Evolution de la Crise : un gouvernement, une société civile et trois possibilités
Opportunité et danger, voilà ce que signifie l’idéogramme chinois désignant une crise. Actuellement, la récession économique produit des chômeurs et la reprise annoncée se fera sans doute à l’écart de l’emploi. A moins que l’injection d’une proportion d’économie planifiée ne permette de colmater l’amputation sociale. Opportunité, danger, deux options et trois possibilités.
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Nul besoin d’être sorti de l’X pour parvenir à l’idée qu’il existe trois possibilités, le danger, l’opportunité et le mélange des deux. Dans la réalité, c’est plus nuancé. Les uns sont en danger, les autres face à des opportunités, et comme disait Coluche, certains sont plus égaux que d’autres pour surmonter les prochaines années. Et globalement, que pouvons-nous prédire pour l’avenir des sociétés dans la décennie qui suit ?
I Le chaos social. L’hypothèse d’une situation de chaos, d’anarchie, de guerre civile sur fond de colère et désespérance, n’est pas à exclure. Nous avons vu se dessiner des émeutes de la faim dans les pays pauvres. Dans les pays avancés, ce sont les gens pauvres qui risquent de former le cortège des émeutiers, rejoint par les mécontents. La banque de la colère, pour reprendre l’expression de Sloterdijk, ne peut continuer à accumuler les ressentiments indéfiniment. A un moment, il faut bien que ça se consomme, se consume. Aux Etats-Unis, les ventes d’armes ont considérablement augmenté depuis la crise et la mise au chômage de millions de travailleurs. Les possédants ont peur. Les dépossédés sont dans le malheur et la colère. En France, rien ne se précise pour l’instant. Sauf des situations confuses dans les grandes institutions de la République, universités, recherche, éducation, santé. Les banlieues ne vont pas mieux. Et la jeunesse ne voit plus de perspectives d’avenir. Le chaos pourrait associer diverses composantes de la société française. Même s’il n’y a pas d’insurrections nationale, des émeutes sporadiques sont prévisibles, avec également une série d’actes d’incivilités pouvant hélas aller jusqu’au meurtre. Le 11 mars, un ado de 17 ans a tué 15 personnes en Allemagne. Rien ne permet d’établir un lien avec la situation sociale outre-Rhin mais rien n’interdit de soupçonner qu’un tel lien puisse exister. Au final, la société risque de se trouver face à un délitement social étrangement décalé si on le rapporte au niveau de technicité offert par le système industriel. Une telle configuration n’est pas propice au développement harmonieux de la société. C’est de l’entropie en quelque sorte, du désordre, de la désorganisation, un joyeux ou plutôt, un triste bordel. Une entropie que les sociétés laissent croître, stagner ou alors tentent de contenir par diverses méthodes ce qui nous amène à la seconde option.
II Le système policier. Alors que les sociétés sont face à divers mouvements, émeutes, incivilités, les gouvernements seront tentés de pratiquer une politique dite sécuritaire. Dans la sphère privée, c’est déjà le cas. Les immeubles cossus et les villas font appel à des techniques de protection alors que les sociétés de gardiennage avec leurs vigiles ne cessent de prospérer, pour surveiller les résidences et les espaces commerciaux. Ce petit bizness se porte bien car les gens ont les moyens. Pour un Etat, la mise en place d’un réseau de surveillance, d’une police plus présente, de divers dispositifs sécuritaires, coûte cher. Mais l’ordre n’a pas de prix, surtout quand l’ordre préserve les intérêts des classes privilégiées alors qu’il obéit à une demande populaire. Sur ce point, la société est divisée. Les uns demandent de la surveillance, de la répression, les autres sont opposés au tout sécuritaire et se sentent menacés dans leur droit de circuler, manifester, s’exprimer. Il est évident que ce système de l’ordre n’est pas propice à un développement harmonieux de la société. Les citoyens se sentent surveillés, la police est perçue comme une menace, l’ordre économique règne, il n’y a pas de place pour tous, les travailleurs sont étranglés par les impôts, la jeunesse n’a plus les ressorts émancipatoire, la liberté à laquelle elle aspire, l’espoir d’une vie accessible.
III L’évolution démocratique. Ce devrait être le cours normal d’une société à notre époque. Hélas, ce n’est plus une évidence. La démocratie devrait permettre une transition des sociétés vers une ère post-industrielle. Une transition dure, comme depuis que la société se transforme, mais une transition équilibrée, qui ne renie pas les principes d’humanité et de civilisation. Et qui surtout, associe les citoyens en minimisant les exclusions économiques.
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En fait, les trois possibilités ne sont pas exclusives mais se combinent et c’est la dominante de l’une des trois qui détermine le cours d’une société. Bien évidemment que les possibilités I et II sont antagonistes et se nourrissent l’une de l’autre. Le chaos ou le risque de désordre induisent une réplique sécuritaires des autorités mais en retour, les frustrations, les sentiments d’injustice, renforcent les tendances inciviles. Et ainsi de suite. Une société peut aller loin dans le contrôle et l’ordre. Quel degré de suppression des libertés les citoyens peuvent-ils supporter ? Les autorités peuvent bien préserver l’ordre public et l’ordre économique régnant, le résultat final risque fort d’être la chute, à moins que la France ne prenne le chemin de la Chine à sa manière. Des libertés sous surveillance et une application des citoyens dans le travail. Tout dépend des générations en âge de travailler et de celles qui arrivent.
L’option III est de loin celle qu’on souhaite mais elle paraît si difficile et éloignée. Non pas qu’elle soit une utopie mais que la société doit gérer les mauvais plis pris depuis trente ans. Trop d’inertie dans les esprits, trop de mauvaises habitudes, trop de segmentations sociales et de division, de prises d’intérêt, de désirs débridés et ne l’oublions pas, une récession avec des moyens mal assemblés et en voie de raréfaction. Au final, deux dangers, l’un venant de la société, le chaos, l’autre venant de l’Etat, la répression sécuritaire. Les « flics » et les « affairistes » sauront saisir les opportunités s’offrant dans un régime policier. Mais il y a une autre opportunité, la plus incertaine, c’est la transition vers un nouvel âge de la civilisation, une opportunité partagée par tous
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