Etudiants en médecine contre la Médocratie
Article écrit par trois internes en médecine générale, sur les syndicats d'étudiants en médecine, la démographie médicale, et la loi sur le médicament.
Nous sommes 3 étudiants en médecine et internes en médecine générale, et nous affirmons notre désaccord profond avec les prises de position récentes des structures qui sont censées nous représenter.
Les syndicats d’étudiants en médecine, c’est-à-dire l’ANEMF (Association Nationale des Etudiants en Médecine de France, association « représentative » des étudiants en médecine de la 1ère à la 6e année de médecine), l’ISNAR-IMG (InterSyndicale Nationale Autonome Représentative des Internes en Médecine Générale) et le SNJMG (Syndicat National des Jeunes Médecins Généralistes, syndicat des internes en médecine générale et jeunes médecins généralistes), se sont récemment exprimés sur deux sujets d’actualité d’une grande importance pour la santé publique de notre pays : la loi sur le médicament et le problème de la démographie médicale. Leurs positions nous ont semblé insupportables. Ne pouvant accepter d’être représentés par ces positions et voyant qu’aucune voix alternative ne se faisait entendre, nous avons donc décidé de vous en proposer une petite analyse critique, en toute humilité.
Démographie médicale et liberté d’installation…
Le premier élément que l’on retient quand on lit les positionnements de l’ANEMF, de l’ISNAR-IMG et du SNJMG sur la démographie médicale, est leur opposition farouche aux « mesures coercitives », c’est-à-dire toute mesure visant à obliger d’une manière ou d’une autre les étudiants en médecine à s’installer dans une zone avec une faible densité de médecins. Quasiment tous leurs communiqués de presse sur le sujet font suite à des annonces politiques ou à des propositions de lois remettant en question la liberté d’installation. D’ailleurs, on peut se souvenir qu’en 2007 ces organisations avaient appelé à des manifestations pour défendre cette fameuse liberté d’installation, tout en restant muettes sur une remise en question majeure de l’accès aux soins : les franchises médicales…
Cette position, outre son ancrage corporatiste, réduit et simplifie faussement le débat à une opposition entre 2 stratégies pour résoudre les problèmes de démographie médicale : les mesures coercitives (contraintes sur le lieu d’installation) versus les mesures incitatives (aides à l’installation, défiscalisations, etc.). Nous sommes persuadés qu’il faut sortir de cette dichotomie.
Par ailleurs, ces organisations font plusieurs constats que nous partageons : l’énorme problème présent mais surtout à venir de la démographie médicale, et l’urgence de trouver des solutions pour le résoudre, l’échec des mesures coercitives dans d’autres pays européens, mais aussi l’origine de ce problème qui tient bien aux erreurs passées et à l’aveuglement des décideurs, notamment au sujet du numerus clausus et de ses fluctuations ; de plus, ce problème s’inscrit dans un cadre beaucoup plus global de disparition organisée des services publics dans les zones rurales. Cela doit être dénoncé, mais ne doit pas, comme le disent ces organisations, nous dédouaner de notre responsabilité dans la résolution de ces problèmes de démographie médicale. Nous allons même plus loin : ces problématiques sont une formidable occasion pour lancer un débat sur notre système de soins, et pour reconstruire un système national de santé de proximité. Ce débat ne pourra faire l’économie d’une réflexion sur la localisation des activités, les services publics, et les politiques territoriales.
Malheureusement, les propositions des syndicats d’étudiants en médecine sont soit extrêmement pauvres, soit absolument incohérentes. Le communiqué de presse commun de toutes ces organisations sur le sujet est un exercice exemplaire de langue de bois : « Les mesures efficaces doivent être incitatives, globales, structurelles et organisationnelles, intergénérationnelles et concertées. » [1]
En juin 2011, l’ANEMF et l’ISNAR-IMG ont publié une « contribution commune sur la démographie médicale » [2]. Ce document est un tissu de propositions très diverses, de la formation des médecins aux modes de rémunérations, jusqu’à la permanence des soins, en passant par le remplacement et la télémédecine. Le tout forme un ensemble incohérent : il s’agit d’une liste d’idées, contradictoires entre elles (par exemple la revalorisation de certains actes et le changement des modes de rémunération), sur des plans complètement différents (Gestion du secrétariat médicale et participation aux négociations conventionnelles…), partant dans tous les sens, qui pour certaines s’apparentent plus à des vœux pieux (« politique globale d’aménagement du territoire forte et volontaire »…) qu’à de véritables propositions concrètes. Tout n’est bien sûr pas à jeter, mais tout cela manque cruellement de positionnements forts et surtout d’une proposition cohérente sur l’organisation des soins primaires de demain ! Nous avons le sentiment en lisant ce texte que ces organisations n’ont absolument pas réfléchi de manière systémique à l’organisation des soins et à la place de la santé dans la société. Outre la pauvreté de ce document, nous estimons qu’il est absolument irresponsable de la part de ces organisations de ne pas avoir entamé cette réflexion, compte tenu des problématiques graves d’accès aux soins présentes et à venir. Pourquoi n’y a-t-il aucune incitation à la réflexion des étudiants sur ces sujets ? Pourquoi les syndicats d’étudiants en médecine n’organisent-ils pas des débats publics sur ces problématiques ?
