Face à la Chine, l’Europe doit retrouver sa souveraineté industrielle
Le dumping chinois, qui fragilise dangereusement nos industries, sera l’un des dossiers prioritaires à gérer pour le prochain Président de la République.
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Il y a plus de quinze ans, durant l’été 2001, un petite village de Haute-Garonne, Marignac, voyait avec peine disparaitre l’unique usine de production de magnésium en France, sous l’effet de la concurrence chinoise. Quelques semaines plus tard, la Chine entrait à l’OMC et, plusieurs années après, devenant monopolistique sur le marché du magnésium, rehaussait les prix de sa production à un niveau qui aurait redonné toute sa rentabilité au site français. Entre temps, la France avait perdu des centaines d’emplois qui faisaient vivre tout un vallon, et était devenue entièrement dépendante d’une puissance étrangère pour son approvisionnement en un matériau indispensable à l’allégement des voitures et des avions, et dont les propriétés explosives en font l’une des matières premières stratégiques en temps de guerre.
Ce qu’elle a fait dans le magnésium, la Chine le fait, à des degrés divers, dans d’autres secteurs industriels comme l’acier, l’aluminium ou le silicium. Elle domine aujourd’hui la production des terres rares, des matériaux stratégiques et des ressources critiques : autant de matières premières nécessaires au développement des industries du futur, en raison de leur très forte valeur ajoutée et de leur impact positif sur l’environnement. Pour y parvenir, elle pratique le dumping grâce à une main d’œuvre à bas coût et à une monnaie longtemps sous-évaluée. Premier exportateur au monde, elle cherche à asphyxier la concurrence occidentale pour établir, à terme, une position dominante sur le marché mondial. Ses surcapacités actuelles, liées au tassement de sa demande intérieure, accentuent la menace pour nos économies occidentales.
Cette politique chinoise, intelligente et méticuleusement déclinée dans le temps grâce à la stabilité du régime, nous rappelle aux réalités de la géoéconomie. En dehors de l’Union européenne, dernier ilot au monde où l’on croit encore aux vertus du laisser-faire, de nombreux Etats définissent et exécutent des stratégies de domination technologique, de développement industriel et de conquête commerciale : Etats-Unis, Russie, Inde, Brésil, Corée du Sud, Israël… Peut-on leur en dénier le droit ? Certainement pas : à nous, plutôt, de nous montrer aussi intelligents.
Depuis quelques mois, dans le cadre des discussions sur l’octroi à la Chine du statut d’économie de marché à l’OMC, la Commission européenne prépare une refonte de ses outils de protection commerciale. Il faudra être ambitieux, ce qui n’est pas gagné dans une Union européenne naïvement libre-échangiste, et tenir bon : bientôt première contributrice du plan Junker, investissant plusieurs milliards d’euros dans nos économies européennes, la Chine menace l’Europe de rétorsions.
Le prochain Président de la République sera-t-il de ceux qui ont compris les réalités de la guerre économique dans laquelle nous évoluons et les réactions vigoureuses qui s’imposent ? Mettre en concurrence directe des centaines de millions de travailleurs pauvres avec les anciennes classes ouvrières européennes, protégées par deux siècles de lutte, est absurde.
Dans ce débat, la France, pour l’heure étonnamment silencieuse, doit se réveiller d’urgence. Il n’est ni dans sa nature ni dans sa vocation de se plier à la vulgate ultra-libérale. On l’attend à la tête d’une coalition en faveur d’un durcissement drastique de nos protections commerciales. On espère qu’elle dira haut et fort que, si nous voulons que l’Europe reste au rang des grandes puissances, il faut qu’elle protège ses activités de pointe et qu’elle se dote d’une stratégie de contrôle de l’ensemble des maillons des filières industrielles d’avenir.
En deux mots : qu’elle défende la souveraineté industrielle de l’Union. Comme le disent Eric Delbecque et Angélique Lafont, dans l'ouvrage Vers une souveraineté industrielle ? Secteurs stratégiques et mondialisation, il ne s’agit pas de s’isoler du reste du monde mais de « promouvoir la réciprocité des comportements économiques, et de donner à chaque pays les instruments lui permettant de favoriser la prospérité de ses territoires et des populations qui y vivent ».
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