Face à l’islamisme radical au Mali : une opération nécessaire
François Hollande, président de la République française depuis mai 2012, nous avait plutôt habitué jusque-là à la courte vue et à la demi mesure : si sa politique générale reste peu convainquante, il faut lui rendre hommage, sur le dossier malien, d'avoir "brisé le moule" et fait preuve, enfin, de la hauteur de vue qu'on attend d'un homme d'Etat.
Défiant les risques, très nombreux, d'une intervention militaire au Mali, il a su prendre ses responsabilités et engager la France, depuis le 10 janvier 2013 au soir, dans une oeuvre de salubrité géopolitique : mettre un coup d'arrêt à l'expansion venimeuse du djihadisme islamiste qui menaçait Bamako. Les opérations, encore en cours, réserveront sans doute quelques surprises. Mais les premiers échos, concordants, pointent le succès des frappes réalisées. L'intervention militaire française vient à point nommé pour sauver le Mali, pays laïque et jusque-là tolérant, de l'obscurantisme terroriste responsable, à Tombouctou et ailleurs, du dynamitage d'une civilisation sahélienne millénaire.
La décision de François Hollande et de son gouvernement est d'autant plus méritoire qu'elle n'a pas été facilitée par la cécité incompréhensible de nombreux brillants esprits qui, dans nos universités, nous expliquent depuis des années que l'islamisme se meurt... Contre toute évidence ! Dès 1992, Olivier Roy, brillant intellectuel toujours partant pour "épater le bourgeois" par son esprit de contradiction, prophétisait L'échec de l'islam politique (1). Il annonçait l'effritement du FIS en Algérie.... quelques mois avant la surenchère des GIA et dix ans de bain de sang...
En 2000, le tout aussi brillant politologue Gilles Képel, emboîtant le pas à Roy, récidivait (2), et se voyait encensé dans l'excellent mensuel Sciences Humaines pour sa claivoyance sur la fin programmée de l'islamisme. Gilles Képel affirmait alors grosso modo que le djihadisme était "has been", et qu'on exagérait le rôle d'un certain Ben Laden (3). Un an plus tard, c'était le 11 septembre 2001... Pas mal pour un mouvement "has been"...
Depuis, on ne cesse de nous dire que l'islamisme politique re-décline, voire se meurt... Cela finira probablement par arriver un jour (nos politologues ou leurs descendants pourront alors dire qu'ils avaient raison trop tôt...) Mais depuis le dynamitage des locaux de Charlie Hebdo en France (1er novembre 2011), le printemps arabe et son cortège de promoteurs de la charia, et l'actualité en Somalie, au Mali, au Nigéria etc..., on se rend bien compte que pour l'instant, il n'en est rien, et c'est peu de le dire !
Contrairement aux prophéties toujours démenties de nos "spécialistes" de l'islam (admirablement fins dans le détail et la formule-choc, inexplicablement à côté de la plaque sur le terrain des conclusions), l'islam politique est même sans doute plus fort que jamais, en tout cas pour la période du dernier demi-siècle.
A vrai dire, c'est tout sauf une surprise : face à l'effondrement des idéologies séculières (nationalisme, pan-arabisme socialiste etc), l'islam englobant (dîn wa dunyia wa dawla) est un recours solide, et depuis longtemps.
Avec la démocratisation des sociétés de Méditerranée du Sud, il est tout à fait normal que cet islam investisse enfin le politique au plus haut niveau, car il est largement porté par l'élan populaire (si l'on veut bien cesser de confondre le Club Med de Djerba avec la population tunisienne dans son ensemble !).
Mais lorsqu'il se fait totalitaire, en coupant les mains, martyrisant les femmes, fermant les écoles, dynamitant les mausolées, pillant les églises, comme on l'observe au Nord du Mali depuis deux ans, il est temps de fermer la boutique des horreurs : merci et bravo à François Hollande d'avoir eu ce courage, par l'opération Serval, d'aider le peuple malien contre un djihadisme qui défigure l'islam, la tolérance et la citoyenneté.Ce faisant, il rappelle une vérité simple : face l'islamisme radical, on ne guérit pas toujours tout seul, une opération peut s'avérer nécessaire.
(1) Olivier Roy, L'échec de l'islam politique, Paris, Seuil, 1992
(2) Gilles Kepel, Djihad. L'expansion et le déclin de l'islamisme, Paris, Gallimard, 2000.
(3) "Pour Gilles Képel, le mouvement révolutionnaire (islamiste) commence à décliner. Il se montre incapable de renverser les pouvoirs en place, que ce soit par la force ou dans le cadre légal". Jean-Claude Ruano-Borbalan, Sciences Humaines, août-septembre 2000, p.57.
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