Le SNJMG, quant à lui, a très récemment fait des propositions de réforme du système de santé, en vue des élections présidentielles [3]. Ces propositions sont plutôt cohérentes. Malheureusement, celles qui concernent la démographie médicale se centrent quasiment exclusivement sur les modes de rémunération, ce qui nous semble très réducteur. Entre autres, le SNJMG milite pour une diversification de la rémunération, un forfait « investissement » et « installation », modulable notamment selon le lieu d’installation, et une revalorisation des tarifs des médecins généralistes. Nous sommes en désaccord avec la plupart de ces mesures, qui nécessiteraient un débat contradictoire impliquant les citoyens ; en effet l’organisation du système de soins est un enjeu politique majeur et ne concerne donc pas seulement les professionnels de ce secteur. Malheureusement, il n’existe pas de cadre pour que ce débat existe ; il n’aura donc pas lieu.
Une des innovations de ces dernières années, soutenue par les 3 syndicats sus-cités, est le CESP (Contrat d’Engagement de Service Public). Il s’agit d’un contrat, signé par les étudiants à n’importe quel moment dans leur cursus, sur la base du volontariat, qui leur assure une rémunération jusqu’à la fin de leurs études, en les obligeant en contrepartie à s’installer dans une zone déficitaire en médecins. Nous estimons honteux que les organisations syndicales d’étudiants en médecine soutiennent et fassent la promotion de cette mesure profondément inégalitaire, car coercitive pour les étudiants les plus pauvres. Contrairement aux discours tenus par ces organisations, ce dispositif n’est absolument pas incitatif, car c’est un contrat dont la fonction est de contraindre ses signataires à respecter leurs engagements. En résumé : laissons les étudiants pauvres, donc ceux qui ont besoin d’un salaire pour pouvoir finir leurs études (car il est très difficile de travailler pendant une partie des études médicales), régler les problèmes de démographie médicale français, pendant que nous, étudiants riches, continuons à n’avoir aucune obligation d’installation ! De notre point de vue, si des mesures coercitives devaient être prises pour mieux répartir les médecins sur le territoire, qu’elles concernent tous les étudiants en médecine !
Quelle est notre vision des choses ?
Nous estimons que le problème de l’inégalité de répartition des médecins sur le territoire ne peut s’envisager de manière isolée. Il est en lien avec le mode d’exercice, le mode de rémunération et le statut social du médecin généraliste, mais aussi avec l’organisation des soins de deuxième et de troisième recours (médecins spécialistes, hôpital public, etc.), et avec une vision plus globale du rôle des médecins sur un territoire, et de la place de la santé dans une société. Bref, on ne peut envisager ce problème sans redéfinir le système de soins primaires.
Quelles sont les grandes orientations que nous défendons ?
Nous souhaitons en finir avec le statut libéral du médecin généraliste. Ce statut est bâtard et hypocrite, car il suppose et revendique la liberté alors qu’elle est impossible, puisque la particularité du médecin généraliste en libéral est qu’il est payé par l’Assurance Maladie (et les mutuelles), à travers le remboursement des patients. Son activité est ainsi complètement dépendante de ce financement par la Sécurité Sociale, ce qui remet en cause l’autonomie revendiquée par les médecins libéraux. Il est pris entre les inconvénients sociaux et financiers du libéral (90 jours de carence d’indemnités journalières en cas d’arrêt maladie, pas d’accident du travail ni de maladie professionnelle, pas de médecine du travail, gestion financière et administrative autonome, comptabilité, etc.) et les contraintes que lui imposent la société (continuité et permanence des soins, donc obligation d’avoir le cabinet ouvert pendant la journée, d’assurer son remplacement pendant les vacances, contrôle des pratiques médicales, etc.). Ces contraintes nous semblent absolument légitimes, mais ne s’accordent pas avec un mode d’exercice libéral.
