste un temps.
Près de vingt-cinq ans après, nous en sommes encore à nous demander si la mixité dans notre société est conforme à des préceptes édictés au septième siècle. Pendant que quelques-unes traitent et parlent d’égal à égal avec les messieurs, beaucoup d’autres baissent les yeux et s’effacent quand une voix grave s’élève. Quand à force de travail et de persévérance de rares femmes accèdent à des postes de responsabilités, tout le monde applaudit. Ces heureuses élues portées aux nues devraient presque dire merci ! Les autorités du pays se déclarent ravies de voir des femmes occuper des hautes fonctions dans l’administration. Pour quelques députés, secrétaires d’Etat voire ministres ou conseillères royales, combien de femmes sont-elles employées dans les maisons en qualité de bonnes à tout faire, d’esclaves qui ne peuvent que se taire ? Combien sont-elles ouvrières dans le textile ou dans l’agroalimentaire, sous-payées, exploitées et bien souvent harcelées ? Animatrices dans les grandes surfaces, elles doivent accepter les fouilles pratiquées par des vigiles soudainement très tactiles.
Au Maroc, en 2007, malgré la réforme de la Moudawana, les femmes composent toujours avec les restrictions imposées par la religion et les traditions. Beaucoup de propriétaires refusent tout locataire célibataire. Les candidates femmes, quant à elles, se voient répondre crûment : « Sachez que je ne loue pas aux putains. » Les propriétaires ne sont pas les seuls à considérer les femmes célibataires comme des filles de joie et à montrer du doigt toutes celles qui veulent jouir de leur liberté.
« Les pantalons taille-basse, les percings, les strings apparents et les tatouages côtoient sans ombrage les voiles et les djellabas », disent les optimistes. Ils oublient, un peu vite, qu’aucune femme marocaine n’ose réclamer ouvertement le droit à la liberté sexuelle. Personne n’évoque le droit à l’interruption volontaire de grossesse pour les femmes célibataires. En attendant les hommes squattent les terrasses de café, parlent entre eux de sexe et se racontent des histoires de fesses tandis que les femmes restent à la maison. Probablement plus pour longtemps, enfin, j’espère.
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