Existe-t-il une Loi Universelle ?
Est dit de droit naturel ce qui est universellement valide, en tout lieu et en tout temps. Il y a des règles qui s’imposeraient d’elles-mêmes indépendamment des législateurs. Il faut découvrir ce qui est conforme à la Nature et ce qui ne l’est pas.
Il est difficile de cerner l’essentiel, l’incontournable, qui meuvent l’espèce humaine habitée de rêves, de pensées, de dogmes. Il est plus facile d’apercevoir ce qui constitue le trait dominant de toutes les autres espèces animales, c’est indubitablement l’instinct de survie et le mode de reproduction et ses modalités qui permettent de le satisfaire.
La Nature a mis longtemps à trouver sa voie à force de hasards et de nécessités. Des bactéries apparurent il y a 3,4 milliards d’années, ces organismes unicellulaires dominèrent la terre durant 1,5 milliard d’années. Elles contiennent des gènes porteurs de l’identité du microorganisme, elles se reproduisent de manière asexuée, la fission d’une cellule unique conduit à deux cellules génétiquement identiques.
Il y a environ 800 millions d’années apparurent des animalcules dont des éponges primitives. Celles-ci peuvent se multiplier par une reproduction asexuée (par bourgeonnement) ou sexuée (gamètes mâles et femelles). L’apparition de la reproduction sexuée est une révolution pour les organismes vivants, elle permet de maintenir le nombre de chromosomes caractéristiques de l’espèce tout en assurant une extraordinaire diversité d’individus au sein de la population correspondante. Le brassage au niveau des chromosomes permet l’obtention de combinaisons génétiques inédites qui, pour certaines d’entre elles, sont mieux adaptées à des conditions environnementales nouvelles. Si la scissiparité (fission d’une cellule mère en deux identiques) est robuste, puisqu’elle peut s’effectuer seul, loin de tout, elle ne permet pas un foisonnement de la diversité.
Les mammifères apparurent il y a environ 200 millions d’années, à une époque où les dinosaures peuplaient encore la Terre. Ils sont encore bien différents des primates mais la reproduction sexuée sera le lot de toutes, ou presque, les espèces vivantes à partir de son apparition. Il y a environ 9 millions d’années naquit la famille des ‘hominidés’ qui comprend, encore aujourd’hui, quatre ‘lignées’ différentes : celles des chimpanzés, des gorilles, des bonobos et des hommes. Le bagage génétique est très proche entre les quatre lignées, l’homme et le chimpanzé ont près de 99% de gènes en commun, toutefois leur comportement et leurs capacités intellectuelles différent notablement.
La reproduction sexuée impose ainsi une ‘Loi naturelle’. Depuis au moins 100 000 ans, les agissements de l’Homme, en tant que membre d’un groupe, sont presque uniquement guidés, consciemment ou inconsciemment, par le désir de pérenniser au mieux l’espèce. Pour ce faire il lui faut donc conforter une famille nucléaire comportant un homme, une femme et des enfants. Cette cellule lui permet d’avoir la stabilité nécessaire pour élever un nouveau né durant plusieurs années après une gestation de presque une année. Et ce nourrisson sera identique ni à son père, ni à sa mère. À noter que l’inceste, destructeur de diversité, est extrêmement rare au sein de l’ensemble du règne animal.
L’Homo sapiens tel que nous le connaissons depuis plus de 100 000 ans s’appliqua à allier les principes naturels de la reproduction sexuée avec ses découvertes. Les chasseurs-cueilleurs devinrent éleveurs. Ils vont découvrir le bronze puis le fer (-1200) ce qui conduira à des changements de civilisation considérables, mais rien n’affectera la reproduction sexuée même si l’usage immodérée d’esclaves ou de gens considérés comme inférieurs aurait pu faire s’effondrer la famille nucléaire naturellement optimum.
Les empires succédèrent aux empires, les républiques supplantèrent les monarchies, chacun se réclama finalement des démocraties, ce qui n’affecta en rien la Loi naturelle essentielle liant reproduction sexuée et famille nucléaire.
