Europe Ecologie : bifurquer ou mourir le 22 mars !
9 mois après l’élection européenne du 7 juin, le bilan de l’expérimentation d’Europe Ecologie est extrêmement contrasté. Sans bifurcation
rapide, le mouvement qui a soulevé une énorme espérance auprès des déçus de la politique risque tout simplement d’imploser. Demain, à Paris, Daniel Cohn-Bendit lancera l’appel du 22 mars en référence au mouvement
du 22 mars 1968. C’est le moment, dans le cadre de la nouvelle feuille de route qui se dessine, d’évoquer la pensée de Félix Guattari et de quelques autres.
Déterritorialisation
En intégrant le travail à la machine, le capitalisme (y compris le capitalisme d’état) a détruit le lien entre l’homme à la machine. Par la division du travail et la taylorisation, il a atomisé l’information au point où le producteur n’a plus aucune vision, aucune compréhension de la valeur issue de son travail, de la machine.
La destruction de ce premier territoire “singulier” qui s’est exprimé au travers de modes de production “primitifs” s’est accompagnée d’une déterritorialisaion systémique substituant le marché à l’ensemble des territoires non marchands de la société. Ayant atteint la finitude géographique, l’Empire, au sens de Toni Negri, cherche à constituer de nouveaux territoires fermés, de nouvelles enclosures effaçant l’ensemble des “anciens” territoires existentiels. Du capitalisme national, on est passé au capitalisme colonial, puis au capitalisme impérial et à l’Empire, que Guattari qualifiait, quant à lui, de Capitalisme Mondial Intégré ou CMI. A la finitude géographique du monde, le CMI nous impose l’infinitude des marchés, la segmentarité moléculaire.
Le paradoxe est aujourd’hui que L’Empire s’étend par atomisation, créant la valeur par l’objet ( de nos désirs ?) devenu sujet et en détruisant la valeur liée à un échange social de nature non marchande. Il a dessaisi tous les pouvoirs “locaux” de leurs instruments de puissance. Il a broyé les corps intermédiaires. Il a détruit les territoires liés aux champs politiques : application de la règle d’une concurrence libre et non faussée, monnaie unique qui lissent les singularités, ces aspérités liées aux anciennes formes de territoires ! Il prend possession des pouvoirs existants de plus en plus diffus par les normes et la standardisation, par un droit des échanges “planétaire”, par les lobbies qui entourent les organes de décision politique.
Transterritorialité
En sortant du chemin classique de l’écologie politique , Europe Ecologie s’inscrit dans une démarche de transterritorialité. qui est le seul moyen de reconstituer de nouveaux territoires existentiels. Eva Joly, Philippe Mérieux, Augustin Legrand et, dans un moindre mesure, José Bové sont autant de stigmates d’une démarche multipolaire, à la centralité indéfinie et aux contours en mouvement. L’écologie politique doit sortir de là où elle s’est enfermée elle-même, par mimétisme. Europe Ecologie a déterritorialisé les Verts en partie seulement. L’empreinte du modèle dominant comme le faisait remarquer Toni Negri n’a cependant pas permis, dans un espace temps très court, de sortir totalement de la fossilisation des organisations politiques de gauche. Par leurs comportements observés dans les différentes régions de France, les Verts sont restés dans la logique de l’enfermement. La majorité des candidats n’ont pas été choisis à côté d’eux, mais en eux ! Ils sont restés dans l’autoréférence et l’encastrement pour l’essentiel. A l’intérieur de leurs mouvements, ils ont reproduit la segmentarité moléculaire, cherchant à se différencier autour de territoires de plus en plus petits privilégiant l’homogénéité mortifère à l’hétérogénéité salvatrice. En 2007, Dominique Voynet a fait 1.5% des voix. De part et d’autre (la responsabilité est collective) entre verts et non verts au sein d’Europe Ecologie, nous n’avons pas su accepter le dissensus, la singularité, l’altérité et la différence. C’est à mon sens le principal échouage de l’expérience des élections régionales !
Bifurcation
Europe Ecologie ne peut plus continuer dans la forme que nous lui connaissons. Mouvement qui est parti par le haut, il est temps de mettre en place des mécanismes d’expression de la base et de contrôle par la base. Il est temps de mettre en œuvre des mécanismes polyphoniques : porte-parolat décentralisé et multiple, initiativisme, agrégation de collectifs, d’associations et de partis politiques. La machinerie à inventer doit créer de la valeur dans le champ politique. Elle doit favoriser la création et l’innovation sur tous les plans. Nous devons aussi nous dépouiller du regard “affectif” que nous portons sur Daniel Cohn-Bendit ! Mais, dans le système médiatique qui est le nôtre, nous avons encore besoin de lui en tant que leader politique pour bifurquer et éloigner nos “mauvaises” expériences. Ou bien nous mourrons une fois encore comme en 1994 et en 2007 !
NB Un grand merci à Gildas Layec et Evelyne Cohen-Lemoine pour m’avoir ouvert à la pensée de Félix Guattari.
Crédit photos : Médias citoyens diois
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