Nous souhaitons en finir avec le paiement à l’acte qui ne correspond pas selon nous à une bonne pratique de la médecine, et qui constitue un conflit d’intérêt avec le patient, l’intérêt (financier) du médecin étant dans ce cas de voir le plus de patients possibles au cours d’une même journée.
Nous pensons que le salariat est une alternative pertinente, car il permet à la fois d’assurer un salaire fixe (à définir !), indépendamment du nombre de patients vus, et une protection sociale au médecin, et dans le même temps d’assumer voire de renforcer les contraintes de pratiques, de permanence des soins, de lieu d’installation (on peut par exemple imaginer dans ce cadre salarié des contraintes géographiques d’installation, ainsi que par exemple des engagements sur la libération de plages horaires de consultations d’urgence).
Les quelques expériences de salariat qui ont été menées dans les soins primaires en France nous confortent dans cette idée puisqu’elles ont attiré énormément de jeunes médecins qui ne souhaitaient pas s’installer en libéral.
Nous souhaitons un exercice pluridisciplinaire, cohérent sur le territoire, notamment par la création de pôles de santé pluridisciplinaire, et par l’exercice des mêmes contraintes sur tous les professionnels de santé. Par exemple, nous trouvons honteux que les pharmaciens aient des obligations dans leur lieu d’installation et pas les médecins. Nous souhaitons que ces pôles soient des lieux d’enseignements (voire à terme les lieux d’enseignement prépondérants) pour les futurs professionnels du soin.
Nous sommes conscients que les oppositions salariat/libéral, exercice solitaire/pluridisciplinaire, tout comme l’opposition mesures incitatives/coercitives, ne sont pas pertinentes seules pour penser le système de santé de demain. De nombreuses questions se posent : Salariés par qui ? Quel salaire ? Quelles collaborations entre professionnels ? Quelle place des citoyens ?
C’est pourquoi nous appelons à une réflexion politique citoyenne sur ce qu’est la santé, ce que la société et les citoyens peuvent attendre des médecins, et donc sur une redéfinition d’un système national public de santé et de soins primaires. A partir de cette réflexion peuvent être définis la formation des médecins, leur mode de rémunération, d’exercice, de pratiques.
Loi sur le médicament et influence de l’industrie pharmaceutique sur les futurs médecins
Une autre actualité majeure de santé publique a été la loi sur le médicament. Suite à l’affaire Mediator, cette loi vise à mieux contrôler la filière du médicament en France, pour éviter la réédition d’un tel scandale. Parmi les principales mesures, on y retrouve l’obligation d’une déclaration publique d’intérêts pour les responsables et experts d’autorité sanitaire, ainsi que l’interdiction pour des entreprises pharmaceutiques de financer la formation initiale des médecins. Cela se traduit en pratique par la suppression de certaines conférences privées de préparation au concours de l’internat, auparavant financées par des laboratoires pharmaceutiques.
Faisons un petit point sur la situation des 3 syndicats d’étudiants en médecine vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique au moment du vote de cette loi : l’ANEMF et l’ISNAR-IMG sont tous deux financés en partie par l’industrie pharmaceutique ; le SNJMG est quant à lui totalement indépendant de l’industrie pharmaceutique.
Nous n’avons retrouvé aucun positionnement de l’ISNAR-IMG sur la question de l’indépendance de la formation des médecins. Nous déplorons fortement cet état de fait ! L’ANEMF quant à elle n’a adopté aucune prise de position officielle sur ce sujet (ce que nous déplorons également). En revanche, le contenu de ses débats internes nous a révoltés : s’abritant derrière une nécessité de préparation des étudiants au concours de l’internat, elle déplore presque le vote de cette loi et accuse les pouvoirs publics d’irresponsabilité !
Ces représentants sont donc tellement corporatistes, et n’ont absolument aucune idée de la santé publique pour adopter une position pareille ! Est-il plus important de bien préparer les étudiants à un concours qui ne sert qu’à les classer, ou de faire disparaître l’industrie pharmaceutique de la formation médicale ? Nous sommes outrés par l’absence de défense de cette loi par nos représentants, et ne pouvons nous empêcher de faire le lien avec la participation des laboratoires à leur financement.
Nous approuvons par contre sans réserve la position du SNJMG, seul syndicat indépendant, qui s’est positionné en faveur de cette loi [4], tout en estimant qu’elle n’allait probablement pas assez loin, et qui milite clairement pour la suppression de tout organisme de cours privés dans la préparation du concours de l’internat !
