Exception culturelle : mythe ou réalité ?
Non sans mal, la France, droit de veto aidant, a obtenu que l'audiovisuel soit exclu des négociations sur l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et les Etats-Unis. José-Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, était résolument hostile à cette mesure. Certes parce que convoitant la présidence de l'ONU, il ne voulait pas se mettre les USA à dos. Certes parce que cette concession appellera un renvoi d'ascenseur sur d'autres secteurs. Mais aussi peut-être parce que la culture américaine est déjà largement dominante en Europe.
Les chiffres sont parlants. Les films américains détiennent 45% du marché français contre seulement 40% pour les films français. En Europe, le contenu produit aux Etats-Unis représente plus de 60 % des programmes de radio et de télévision. Ce qui amène le Wall Street Journal à constater que "même en France", les programmes de télévision en "prime time" les plus populaires sont les mêmes qu'aux Etats-Unis.
L'agitation ne serait donc que de façade, uniquement destinée à maintenir une industrie du film sous perfusion de subventions. La bataille de la culture, elle, serait déjà gagnée par l'Oncle Sam. Un constat qui pose par ricochet la question du contenu proposé par le service public audio-visuel français qui use et abuse, à peine moins que les chaînes privées, des séries et émissions venues de l'autre côté de l'atlantique. Des séries qui façonnent culturellement, dans l'indifférence générale, des générations entières de français, en pénétrant, puisque c'est la force de la petite lucarne dans tous les foyers, dans tous les milieux.
"L'impérialisme culturel est la forme la plus pernicieuse du colonialisme en ce qu'il obscurcit la conscience" écrivait il y a plusieurs décennies Léopold Sédar Senghor (en illustration). Comment parler de défense de l'exception culturelle française quand les pseudos élites se vautrent dans l'usage de l'anglais et ne défendent même plus le français dans notre pays et dans les institutions internationales où son usage est de droit ?
La mode est au globish (contraction de global et english), ce mauvais anglais de 1500 mots qui rétrécit tout et dégrade en qualité les concepts. Comme si on pouvait être fier de parler ce petit nègre des temps modernes. Comme si c'était devenu un progrès d'échanger avec le vocabulaire d'un enfant de 5 ans. A moins d'être provocateur et de se demander si, comme pour les droits sociaux, la forme de mondialisation actuelle, dominante, ne tirerait pas les cultures vers le bas en imposant un produit standardisé, bas de gamme.
"Le premier instrument du génie d'un peuple, c'est sa langue" disait Stendhal. On aimerait désormais que les autorités hexagonales mettent la même intransigeance et la même détermination à défendre notre langue, vecteur de notre identité culturelle, et la francophonie qu'elles en ont mis d'énergie à jouer les chevaliers d'une petite industrie aux gros salaires.
Crédit photo : Erling Mandelmann
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