Fabius, homo lexicus
Comme d'habitude, la France est en pointe et ne ménage pas ses efforts pour faire rendre gorge aux égorgeurs. Le gouvernement qui lutte sur tous les fronts, la barbarie islamiste, l'illettrisme breton, la paupérisation des retraités et doit faire face à des contraintes budgétaires ne pourra déployer que quelques chasseurs bombardiers aux côtés d'Obama pour terroriser les terroristes.
Mais notre pays a d'autres armes toutes aussi redoutables à opposer à la sauvagerie, sa culture et sa civilisation, ses linguistes de réputation mondiale comme Claude Hagège, Alain Rey et Christophe Ribéry pour n'en citer que quelques-uns.
Et c'est là tout son génie, avant même que les hostilités ne soient réellement engagées, elle a dégainé la première, une arme lexicale redoutable, qui a surpris le monde politico-médiatique hexagonal et n'a pas manqué de déstabiliser l'ennemi.
C'est le professeur de sémantique et accessoirement Ministre des Affaires Étrangères Laurent Fabius qui a pris l'initiative en nous enjoignant de ne plus utiliser le sigle en Français de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) mais l'acronyme en arabe Daesh (Ad dawla al islamiya fi 'Iraq wa Shem) pour désigner l'organisation terroriste qui tente de prendre le pouvoir en Irak et en Syrie.
Pour se faire comprendre il a développé l'argument suivant "Le groupe terroriste dont il s'agit n'est pas un état. Je recommande de ne pas utiliser l'expression état islamique car cela occasionne une confusion : Islam, islamistes, musulmans. Il s'agit de ce que les arabes appellent "Daesh" et de ce que j'appellerais les "égorgeurs de Daesh".
Puisqu'il n'y a plus matière à confusion , écoutons les quelques bons élèves journalistes et politiques qui ont bien suivi le cours de linguistique, certains, abusés par la publicité lessivière élident une voyelle, ce qui nous donne le dash ou dache.
D'autres plus concentrés articulent consciencieusement toutes les voyelles, et l'on entend daheche, assez proche de la prononciation précieuse du 16ème arrondissement pour évoquer la dèche.
Hollande lui même, qui a subi des lavages intensifs et qui aime tant les pauvres qu'il en fabrique de nouveaux hésite entre les deux prononciations qui prennent dans sa bouche la saveur de deux lapsus révélateurs.
Voilà pourtant un élément de langage qui sonne comme une victoire, annonciatrice de beaucoup d'autres contre l'hydre terroriste qui sera combattue à coups de lexiques si nécessaire. D'aucuns pourraient trouver dérisoire de guerroyer avec des vocables mais l'histoire récente montre l'importance des mots , il y a ceux qui tuent, qui apaisent et même ceux qui soignent les maux.
Ainsi, le balayeur rebaptisé technicien de surface retrouve sa dignité, la prostituée souvent assimilée à une ''feignasse'' en raison de sa propension à s'allonger rejoint la classe ouvrière avec le statut de travailleuse du sexe.
La mort n'est elle pas plus douce quand on décède d'une longue maladie plutôt que d'un impitoyable cancer et que le cimetière devient une résidence services pour l'après fin de vie. La sentence est plus légère quand une racaille se transforme en un jeune en perte de repères, l'inactivité moins pesante quand le chômeur se mue en allocataire mis momentanément en disponibilité.
Dans les années 60 la France n'avait pas de pétrole mais des idées, celle d'aujourd'hui n'a plus un fifrelin mais regorge de vocabulaire et déploie une remarquable invention langagière.
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