Cette position de l’ANEMF vient d’abord de son absence de réactivité face aux concours pseudo-égalitaires qui se succèdent dans la formation médicale : concours de première année (PAES), puis concours de l’internat (ECN : Epreuves Classantes Nationales). Compte tenu de leur attitude de collaboration avec les institutions (ministères, instances facultaires et universitaires) sur la réforme de ces concours, et de leur manque de représentativité effective des étudiants en médecine, l’ANEMF est amenée à adopter une position consensuelle et non contestataire sur ce sujet, et finalement ne sert qu’à transmettre les informations des institutions aux étudiants ( ce qu’elle fait très bien !). Elle ne peut donc pas rentrer dans un rapport de force avec les décideurs. Elle se retrouve donc à soutenir le maintien de ces concours, sous prétexte d’une prétendue égalité des chances.
Or ces concours ne sont absolument pas égalitaires. Bien au contraire, ils perpétuent une sélection par le statut social et surtout par l’argent, car quand les étudiants sont lâchés dans la nature dans des conditions de stress, c’est évidemment ceux qui sont le mieux informés, le mieux armés sur le plan du soutien familial et des conditions de travail, et ceux qui ont le moyen de se payer les organismes privés de préparation au concours, qui s’en sortent le mieux. Au nom de cette pseudo égalité des chances, l’ANEMF a abandonné toute velléité de suppression de ces concours, en abandonnant ainsi toute réflexion sur le sens de la formation des professionnels de soin.
Encore une fois, nous pensons que la formation des médecins et notamment la question de son indépendance ne peuvent être pensées sans une réflexion collective sur l’utilité des médecins dans une société, et ce qu’on attend de la médecine. Cette réflexion doit être menée bien sûr par les syndicats d’étudiants en médecine, mais aussi et surtout par les citoyens !
Pourquoi les représentants des étudiants en médecine ne s’engagent-ils pas sur ce sujet ? Pourquoi ne jouent-ils pas leur rôle de syndicat, en réclamant que les professeurs déclarent leurs conflits d’intérêts devant les étudiants, ou en revendiquant auprès des chefs de service l’interdiction de l’abord des étudiants par les représentants des laboratoires pharmaceutiques ? Leur mollesse et leur inaction nous révoltent.
A travers ces deux exemples (et encore bien d’autres malheureusement), nous ne pouvons que constater le manque de courage et la pauvreté idéologique des positionnements de nos « représentants ».
QUI nous représente ?
Pour finir, nous vous proposons une petite analyse de ces structures et des raisons de leur inefficacité à produire une réflexion et des prises de position réellement contestataires. Cette analyse ne concerne que l’ANEMF et l’ISNAR-IMG, car nous connaissons moins bien le SNJMG, qui a un fonctionnement différent, et qui reste tout de même assez minoritaire.
L’ANEMF et l’ISNAR-IMG sont en fait des fédérations d’associations. Chaque association adhérant à ces structures nationales correspond à une faculté de médecine. Ces associations ont en général deux grandes orientations : une mission de représentation des étudiants, (participation aux différentes commissions de la faculté et de l’université, aux élections universitaires et facultaires, aux discussions avec l’administration, et aux décisions des structures nationales sus-citées) ; et une mission de services, par l’organisation d’activités divertissantes (soirées, week-end d’intégration, sports, etc.) et d’autres un peu moins amusantes (mise en réseau des évaluations de stages et des notes de cours). Elles sont donc des syndicats (même si certaines ne se revendiquent pas comme telles) et en même temps des équivalents des Bureau Des Etudiants (BDE) des écoles de commerce ou d’ingénieur. Cette double casquette constitue selon nous l’une des principales hypocrisies de ces associations : elles font adhérer les étudiants en leur proposant des services, puis elles se disent représenter l’ensemble des étudiants d’une faculté de médecine, et parlent en leur nom. C’est un mensonge, d’ailleurs la plupart de ces étudiants ne connaissent même pas les positions défendues par ces associations !
Par ailleurs, ces associations ne font rien pour permettre un débat parmi les étudiants sur les problématiques (pourtant nombreuses) posées par leurs études et le système de santé dans lequel ils évoluent. L’adhésion des étudiants leur suffit, alors même que celle-ci est complètement faussée par les autres missions de ces associations. En effet, il est plus facile de se dire représenter tous les étudiants d’une faculté de médecine en ayant carte blanche sur les prises de position à adopter, plutôt que se risquer à rentrer dans un débat politique contradictoire…
Pour continuer dans ce déni de démocratie, il faut ajouter qu’il n’y a en général pas d’alternative à ces associations pour la représentation étudiante. En effet, à de très rares exceptions près, elles sont dans de véritables situations de monopole, par plusieurs mécanismes : mainmise sur les relations avec l’administration et le doyen de la faculté de médecine, petits accords avec l’administration pour interdire les créations d’associations ayant pour siège social la faculté de médecine, véritables luttes de pouvoir avec les syndicats qui essayent de les concurrencer aux élections universitaires (l’UNEF notamment essaie souvent, et se voit interdire l’entrée dans certaines facultés de médecine : de quel droit ?), etc.