Ce n’est qu’aujourd’hui, à l’échelle de l’évolution, que tout changea.
Au début des années 1950, les biologistes avaient compris qu’une ‘grosse’ molécule était le support de l’hérédité et ils savaient aussi qu’elle se composait de quatre types de molécules plus petites, les nucléotides. F. Crick et J. Watson vont alors montrer que cette grosse molécule (l’ADN) possède une structure hélicoïdale en forme de double hélice. Au sein de cette double hélice les nucléotides s’apparient par paires.
Ni les dieux, ni les philosophes, ni les découvertes en métallurgie, chimie, physique, ni les changement sociaux ou sociétaux n’avaient altérés la Loi naturelle de la reproduction sexuée, mais tout va changer à partir des années cinquante car l’Homme maîtrisait maintenant, même si ce n’était pas clair dans l’instant, sa reproduction, reléguant la Nature comme faire-valoir.
La première insémination artificielle avait eu lieu dès la fin du XVIIIe siècle, en 1968 les banques de sperme congelé voient le jour, en 1978 un premier enfant est né après une fécondation in vitro... Restait encore des détails à peaufiner pour avoir un bébé 100% chimique.
Des ciseaux moléculaires susceptibles de couper l’ADN au niveau de séquences spécifiques pour introduire des chaînons extérieurs donne une parfaite maîtrise du contenu génétique de n’importe quelle cellule. E. Charpentier et l’Américaine J. Doudna ont remporté le prix Nobel 2020 de chimie pour la mise au point de ces ‘ciseaux moléculaires’.
Les polynucléotides peuvent être obtenus par des méthodes chimiques automatisées en solution ou sur support solide ou par voie enzymatique avec des méthodes d’amplification à partir d’un brin initial donné. La taille du génome humain est approximativement de 3,2 milliards de paires de nucléotides, ce qui le rend encore difficile à synthétiser chimiquement du moins dans un très proche avenir. La synthèse chimique de fragments d’ADN plus courts est toutefois maintenant courante et les prémisses de ces études furent publiés dès les années 1960. Des appareils automatiques appelés synthétiseurs d’ADN permirent en 2010 d’obtenir des molécules comportant 150-200 nucléotides.
Admettons que l’on soit capable, ou sur le point de l’être, d’obtenir artificiellement l’ADN du génome humain, on peut préparer une éprouvette de gamètes mâles et une autre de gamètes femelles. Préalablement on aura choisi, grâce à l’ingénierie génétique, les caractéristiques de l’humanoïde final désiré qui sera éventuellement congelé pour pouvoir être mis sur le marché au moment le plus opportun.... On peut encore se passer de toute notion de mâle et de femelle si besoin est. Supposons que ce ne soit pas le cas, alors il faut aussi un utérus artificiel si l’on veut conserver intégralement la magie du démiurge.
Un utérus artificiel a été décrit en 2022 par le Suzhou Institute of Biomedical Engineering and Technology. Les chercheurs annoncèrent avoir fait leurs expériences sur des embryons de souris. Les chercheurs se limitent actuellement aux animaux car la loi internationale limite la recherche sur les embryons humains à 14 jours de développement. L’utérus artificiel donne la possibilité que ce soit tantôt l’homme, tantôt la femme qui conçoive l’enfant ce qui gommerait les dernières différences de genre si nécessaire. Des expériences comparables avaient été faites en 2017 avec des agneaux.
Il est donc chimiquement possible d’établir une stricte symétrie entre hommes et femmes, de se passer de la reproduction sexuée in vivo tout en pouvant perpétuer l’espèce à l’infini si tant est que l’on dispose d’un laboratoire. Il suffit de disposer d’un peu de carbone, d’hydrogène, d’azote, d’oxygène en compagnie de traces de quelques autres éléments pour obtenir les chérubins désirés si l’on fournit l’énergie nécessaire au moment opportun.
Une nouvelle Loi Naturelle émerge qui tient compte elle du génie humain. La Raison, le rationnel, la logique, le quantitatif se seront débarrassés du hasard et de la diversité dont elle dépend.
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