L’existence de ces associations est basée sur l’idéologie très corporatiste que les étudiants en médecine sont tous d’accord et ont tous le même intérêt, et n’ont donc besoin que d’une seule structure pour les représenter. Nous pensons que c’est une erreur. La communauté des étudiants en médecine est, comme les autres, traversée par des conflits d’intérêts, des choix politiques et idéologiques différents ; le pluralisme des représentants est donc absolument nécessaire. En l’état actuel des choses, l’existence de ces associations représente un déni absolu de démocratie, et encore plus bride les quelques réflexions spontanées des étudiants, qui se disent que des personnes plus renseignées qu’eux les représentent, et qu’ils n’ont pas à s’intéresser à ces problématiques pourtant essentielles.
Ces associations ont également abandonné un des seuls rôles pertinents qu’elles pourraient avoir : la mission syndicale de défense individuelle. Les étudiants en médecine sont stagiaires à l’hôpital, d’abord à mi-temps pendant 3 ans, puis à plein temps pendant de nouveau 3 ans (pour les internes en médecine générale). Outre les conditions matériellement peu avantageuses de ces stages (salaires faibles au regard du nombre d’heures important effectuées, enseignement souvent délaissé, tâches demandées ne correspondant pas à des missions d’apprentissage, à cause du manque de personnel, etc.), certains étudiants se retrouvent en situation de harcèlement ou de violation manifeste du code du travail et des règlements universitaires (harcèlement sexuel des jeunes filles par des médecins en situation hiérarchique, harcèlement moral, interdiction de prendre le repos de garde ou d’aller à des cours, etc.). Le rôle d’un syndicat dans ce genre de situations serait de défendre les étudiants, en offrant une possibilité de conflit collectif avec la hiérarchie hospitalière, tout en protégeant l’étudiant d’éventuelles représailles. Malheureusement, personne ne joue ce rôle.
Au lieu de cela, les membres de ces associations préservent leurs bonnes relations avec les institutions facultaires. L’ANEMF, quant à elle, tient beaucoup à ses bonnes relations avec les ministères de la santé et de l’enseignement supérieur, au risque de servir de faire-valoir à ces institutions pour faire passer n’importe quelle réforme, pour laquelle ils auraient permis la « participation des étudiants en médecine ».
L’ANEMF (pour les étudiants jusqu’à la 6e année) et l’ISNAR-IMG (pour les internes en médecine générale) fédèrent donc ces associations, et ainsi reproduisent voire amplifient au niveau national ces défauts que nous critiquons. Nous contestons donc leur utilité et leur représentativité.
Nous voulons un syndicat qui ne soit pas un BDE en même temps. Nous voulons un syndicat, indépendant des laboratoires pharmaceutiques, qui associe à la défense individuelle des étudiants une véritable démarche d’éducation populaire sur la santé. Nous voulons un syndicat qui n’ait pas peur du mot politique et des débats contradictoires entre étudiants en médecine. Nous voulons un syndicat qui milite pour une réflexion sur la santé avec les autres soignants et non-soignants.
« Est démocratique, une société qui se reconnaît divisée, c’est-à-dire traversée par des contradictions d’intérêt et qui se fixe comme modalité, d’associer à parts égales, chaque citoyen dans l’expression de ces contradictions, l’analyse de ces contradictions et la mise en délibération de ces contradictions, en vue d’arriver à un arbitrage »
Paul Ricoeur.
Texte co-signé par Jessica Guibert, Alexandre Gaillard et Tanguy Véret, internes en médecine générale.
[1] Les futurs et jeunes médecins toujours unis pour une réponse pérenne et efficace aux problématiques de démographie médicale, Communiqué de presse commun de l’ANEMF, ISNAR-IMG, ISNCCA, REAGJIR, ISNIH, SNJMG, http://www.isnar-img.com/sites/default/files/111128%20%20CDP%20commun%20Jeunes_Futurs_Me%CC%81d%20-%20De%CC%81mo%20med.pdf
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